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FIGURALISME

Le figuralisme – encore appelé madrigalisme – est l'art d'évoquer musicalement une idée, une action, un sentiment, ou encore de dépeindre une situation. Ce goût descriptif existait déjà de façon spontanée et à titre individuel au Moyen Âge mais il devient au xvie siècle une pratique courante que les compositeurs de motets, de madrigaux ou de chansons désignent par l'expression « peinture pour l'oreille ». Ce recours à la représentation des mots, des idées, des sentiments en musique caractérise ce que l'on a appelé le stile rappresentativo (« style représentatif »), qui s'est peu à peu imposé sous la seconda prattica (« seconde pratique »), au début du xviie siècle, illustrant ainsi une conception figurée de la musique qui s'opposait à la prima prattica (« première pratique »), ou style sévère des compositeurs contrapuntistes.

Musique religieuse et profane de la Renaissance

À partir du xvie siècle, les compositeurs recherchèrent, plutôt que la souplesse de la courbe vocale, son originalité et sa courbe expressive. Des effets de style commencent à apparaître dans les motets. Dans la conclusion du motet à cinq voix Pater venit hora de Jacques Clément (Clemens non Papa, entre 1510 et 1515-1555 ou 1556), les cinq voix terminent toutes ensembles vers l'aigu sur Jesu Christum. Cette figure, qui décrit, par une ligne mélodique ascendante, un mouvement vers le haut, et, par analogie, vers le Christ et le ciel, s'appelle une anabase ; elle est de caractère pictural puisqu'elle est censée « peindre les choses » de manière à ce que l'auditeur puisse voir ce qu'il entend.

Les figuralismes ou madrigalismes se développent et ornent des mélodies évoquant certains mots ou idées importants du texte. On symbolise par exemple la fuite par une section en imitation serrée, sur des rythmes rapides ; le murmure de l'eau est généralement figuré par la répétition de deux ou trois notes en rythmes réguliers, et le ciel, la gloire ou la beauté sont évoqués par le mouvement ascendant de la mélodie supérieure ou même de l'ensemble des voix.

Ces procédés, qui étaient jusque-là peu connus des compositeurs, se répandent autant dans la musique religieuse que profane. Roland de Lassus (1530 ou 1532-1594) a beaucoup utilisé ces moyens, auparavant complètement ignorés des compositeurs du Nord. Il n'hésite pas à s'en servir très largement même dans sa musique religieuse ; les madrigalismes pénètrent tous les genres et tous les styles musicaux, y compris le motet, qui perd toute l'austérité qu'il avait à l'origine.

Certaines figures sont cependant moins directement reliées au mot ou à une représentation précise, mais possèdent un pouvoir expressif extrêmement grand. Parmi les plus importantes, l'interruptio, qui, comme son nom l'indique, fait intervenir des silences brusques, ou encore le climax, amené par la répétition mélodique. Ces figuralismes ne tomberont pas en désuétude et se retrouveront à toutes les époques et dans tous les genres musicaux, notamment dans l'opéra, y compris contemporain.

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Écrit par

  • : ancien critique à Sud-Ouest et à Contact Variété, professeur d'improvisation et d'histoire de la musique

Classification

Pour citer cet article

Antoine GARRIGUES. FIGURALISME [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Autres références

  • SECONDA PRATTICA

    • Écrit par Antoine GARRIGUES
    • 1 270 mots

    Dans la préface de son Cinquième Livre de madrigaux, publié en 1605, Monteverdi explique que sa méthode de composition constitue une seconda prattica (« seconde pratique »), qui remplace la prima prattica (« première pratique »), dont Gioseffo Zarlino (1517-1590) avait fixé les règles...

Voir aussi