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GRAVIMÉTRIE

L'exploitation des mesures

Anomalies à l'air libre

Même un modèle assez grossier du globe terrestre, tel que celui de Alexis-Claude Clairaut (masse fluide en rotation, en équilibre sous l'action de sa propre attraction et de la force centrifuge), fait prévoir une variation de la gravité avec l'altitude et avec la latitude ϕ. Ces variations ont été vérifiées dès le xviie siècle, d'abord par la constatation du déréglage d'une horloge astronomique transportée à Cayenne (Jean Richer, 1673), ce qui était la première indication expérimentale en faveur de la théorie de l'attraction de Newton, puis par les travaux de P. Bouguer en Équateur. Comme ces variations, prévues par la théorie, ne nous apprennent plus rien, on a pris l'habitude d'en faire abstraction, en retranchant de la valeur mesurée la valeur théorique, en fonction de la latitude et de l'altitude, pour un ellipsoïde, choisi conventionnellement, dont les dimensions et l'aplatissement sont spécifiés. À la formule de 1924 :

a succédé une formule qui tient compte de la valeur de l'aplatissement, fournie avec une grande précision par l'étude des satellites artificiels, ainsi que de la révision de la valeur de référence à Potsdam (valeur en 1993) :

Par ailleurs, la variation de la pesanteur avec l'altitude résulte directement de la théorie de la gravitation ; elle est de 0,3074 mGal.m-1.

À chaque station de mesure, de latitude et d'altitude connues, correspond donc une valeur théorique pour un globe conventionnel. La différence avec la valeur mesurée a reçu le nom, impropre, d'« anomalie » (il s'agit en réalité de la partie significative de la mesure, une fois soustraite de celle-ci l'effet de ce qui est connu).

La comparaison directe, dont on vient d'indiquer le principe, fournit l'anomalie dite à l'« air libre » ou de « Faye ». Le globe idéal de référence ayant été bien choisi, cette anomalie a une valeur moyenne pratiquement nulle. Sa valeur absolue est en général inférieure à 20 ou 30 mGal, sauf en région très accidentée.

Anomalie de Bouguer

À l'échelle du kilomètre ou de la dizaine de kilomètres, l'anomalie à l'air libre présente cet inconvénient qu'elle ne tient aucun compte de la topographie, cependant bien connue dans sa forme sinon pour sa densité. Cela revient à comparer le globe réel à un globe limité à la surface de l'ellipsoïde. Or, il est évident que l'attraction de la part du relief doit intervenir dans les mesures.

Pour en tenir compte, on définit une « anomalie de Bouguer », qui est la différence entre la mesure réelle et la valeur théorique au point correspondant, pour un modèle de Terre où l'ellipsoïde envisagé précédemment est complété par l'adjonction d'un relief « posé sur le géoïde comme un timbre-poste sur une enveloppe » ; à ceci près qu'il faudrait, logiquement, y représenter les mers comme creusées sous la surface, et remplies par une matière ayant la densité de l'eau de mer.

Si la densité attribuée au relief a été bien choisie, on constate que les valeurs de l'anomalie de Bouguer ne présentent pas de corrélation avec le relief local. On peut, en interpolant entre les stations de mesure, élaborer des cartes (par exemple au 1/20 000 ou au 1/50 000) où le tracé des courbes d'égale valeur de la composante verticale du champ de pesanteur (ou isogammes) ne présente plus aucune ressemblance avec les cartes du relief. Inversement, cela permet de choisir la valeur la plus représentative pour la densité du terrain. Ces cartes permettent l'interpolation entre les points de mesure, et également le calcul d'intégrales de surface, ou de valeurs moyennes.

La « correction de Bouguer », qu'il faut ajouter à l'anomalie à l'air libre pour obtenir l'anomalie de[...]

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Écrit par

  • : ingénieur général des Mines, ancien directeur du service de la carte géologique de France

Classification

Pour citer cet article

Jean GOGUEL. GRAVIMÉTRIE [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Médias

Gravimètre Worden - crédits : Encyclopædia Universalis France

Gravimètre Worden

George Stokes - crédits : Hulton Archive/ Getty Images

George Stokes

Autres références

  • TERRE - Planète Terre

    • Écrit par Jean AUBOUIN, Jean KOVALEVSKY
    • 9 225 mots
    • 9 médias
    ...système métrique, à la suite d'une nouvelle entreprise de l'Académie des sciences, ainsi qu'une image précise de la forme de la Terre qui fut acquise par l'étude des anomalies de pesanteur. Rapportée à un ellipsoïde de référence calculé au niveau moyen des mers, corrigée de l'effet des reliefs, la pesanteur...
  • ACCÉLÉROMÈTRES SPATIAUX

    • Écrit par Raphaël F. GARCIA, Pierre TOUBOUL
    • 4 883 mots
    • 3 médias
    Pourquoi cette orbite est-elle si basse ? L'objectif scientifique de la mission Goce consiste à déterminer de façon très précise les anomalies du champ de gravité terrestre. En un point donné, la pesanteur est la résultante de l'attraction gravitationnelle suivant la loi de Newton et de l'accélération...
  • BOUGUER PIERRE (1698-1758)

    • Écrit par Universalis
    • 423 mots

    Géophysicien français né le 16 février 1698 au Croisic, mort le 15 août 1758 à Paris, fondateur de la photométrie (mesure de l'intensité lumineuse).

    Enfant prodige, Pierre Bouguer apprend avec son père, Jean Bouguer, l'hydrographie et les mathématiques. À la mort de ce dernier, il n'a...

  • CLAIRAUT ALEXIS CLAUDE (1713-1765)

    • Écrit par Universalis
    • 212 mots

    Mathématicien français. Né à Paris, Clairaut (ou Clairault) fit, sous la conduite de son père qui était professeur de mathématiques, de tels progrès en cette science qu'à l'âge de douze ans il lisait devant l'Académie une note sur les propriétés de quatre courbes qu'il avait découvertes. Ses ...

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Voir aussi