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BLIN ROGER (1907-1984)

Metteur en scène exemplaire d'un théâtre difficile, dont le nom est attaché à la réalisation des grandes œuvres de Genet et de Beckett. Élève de Dullin, lié à Artaud, proche de Prévert et du groupe Octobre, Blin se fait connaître comme acteur avant la Seconde Guerre mondiale. En 1949, il se révélait metteur en scène en présentant La Sonate des spectres de Strindberg. Puis il présentait plusieurs pièces d'Adamov, La Grande et la Petite Manœuvre en 1950, La Parodie en 1952. Dès lors, la part de Blin dans le théâtre d'avant-garde devient essentielle, souvent avec des moyens dérisoires ; il n'est cependant pas toujours soutenu par la critique. On connaît l'aventure étonnante de la création et de la carrière de En attendant Godot de Beckett (au théâtre de Babylone en 1953). Blin devenait le metteur en scène auquel Beckett confiait ses principales pièces : Fin de partie(1957), La Dernière Bande (1960), Oh ! les beaux jours (1963). Il sut traduire l'angoisse et la dérision de ces personnages inoubliables dont les mots retentissent sur les silences, les silences sur les mots, les uns prolongeant les autres. Metteur en scène discret et secret, il sait traduire l'avancée lente du temps et le mouvement de l'immobilité : musique des phrases courtes, répétées, bafouillées. De Genet, Blin a monté Les Nègres en 1959 au théâtre de Lutèce avec une troupe d'acteurs noirs, les Griots. En 1966, il monte au Théâtre de France Les Paravents, pièce où se profilait l'ombre de l'Algérie en guerre, mais qui, par sa mise en scène des couleurs, des cris, du mouvement rigoureux, touchait à une forme d'incantation dramatique. En 1969, Blin monte au Théâtre de poche Les Nonnes d'Eduardo Manet puis, d'un autre Cubain, José Triana, La Nuit des assassins ; Le Bleu de l'eau de vie, de l'Espagnol Carlos Semprun Maura et Boesman et Lena du Sud-Africain Athol Fugard. En 1978 il crée la Compagnie Roger Blin. Sa dernière création, Triptyque, de Max Frisch a eu lieu à l'Odéon, en 1983, avec la troupe de la Comédie-Française. Peu lié aux modes, méfiant à l'égard des théâtrologues, il a vécu son métier avec « gravité et recueillement », au service du texte et de l'acteur. Pour connaître le style de Blin, il serait bon de relire la célèbre « lettre » de Genet, préface aux Bonnes. Nul plus que Blin n'a mis autant de force dans ce style « furtif » d'interprétation dramatique. « On ne peut que rêver d'un art qui soit un enchevêtrement profond de symboles actifs, capables de parler au public le langage où rien ne serait dit mais tout pressenti. »

<em>Oh les beaux jours </em>de S. Beckett, mise en scène de Roger Blin - crédits : Yves Leroux/ Gamma-Rapho/ Getty Images

Oh les beaux jours de S. Beckett, mise en scène de Roger Blin

<em>Les Paravents</em> de J. Genet, mise en scène de Roger Blin - crédits : Keystone-France/ Gamma-Keystone/ Getty Images

Les Paravents de J. Genet, mise en scène de Roger Blin

— Armel MARIN

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Écrit par

  • : metteur en scène, conseiller en éducation populaire et techniques d'expression

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Pour citer cet article

Armel MARIN. BLIN ROGER (1907-1984) [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Médias

<em>Oh les beaux jours </em>de S. Beckett, mise en scène de Roger Blin - crédits : Yves Leroux/ Gamma-Rapho/ Getty Images

Oh les beaux jours de S. Beckett, mise en scène de Roger Blin

<em>Les Paravents</em> de J. Genet, mise en scène de Roger Blin - crédits : Keystone-France/ Gamma-Keystone/ Getty Images

Les Paravents de J. Genet, mise en scène de Roger Blin

Autres références

  • BARRAULT JEAN-LOUIS (1910-1994)

    • Écrit par Raymonde TEMKINE
    • 1 337 mots
    • 1 média
    ...scène découvreurs de talents : Jean-Marie Serreau monte Aimé Césaire ; Jean Dasté, Bertolt Brecht ; Marcel Maréchal, Jean Vauthier ; et surtout Roger Blin, qui met en scène Oh ! les beaux jours de Samuel Beckett. En 1966, Barrault a le courage d'accueillir, toujours dans une mise en scène de...
  • FIN DE PARTIE, Samuel Beckett - Fiche de lecture

    • Écrit par Guy BELZANE
    • 1 405 mots
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    Fin de partie est la deuxième pièce représentée, après En attendant Godot (1953), de Samuel Beckett (1906-1989). Créée en français au Royal Court Theatre de Londres le 1er avril 1957 et suivie d’Acte sans paroles, elle sera montée quelques semaines plus tard à Paris, au Studio des Champs-Élysées,...

  • GENET JEAN (1910-1986)

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    • 3 111 mots
    • 2 médias
    ...en 1956 et créés trois ans plus tard, puis Les Paravents, publiés en 1961 (c'est le dernier livre édité de son vivant) et créés en 1966 par Roger Blin avec Madeleine Renaud et Maria Casarès au théâtre de l'Odéon, où ils provoquent un tollé, étant donné le sujet encore brûlant de la guerre...
  • EN ATTENDANT GODOT, Samuel Beckett - Fiche de lecture

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    En janvier 1953 retentit au théâtre Babylone le bruit d'une curieuse bombe, dont l'explosion allait bouleverser le monde du théâtre et de la littérature contemporaine. Dans cette salle parisienne alors en faillite que dirigeait Jean-Marie Serreau, Roger Blin mettait en scène En attendant...

Voir aussi