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HISTOIRE (Domaines et champs) Histoire économique

L'histoire économique s'est construite dans la longue durée et ne s'est véritablement institutionnalisée, sous l'effet de facteurs multiples et diversement actifs selon les lieux, qu'à partir de la fin du xixe siècle. Elle a connu un apogée dans le deuxième tiers du xxe siècle – entre la crise des années 1930 et la fin des Trente Glorieuses −, puis un certain fléchissement avec, toutefois, d'importantes phases de renouvellement. La construction de l'histoire économique résulte tout à la fois de l'évolution et de la spécialisation de la réflexion littéraire et philosophique avant le xixe siècle, des fluctuations des pôles d'intérêt des historiens et, plus fondamentalement, des relations nouées par ceux-ci avec les sciences économiques, et même avec les autres sciences sociales. Ces évolutions ont eu lieu selon des rythmes et des configurations variables en fonction des pays avec, notamment, par-delà une hégémonie originelle anglo-saxonne et germanique, des formes et une périodisation propres à la France.

La genèse et le développement de l'histoire économique

Certains auteurs, tels Ibn Khaldun probablement au xive siècle, à coup sûr Guillaume Budé et Jean Bodin au xvie siècleou William Petty et Gregory King au xviie siècle, voire Adam Smith, Voltaire ou Condorcet au xviiie siècle, font œuvre, sans qu'ils en aient nécessairement conscience, d'historiens économistes par leur souci de se libérer des contraintes de la chronique en combinant chiffres et analyses de problèmes périodisés dans le temps, qu'il s'agisse de mesurer la monnaie, les prix, les hommes ou même la richesse nationale. Mais leur œuvre ne demeure guère dissociable d'une entreprise littéraire au sens large, où d'ailleurs économie, histoire, morale et métaphysique se mêlent fréquemment sans être véritablement différenciées clairement par leurs contemporains.

On s'accorde généralement à penser que l'histoire économique en tant que discipline universitaire académique, autonome, reconnue et institutionnalisée naît vers 1850, et se développe surtout dans la décennie de 1870 à la fois en Prusse (puis en Allemagne après 1871) et aux États-Unis. Sa genèse et son évolution ne peuvent d'ailleurs être dissociées des histoires nationales qui l'ont vue naître. Ainsi, les principales revues et universités d'histoire économique (Berlin, Strasbourg, Harvard en particulier) sont contemporaines de la construction de l'État-nation dans ces deux pays et apparaissent alors fortement liées à des finalités nationales et idéologiques. En Allemagne, l'histoire économique prend toute sa part à la construction de l'identité nationale et du nationalisme économique à son service. Aux États-Unis, elle est fondée sur une interprétation économique de la Constitution américaine – et particulièrement des moyens de garantir les droits de propriété –, ou encore sur une interprétation de la « frontière » constitutive de l'identité nationale. Après 1900, Manchester, Cambridge et Londres fondent également chaires et revues d'histoire économique. Nombre des travaux publiés alors s'appuient sur l'idée maîtresse de l'antériorité de l'industrialisation britannique. À partir de la fin des années 1920, la London School of Economics et l'Economic History Review pour le Royaume-Uni, Harvard et le Journal of Economic History pour les États-Unis exercent alors leur hégémonie, laquelle perdure au début du xxie siècle. Après la Seconde Guerre mondiale, lors de la guerre froide et de la compétition avec les pays d'économie socialiste, nombre de travaux d'histoire économique appartiennent à l'école historique américaine dite « du consensus », qui insiste sur les vertus du take off (décollage) – terme emprunté[...]

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Écrit par

  • : professeur d'histoire contemporaine à l'université de Paris-VIII

Classification

Pour citer cet article

Michel MARGAIRAZ. HISTOIRE (Domaines et champs) - Histoire économique [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Média

Banque de France - crédits : J. Derennes/ Photo Banque de France

Banque de France

Autres références

  • HISTOIRE (notions de base)

    • Écrit par Philippe GRANAROLO
    • 3 161 mots

    Tandis que la physique étudie le monde sensible ou la chimie la transformation de la matière, l’histoire (mot issu d’un vocable grec signifiant « enquête ») étudie... l’histoire. La plupart des langues européennes désignent également par un même mot l’étude et l’objet de l’étude. Est-ce là une imperfection...

  • LE RÔLE SOCIAL DE L'HISTORIEN (O. Dumoulin)

    • Écrit par Bertrand MÜLLER
    • 995 mots

    Au cours de ces dernières décennies, les scènes d'intervention de l'historien se sont multipliées. Sans changer apparemment de costume, l'historien joue de nouveaux rôles : désormais requis comme témoin ou expert sur des scènes sociales – tribunaux, médias, commissions, etc. –, qui ne sont pas a priori...

  • À DISTANCE. NEUF ESSAIS SUR LE POINT DE VUE EN HISTOIRE (C. Ginzburg) - Fiche de lecture

    • Écrit par François-René MARTIN
    • 1 032 mots

    À distance. C'est sous ce titre que l'édition française de l'ouvrage de Carlo Ginzburg rassemble les neuf essais qui le composent (Gallimard, Paris, 2001). Le livre est traduit trois ans après sa publication en italien chez Giangiacomo Feltrinelli Edition sous le titre d'Occhiacci...

  • L'ÂGE DES EXTRÊMES. HISTOIRE DU COURT XXe SIÈCLE (E. Hobsbawm)

    • Écrit par Marc FERRO
    • 805 mots

    L'Âge des extrêmes (Complexe-Le Monde diplomatique, 1999) constitue le quatrième et dernier tome d'un ensemble d'ouvrages qui ont analysé le destin des sociétés depuis la fin du xviiie siècle. Le premier tome, L'Ère des révolutions, traite de la transformation du monde...

  • AGERON CHARLES-ROBERT (1923-2008)

    • Écrit par Benjamin STORA
    • 776 mots

    Historien de l'Algérie contemporaine, Charles-Robert Ageron est né le 6 novembre 1923 à Lyon. Il était issu d'une famille de petits patrons d'atelier. Son père dirigeait une modeste entreprise de mécanique. Bachelier en 1941, il s'inscrit à la faculté des lettres de Lyon où l'un de ses professeurs...

  • AGNOTOLOGIE

    • Écrit par Mathias GIREL
    • 4 992 mots
    • 2 médias

    Le terme « agnotologie » a été introduit par l’historien des sciences Robert N. Proctor (université de Stanford) pour désigner l’étude de l’ignorance et, au-delà de ce sens général, la « production culturelle de l’ignorance ». Si son usage académique semble assez circonscrit à la ...

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Voir aussi