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PHAGOTHÉRAPIE

Bactériophage infectieux pour les staphylocoques dorés - crédits : Avec l'aimable autorisation de H.-W. Ackermann

Bactériophage infectieux pour les staphylocoques dorés

La découverte de virus, les bactériophages, qui détruisent certaines bactéries comme les staphylocoques ou le bacille du choléra, a ouvert des perspectives inattendues dans la lutte contre les maladies infectieuses, immédiatement après la Première Guerre mondiale. La phagothérapie de nombreuses maladies, dont les épidémies de peste et de choléra, se développe entre les deux guerres avec des résultats contrastés. Elle tombe en désuétude après 1945, sauf en Union soviétique où elle devient un fleuron de la médecine socialiste. On la voit réapparaître, dans des conditions mieux codifiées, depuis les années 1990 en Occident. La phagothérapie semble avoir trouvé sa place particulière comme traitement adjuvant des infections récidivantes.

Dès 1866, Louis Pasteur affirme qu'un microbe est à l'origine de chaque maladie. Le chirurgien anglais Lister applique avec un succès immédiat cette proposition au nettoyage des instruments et des plaies chirurgicales avec des substances antiseptiques. En 1878, Robert Koch et Louis Pasteur ont l'un et l'autre apporté la preuve que chaque maladie infectieuse est causée par un microbe spécifique. Dès lors, la lutte contre les microbes se déroule sur trois fronts : celui de la stérilisation par des antiseptiques, celui de l'attaque biologique (vaccins et sérums) et celui de la recherche de molécules capables de détruire les microbes au sein de l'organisme. En même temps, on apprend à distinguer les agents infectieux par passage sur des filtres dont les pores ont une taille de l'ordre de 0,2 micromètre : les bactéries restent sur le filtre, les virus dits filtrants passent au travers. On ne sait pas alors ce que sont les virus (mais on connaît des maladies qu'ils provoquent, comme la fièvre jaune ou la rage. Malgré un effort de recherche considérable, surtout en France et en Allemagne, l'efficacité de la lutte anti-infectieuse ne progresse que lentement. On reste en particulier démuni contre des épidémies de choléra et de peste, dont les bactéries sont pourtant bien identifiées : les sérums sont peu efficaces et on ne connaît pas de molécules capables de tuer les bactéries responsables, ou de lutter contre les nombreuses maladies intestinales des tropiques. Cela explique l'intérêt immédiat suscité par la découverte, en 1915 par Frederick Twort d'abord et surtout par Félix d'Hérelle en 1917, de « virus » capables de tuer les microbes : les bactériophages. Ces virus font entrevoir une lutte biologique d'un nouveau genre, la phagothérapie. Approche nouvelle, la phagothérapie se développe, est vivement controversée, traverse une phase d'éclipse à partir de 1945 sauf en Union soviétique. Elle reprend de la vigueur actuellement comme traitement d'infections dont l'antibiothérapie ne vient pas à bout. La phagothérapie va-t-elle s'inscrire dans la liste des traitements officiels ?

Historique de la phagothérapie

La découverte des bactériophages et la naissance de la phagothérapie sont indissolublement liées. Dès ses premières observations sur des malades vers la fin des années 1910, d'Hérelle constata que la présence de bactériophages virulents chez les patients atteints de dysenterie bacillaire était associée à leur convalescence. Il en déduisit que ces virus étaient les agents de la guérison naturelle. Après vérification de la généralité de ce phénomène dans diverses pathologies humaines et vétérinaires, il testa le potentiel curatif de ces bactériophages en les administrant à plusieurs enfants atteints de dysenterie bacillaire (hôpital des Enfants malades, Paris). Tous les patients guérirent. Quelques années plus tard, quatre pesteux furent sauvés grâce à la phagothérapie à Alexandrie (Égypte). En Inde, d'Hérelle conduisit des essais sur des malades du choléra : il observa un taux de mortalité de 8 p. 100 dans le groupe des traités[...]

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Écrit par

  • : docteur en histoire et civilisations à l'École des hautes études en sciences sociales, chercheur en histoire sociale, journaliste

Classification

Pour citer cet article

Emiliano FRUCIANO. PHAGOTHÉRAPIE [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Médias

Bactériophage infectieux pour les staphylocoques dorés - crédits : Avec l'aimable autorisation de H.-W. Ackermann

Bactériophage infectieux pour les staphylocoques dorés

Le Gange, fleuve purificateur et source du choléra - crédits : N. Cousland/ Shutterstock

Le Gange, fleuve purificateur et source du choléra

Autres références

  • ANTIBIORÉSISTANCE

    • Écrit par Aurélie CHABAUD, Sylvain MEYER, Marie-Cécile PLOY
    • 5 907 mots
    • 4 médias
    ...peptides antimicrobiens (protéines antibactériennes produites naturellement par la peau, l’intestin ou par d’autres espèces bactériennes commensales), la phagothérapie ou encore la greffe de microbiote semblent prometteuses pour certaines indications ciblées. Ces stratégies permettraient de diminuer la...
  • ANTIBIOTIQUES

    • Écrit par Aurélie CHABAUD, Sylvain MEYER, Marie-Cécile PLOY
    • 6 760 mots
    • 6 médias
    La phagothérapie consiste à utiliser des phages qui sont des virus spécifiques de bactéries et capables de lyser ces dernières. Connus depuis 1917, leur utilisation à partir de 1922 fut immédiatement contestée et a été abandonnée dès que possible au profit des sulfamides puis des antibiotiques. En effet,...
  • HÉRELLE FÉLIX D' (1873-1949)

    • Écrit par Pierre NICOLLE
    • 794 mots

    Né à Montréal, orphelin de père à six ans, il est emmené par sa mère à Paris, puis en Hollande. On manque de précisions sur ses études supérieures. Mais on sait comment Félix d'Hérelle s'est orienté, par hasard, vers la microbiologie, en apprenant qu'une place de chef de laboratoire...

Voir aussi