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HUERTA

Le mot espagnol huerta vient du latin hortus, jardin ; c'est bien une agriculture jardinatoire qui caractérise d'ordinaire les plaines irriguées du pourtour de la Méditerranée. Leur importance est très variable : simples conques au débouché d'un torrent, petites plaines comme celle de Fondi entre Rome et Naples, grandes étendues alluviales. Le plus bel ensemble de huertas est celui du Levant espagnol : autour de Valence, de Murcie, d'Alicante et, plus au sud, en Andalousie autour de Motril, dont la richesse est fondée sur la canne à sucre.

On distingue la zone des cultures (huerta au sens strict) et les secteurs de céréales irriguées (vega). En réalité, des interférences existent et les cultures spéculatives modernes prennent de plus en plus de place. L'irrigation par puits reste individuelle car on reconnaît l'usage de l'eau profonde à celui qui l'a trouvée sur sa terre. Cependant, l'irrigation collective prédomine, soit à partir de barrages, soit par dérivation. Un véritable code coutumier de l'eau a été élaboré et reconnu par les huertanos. Les seigneurs autrefois, les collectivités de propriétaires aujourd'hui règlent méticuleusement le tour d'eau. Le droit à l'eau est lié à la possession du sol. À Valence, les conflits sont tranchés par le tribunal de las aguas qui siège, depuis des siècles, sur le parvis de la cathédrale.

Les huertas sont d'ordinaire des régions de petite propriété et de petite exploitation. La polyculture intensive peut faire vivre une famille sur cinquante ares. Cependant, des nuances existent dans les régimes fonciers. Ainsi, autour de Valence, les petites propriétés portent d'abord des cultures vivrières : blé, maïs, légumes. Quelques productions de complément procurent un peu d'argent : oignons, piments, tomates. Le climat chaud permet une culture extraordinairement intensive (cinq récoltes en deux ans). Un autre type de propriété, qualifiée de grande avec vingt hectares, donne lieu à location par des bourgeois de la ville. Les oranges en sont la production principale. Enfin, la plaine littorale, vouée au riz, a été conquise par les grosses sociétés foncières.

Les huertas méditerranéennes forment comme des taches d'intensivité dans un monde rural plutôt voué à l'extensivité et à l'occupation incomplète des terroirs. Depuis des siècles les mêmes techniques culturales ont prévalu malgré les aléas de l'histoire (invasions, islamisation, Reconquista) et les mutations des régimes fonciers. Le spectacle actuel est celui d'un paysage rural créé par l'homme, où les limites parcellaires, les terrasses, les réseaux d'irrigation, les droits d'usage, la pression démographique s'opposent au bouleversement que pourraient apporter des techniques d'irrigation plus modernes comme l'aspersion.

— Roger BÉTEILLE

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Écrit par

  • : agrégé de l'Université, maître assistant à l'université de Poitiers

Classification

Pour citer cet article

Roger BÉTEILLE. HUERTA [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Autres références

  • ESPAGNE (Le territoire et les hommes) - Géographie

    • Écrit par Michel DRAIN
    • 9 604 mots
    • 8 médias
    ...limites historiques. Privée de la province d'Albacete, elle n'a plus le contrôle des sources de ses cours d'eau. Or l'eau est un enjeu politique majeur. La huerta de Murcie, actuellement désorganisée par le mitage de l'habitat, était encore célèbre vers le milieu du xxe siècle par la récupération...

Voir aussi