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BERZELIUS JÖNS JACOB (1779-1848)

La chimie organique

Berzelius s'est tôt appliqué à des analyses de matières animales, et on lui doit la conception même de chimie organique ; le mot et la chose apparaissent en 1808 dans le premier volume de son Lärbok où il reprend le terme déjà employé en 1806 dans ses leçons sur la chimie animale (l'expression avait déjà été utilisée, mais dans un sens assez confus, par Novalis qui fait allusion à l'organische Chemie dans son Enzyklopädie). À vrai dire, l'organisk Kemi de Berzelius consiste d'abord en chimie biologique ; elle a pour objet de décrire la composition des êtres vivants et les processus chimiques de la vie. Ce ne sera que plus tard qu'elle sera identifiée par Dumas et Liebig à la chimie des radicaux composés, puis enfin, plus généralement, à la chimie des composés du carbone.

C'est avec beaucoup d'ingéniosité que Berzelius a perfectionné l'analyse élémentaire des corps organiques, notamment le procédé de combustion imaginé par Lavoisier. Dès 1814, il pouvait parler de la composition des substances organiques, et montrer par l'analyse, après de patientes purifications, que ces corps obéissent à des lois de composition identiques à celles des combinaisons minérales. Avec Liebig et Dumas, Berzelius admit l'existence de radicaux, c'est-à-dire de groupements privilégiés d'atomes dans les composés organiques. Cependant, son attachement à la théorie électrochimique le porta à combattre énergiquement des conceptions plus tard avérées. Il récusa les vues de Liebig et de Wölher sur le radical benzoyle et s'éleva avec indignation contre la théorie des substitutions de Dumas et Laurent selon qui un halogène, par exemple le chlore très électronégatif, peut remplacer, atome pour atome, dans un composé organique, l'hydrogène très électropositif. On sait que Dumas sut surmonter les critiques de Berzelius et qu'il développa ses vues en 1839 dans sa théorie des types.

En revanche, Berzelius fut plus heureux dans l'exposition, en 1830, du concept d' isomérie, qui associe identité de composition avec différence de propriétés. Liebig avait reconnu, en 1823, que deux sels d'argent, le fulminate et le cyanate, ont même composition. À cette époque, l'idée de constitution moléculaire n'avait pas de consistance scientifique. Les résultats de Liebig contredisaient la proposition alors communément admise que la composition détermine univoquement les propriétés. Aussi, les chimistes supposèrent-ils d'abord que les analyses réitérées de ces composés argentiques étaient entachées d'erreurs. Cependant, Faraday découvre en 1825 un carbure d'hydrogène (notre butylène) de même composition élémentaire que le gaz oléfiant (notre éthylène). Puis, en 1828, Wöhler parvient à transformer totalement le cyanate d'ammonium en urée, deux corps ayant encore même formule de composition. Mais Berzelius reconnaît, peu après, que les acides racémique et tartrique sont dans ce cas ; il admet alors l'existence d'espèces chimiques ayant même composition et des propriétés différentes. Pour désigner la relation qui unit ces objets, il crée le terme d'isomérie dont les connotations successives seront liées au sort de la chimie structurale. Berzelius n'était pas en position de définir le concept de structure, mais il en pressentit toutefois l'existence, puisqu'il pouvait écrire que si « nous ignorons la cause des limites assignées aux combinaisons des atomes entre eux [...] peut-être à l'avenir cette matière sera-t-elle éclaircie par l'étude de la forme géométrique des atomes composés ».

Berzelius incarne le type du savant attaché à sa patrie qui, à force de labeur et d'ingéniosité, parvient à exercer de son laboratoire pauvrement loti un magistère durable sur une science qu'il systématise.[...]

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Pour citer cet article

Jacques GUILLERME. BERZELIUS JÖNS JACOB (1779-1848) [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Média

Jöns Jacob Berzelius - crédits : Hulton Archive/ Getty Images

Jöns Jacob Berzelius

Autres références

  • CATALYSE

    • Écrit par Henri Jean-Marie DOU, Jean-Eugène GERMAIN
    • 8 394 mots
    • 7 médias

    Le terme catalyse a été forgé par Berzelius en 1835 pour désigner l'ensemble des effets chimiques produits par les catalyseurs. On appelle catalyseur « toute substance qui altère la vitesse d'une réaction chimique sans apparaître dans les produits finaux » (Ostwald, 1902). La catalyse est donc une...

  • CHIMIE - Histoire

    • Écrit par Élisabeth GORDON, Jacques GUILLERME, Raymond MAUREL
    • 11 186 mots
    • 7 médias
    Laborieuse tâche fondamentale qu'accomplirent les chimistes du xixe siècle, la détermination des masses atomiques fut d'abord l'œuvre de Berzelius dont la méticuleuse précision et l'opiniâtreté analytique ont été un modèle éclatant. Il fut l'initiateur du symbolisme des formules de constitution...
  • ÉLECTRICITÉ - Histoire

    • Écrit par Jacques NICOLLE
    • 6 197 mots
    • 11 médias
    ...Volta, la chimie progresse. Humphry Davy (1778-1829) décompose la soude et la potasse fondues, découvrant ainsi le sodium et le potassium ; en 1812, Jöns Jacob Berzelius (1779-1848), développant les idées de Davy, établit une théorie électrochimique de la matière en montrant que toute combinaison chimique...
  • ENZYMES - Histoire de la notion

    • Écrit par Gabriel GACHELIN
    • 2 473 mots
    • 7 médias
    Le chimiste suédois Jacob Berzelius (1779-1848) avait introduit le concept de catalyse en 1835. Un catalyseur accélère la vitesse d’une réaction chimique et se retrouve inchangé à la fin de l’opération. Les enzymes sont-elles des catalyseurs biologiques, puisque les réactions qu’elles assurent ne se...
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Voir aussi