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MODE Le phénomène et son évolution

Législation, réglementation et bons usages

Les lois somptuaires

La législation somptuaire, qui connaît un grand développement en Europe entre le Moyen Âge et le xviiie siècle, reflète directement des aspects sociaux, politiques et économiques de la mode. Le nombre des lois somptuaires est impressionnant pour chaque période clé de l'histoire du costume occidental. L'historien François Boucher en a recensé quatre à Florence entre 1330 et 1335, deux à Bologne entre 1400 et 1433, trois à Milan entre 1396 et 1520, trois à Venise entre 1453 et 1514, visant toutes à interdire soit le port des chaussures à la poulaine, soit les traînes, soit les décolletés profonds. Plus qu'aux formes des costumes, le législateur s'intéresse à la couleur et à la nature des tissus employés selon l'état et le rang de l'individu. Des ordonnances limitent le vestiaire des uns, interdisent la fourrure aux autres, et fixent un décorum. Ainsi, sous Henri II (15471559), la réglementation réserve l'usage de la couleur rouge aux princes et aux princesses ; sous Louis XIV (1643-1715), l'emploi des tissus et des garnitures d'or et d'argent reste toujours limité aux membres de la famille royale et à certains sujets que le roi désigne. Il s'agit surtout de restreindre l'emploi, et souvent en corollaire l'importation onéreuse, de riches soieries unies, brodées ou brochées d'or et d'argent, de fourrures et de passementeries d'or et d'argent. La réglementation somptuaire française sort renforcée de l'action de Colbert (1619-1683), nommé en 1664 surintendant ordonnateur général des bâtiments, arts, tapisseries et manufactures de France. Une manufacture des « serges façon de Londres » en Bourgogne, une manufacture des Poincts de France (dentelle) à Alençon, une autre de drap dans le Languedoc viennent concurrencer la production étrangère.

Grâce à cette politique, la mode du drap se répandit en France à la fin du xviie siècle. Inversement, les deux édits et les quatre-vingts arrêts qui ont prohibé de 1686 à 1748 le commerce et la fabrication des toiles indiennes n'ont fait qu'en renforcer la mode. À l'orée du xixe siècle, ce n'est plus en termes de restrictions mais d'incitations à la dépense somptuaire que Napoléon mène sa politique, le luxe devant servir le prestige de la cour aussi bien que l'existence des industries françaises, en particulier lyonnaises.

Les civilités et le savoir-vivre

Pour l'histoire de la mode, les manuels, dits de civilité ou de savoir-vivre, ont une grande importance. Ce type de publication reste, dans l'histoire de l'édition, un investissement sûr et générateur de multiples rééditions. Sous l'Ancien Régime, ils remplissent une double fonction : rendre compte des règlements et de l'étiquette de la cour et enseigner les bonnes manières à un public bourgeois. Ces traités, qui jusqu'alors étaient de simples lexiques, subissent, surtout à partir du second Empire, de notables transformations, dues, selon l'historien Philippe Perrot, à l'évolution des structures de la société. Dans la seconde moitié du xixe siècle, les manuels de savoir-vivre, qui comportent de nombreux chapitres sur la mode, sont souvent réédités. L'œuvre de la baronne Staffe demeure la plus connue ; elle publie en 1889 ses célèbres Usages du monde, règles du savoir-vivre dans la société moderne, et en 1908 des Indications pratiques concernant l'élégance féminine.

Après la Seconde Guerre mondiale, de nouveau, ce genre littéraire, comme celui qui est assez proche de la chronique mondaine autobiographique, rencontre les plus vifs succès éditoriaux. Il ne faudrait pas croire que ces ouvrages témoignaient d'un passé faste sans le dessein plus ou moins avoué de proposer un modèle de société et – qui sait ? – de[...]

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Écrit par

  • : conservateur en chef du patrimoine au département design du Musée national d'art moderne-Centre Georges-Pompidou

Classification

Pour citer cet article

Valérie GUILLAUME. MODE - Le phénomène et son évolution [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Médias

Hubert de Givenchy - crédits : Mondadori Portfolio/ Reporters Associati & Archivi/ AKG-Images

Hubert de Givenchy

Charles Frederick Worth - crédits : Hulton Archive/ Getty Images

Charles Frederick Worth

Tailleur Chanel - crédits : Evening Standard/ Hulton Archive/ Getty Images

Tailleur Chanel

Autres références

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    1958 Mary Quant dessine sa première mini-robe.

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