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HISTOIRE (Domaines et champs) Histoire économique

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De la « Business History »à l'histoire des techniques

À travers la Business History Review se développe, dans la décennie de 1960, une série d'histoires d'entreprises sous l'influence des travaux de l'historien et économiste américain Alfred D. Chandler Jr. relatifs à la grande entreprise moderne, contemporaine de la seconde industrialisation et perçue à travers ses mutations corrélées entre stratégies et structures d'organisation managériale. Malgré les travaux, datant des années 1950, de Claude Fohlen ou encore de Bertrand Gille et de Jean Bouvier sur la banque au xixe siècle, l'histoire des entreprises manifeste un certain retard en France (la revue Entreprises et histoire n'est créée qu'en 1992), lié notamment à une méfiance durable et réciproque entre chercheurs et chefs d'entreprise et d'un accès souvent malaisé aux archives privées des entreprises. Cependant, ce type d'histoire se développe depuis les années 1980 grâce au soutien de fondations, au mécénat d'entreprises publiques et privées ou à l'appui de comités d'histoire et de revues spécialisées dans certains secteurs (électricité, transports ferroviaires, aluminium...). Même si l'objet est neuf, cette approche micro-économique se heurte à des questions méthodologiques et théoriques parfois anciennes qui traversent plus généralement la discipline historienne. Trois dérives principales en menacent l'essor. D'abord, la tendance à surestimer une histoire strictement internaliste privilégiant, dans les sources, le regard des dirigeants des entreprises sur leurs propres pratiques, une histoire pro domo, somme toute. Ensuite, le risque, conscient ou non, de produire une success story où, de manière tautologique et téléologique, on explique la réussite économique – ou l'échec – de telle entreprise par des facteurs de succès préalablement fixés. Enfin, le danger de saturation et de répétition par la multiplication de monographies qui sous-estiment les évolutions méso-économiques – à l'échelle des branches – et macro-économiques, à l'échelle de la société tout entière.

Cependant, la diversification des champs de recherche dans le temps – par l'exploration, longtemps retardée, du xxe siècle – et dans l'espace repose, en grande partie, sur l'intérêt récent porté, par-delà les entreprises, aux branches et aux secteurs, aux produits et aux marchés, ainsi qu'aux territoires de l'économie. Cet élargissement s'écarte toutefois sensiblement des approches de Chandler, en particulier en renouvelant l'intérêt pour le capitalisme familial, pour les petites et moyennes entreprises ou encore pour les systèmes productifs locaux – appelés parfois « districts industriels » –, avec le souci de s'émanciper d'une vision linéaire et univoque de l'évolution économique qui suivrait le modèle de l'économie américaine dominante. Ainsi, dans les années 1980, nombre d'historiens français, par-delà leur diversité, qu'il s'agisse de Jean Bouvier ou de François Caron, se reconnaissent dans une démarche « révisionniste » – au sens où ils réfutent l'idée du « retard » du capitalisme français comme l'ont longtemps soutenu des auteurs anglo-saxons –, au profit d'une analyse en termes d'évolution à caractère et périodisation spécifiques.

De même, l'histoire des techniques produit des ouvrages féconds, depuis les premiers travaux de David Landes, qu'il s'agisse de l'histoire des inventeurs et des ingénieurs, de celle des écoles et de la formation, des innovations de produits et de procédés, ou encore, de manière plus ambitieuse, de recherches sur les systèmes techniques, dans la lignée des travaux de Bertrand Gille. Mais cette histoire peut se trouver également[...]

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Écrit par

  • : professeur d'histoire contemporaine à l'université de Paris-VIII

Classification

Pour citer cet article

Michel MARGAIRAZ. HISTOIRE (Domaines et champs) - Histoire économique [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Article mis en ligne le et modifié le 10/02/2009

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Banque de France - crédits : J. Derennes/ Photo Banque de France

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Autres références

  • HISTOIRE (notions de base)

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    • 3 161 mots

    Tandis que la physique étudie le monde sensible ou la chimie la transformation de la matière, l’histoire (mot issu d’un vocable grec signifiant « enquête ») étudie... l’histoire. La plupart des langues européennes désignent également par un même mot l’étude et l’objet de l’étude. Est-ce là une imperfection...

  • LE RÔLE SOCIAL DE L'HISTORIEN (O. Dumoulin)

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    Au cours de ces dernières décennies, les scènes d'intervention de l'historien se sont multipliées. Sans changer apparemment de costume, l'historien joue de nouveaux rôles : désormais requis comme témoin ou expert sur des scènes sociales – tribunaux, médias, commissions, etc. –, qui ne sont pas a priori...

  • À DISTANCE. NEUF ESSAIS SUR LE POINT DE VUE EN HISTOIRE (C. Ginzburg) - Fiche de lecture

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    À distance. C'est sous ce titre que l'édition française de l'ouvrage de Carlo Ginzburg rassemble les neuf essais qui le composent (Gallimard, Paris, 2001). Le livre est traduit trois ans après sa publication en italien chez Giangiacomo Feltrinelli Edition sous le titre d'Occhiacci...

  • L'ÂGE DES EXTRÊMES. HISTOIRE DU COURT XXe SIÈCLE (E. Hobsbawm)

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    L'Âge des extrêmes (Complexe-Le Monde diplomatique, 1999) constitue le quatrième et dernier tome d'un ensemble d'ouvrages qui ont analysé le destin des sociétés depuis la fin du xviiie siècle. Le premier tome, L'Ère des révolutions, traite de la transformation du monde...

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