Abonnez-vous à Universalis pour 1 euro

GLYPTIQUE

Les vases en pierres dures

La naissance de la taille des vases en pierres dures se situe dans le Moyen-Euphrate au VIIe millénaire avant J.-C. Dès le IVe millénaire, des ateliers d'Afghanistan et d'Iran les exportent vers les riches cités de Mésopotamie. En Égypte, la vaisselle de luxe est alors en basalte, albâtre, diorite, ou en brèches colorées. Coupes, vases, flacons sont monolithes, à anses et pied taillés dans la masse, aux lignes simples et épurées. D'Égypte, la technique se transmet à la Crète où, à l'époque minoenne, sont ciselés des vases en cristal de roche, gypse blanc, stéatite ou serpentine, certains décorés de scènes animées (vase des Moissonneurs, vase des Boxeurs d'Haghia Triada). Cet art se maintient en Égypte et au Proche-Orient où, à partir du viiie siècle avant J.-C., l' agate devient le matériau de prédilection. Sa vogue croît à l'époque hellénistique : la description de la pompe dionysiaque organisée à Alexandrie par Ptolémée II (309-246 av. J.-C.) fait état d'une multitude de vases d'agate, et celle du trésor de Mithridate VI, roi du Pont (111-63 av. J.-C.), de deux mille tasses d'onyx. L'apogée de cette production, devenue pour les Romains le symbole du luxe, se situe au ier siècle avant J.-C. et au ier siècle après J.-C. Les vases en cristal de roche ou sardoine, variété brune d'agate, sont monolithes, de faible épaisseur (de 2 à 4 mm) et de formes complexes inspirées de l'orfèvrerie. Certains sont taillés d'un décor en bas relief, comme la tasse Farnèse à Naples, ou la coupe dite des Ptolémées à Paris, véritables vases-camées. Alexandrie, à l'époque hellénistique, puis Rome, sous l'Empire, ont dû être les principaux centres de fabrication. À l'époque byzantine, Constantinople prend le relais, s'inspirant à la fois des vases gréco-romains et de ceux qui sont produits en Iran sassanide aux vie et viie siècles. De la renaissance macédonienne (ixe-xie s.) datent quantité de coupes de sardoine ou de jaspe, unies ou godronnées, la plupart aujourd'hui dans le Trésor de Saint-Marc de Venise, d'une technique plus fruste, les anses rapportées en métal, les parois épaisses. À la même époque, les lapidaires fatimides du Caire cisèlent des aiguières, des coupes et des flacons en cristal de roche, monolithes, aux parois très minces recouvertes d'un décor exubérant de rinceaux, palmettes et animaux en léger relief. L'influence de ces objets, qui, après le sac du Caire en 1064 puis celui de Constantinople en 1204, pénètrent en Occident où ils furent ornés de montures orfévrées et remployés dans les trésors des églises, explique la naissance d'ateliers de cristalliers dans la région rhénano-mosane, vers 1200, puis à Paris et à Venise au xiiie siècle. Les créations occidentales, d'abord en cristal de roche et à usage liturgique, se diversifient peu à peu. Vers la fin du xive siècle apparaît une vaisselle en pierres dures, jaspe, onyx, marbre, porphyre, aux formes complexes, destinée aux tables princières. À Venise, Valerio Belli (1468-1546) renouvelle l'art du cristal de roche par l'adjonction d'un fin décor gravé. À Milan, Annibale Fontana (1504-1587) et les frères Sarachi se spécialisent dans une vaisselle en forme d'animaux fantastiques au décor foisonnant, tandis qu'à Florence se maintient l'usage de formes simples et de pierres colorées comme le porphyre ou le lapis-lazuli. Les Miseroni, artistes milanais, s'installent à Prague en 1588 et lancent la mode des rondes-bosses et des vases en cristal de Bohême et pierres semi-précieuses polychromes, suivis par de nombreux artistes allemands. Mais, au xviiie siècle, l'usage exclusif du verre met fin à la production des vases en pierres dures.

— Mathilde AVISSEAU

La suite de cet article est accessible aux abonnés

  • Des contenus variés, complets et fiables
  • Accessible sur tous les écrans
  • Pas de publicité

Découvrez nos offres

Déjà abonné ? Se connecter

Écrit par

  • : conservateur au Cabinet des monnaies, médailles et antiques, Bibliothèque nationale, Paris
  • : conservateur honoraire du Cabinet des médailles de Paris, ancien professeur à l'École du Louvre, professeur à la Monnaie de Paris

Classification

Pour citer cet article

Mathilde AVISSEAU et Josèphe JACQUIOT. GLYPTIQUE [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Médias

Cachet montrant un héros combattant un taureau ailé - crédits : Erich Lessing/ AKG-images

Cachet montrant un héros combattant un taureau ailé

Camée, art romain - crédits :  Bridgeman Images

Camée, art romain

Gemma Augustea, art romain - crédits :  Bridgeman Images

Gemma Augustea, art romain

Autres références

  • ART (L'art et son objet) - Le faux en art

    • Écrit par Germain BAZIN
    • 6 715 mots
    Au Moyen Âge, les chrétiens n'ont que mépris pour ces « idoles », mais ils gardent beaucoup de goût pour les œuvres de la glyptique antique dont ils ornent ce que les églises ont de plus précieux, à savoir les châsses dans lesquelles sont conservées les reliques. Au xvie siècle, quand on...
  • BYZANCE - Les arts

    • Écrit par Catherine JOLIVET-LÉVY, Jean-Pierre SODINI
    • 13 538 mots
    • 10 médias
    Pierretendre sans pores, dont la couleur varie du vert amande au gris clair, la stéatite a été très utilisée à Byzance, à partir de l'époque macédonienne, pour la fabrication de pendentifs, d'amulettes et surtout de nombreuses petites icônes. Moins onéreuses que les pièces en ivoire, auxquelles elles...
  • CAMÉES

    • Écrit par Josèphe JACQUIOT
    • 2 599 mots
    • 2 médias

    Dans la glyptique, qui est l'art de graver les pierres fines, il faut distinguer deux techniques : l'une qui consiste à graver les pierres en creux, l'autre qui consiste à les graver en relief. La première de ces techniques produit les intailles ou pierres gravées ; la seconde, les ...

  • CRÈTE ANTIQUE

    • Écrit par Jean-Claude POURSAT
    • 3 935 mots
    • 6 médias
    ...spirales et des éléments naturalistes (fleurs, pétales, poulpes) que l'on retrouvera tout au long de l'histoire de la céramique minoenne et mycénienne. La glyptique, qui connaît un développement considérable à cette époque, marqué par l'apparition de formes nouvelles (prismes, cachets à tige), reprend les...
  • Afficher les 15 références

Voir aussi