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VICTORIENNE ÉPOQUE

Littérature

Pensée

Thomas Henry Huxley - crédits : Walery/ Wellcome Collection ; CC BY 4.0

Thomas Henry Huxley

La littérature victorienne, conditionnée par le climat de l'époque, reçoit son empreinte profonde des forces intellectuelles nouvelles. La prose domine, propice à l'exposé des problèmes religieux et des controverses que pose la pensée scientifique face à l'idéalisme. Mill (1806-1873) représente, en l'assouplissant, l'utilitarisme ; Darwin (1809-1882) l'évolutionnisme dont l'influence est la plus féconde du siècle. La géologie nie que la création du monde date de quatre mille ans. Herbert Spencer (1820-1903) édifie une histoire génétique de l'univers, ambitieuse mais moins efficace que l'œuvre de cet admirable décanteur d'idées qu'est Thomas Henry Huxley (1825-1895), biologiste, théologien, pédagogue. L'histoire garde des liens avec le romantisme de Walter Scott, mais s'oriente vers l'interprétation sociale et économique avec Thomas Babington Macaulay (1800-1859) et philosophique aussi avec Henry Thomas Buckle (1821-1862), disciple de Comte. La critique, appliquée à la société, la pensée religieuse, la littérature trouvent en Matthew Arnold (1822-1888) un esprit nourri de classicisme et élargi par le cosmopolitisme, l'influence de Goethe et de Sainte-Beuve. Thomas Carlyle (1795-1881), correspondant de Goethe, se fait le propagateur d'un germanisme qui imprègne sa doctrine du héros et son style, riche de fulgurations prophétiques et d'effets à la Rembrandt. En contraste complet, Newman (1801-1890) représente, par les voies de la logique et d'une intuition toute bergsonienne, une dialectique subtile, personnelle dans son admirable autobiographie Apologia pro vita sua (1869), générale dans son Essay on the Development of Christian Doctrine : 1845, date de sa conversion au catholicisme, donc de la victoire du mouvement d'Oxford. Ruskin (1819-1900) prépare le triomphe de l'esthétisme par sa défense de Turner et des préraphaélites et son propre style somptueux, mais sa philosophie de l'art est plus gênée qu'enrichie par son généreux prophétisme social moralisant.

Roman

Le roman victorien, patronné par la bourgeoisie, doit sa variété, sa vitalité et son originalité aux forces vives des artisans consciencieux et des génies qui lui assurent un triomphe autochtone incontestable mais non pas international. Le conformisme et l'isolationnisme retardent longtemps le plein épanouissement des méthodes réalistes pratiquées sur le continent. Dickens (1812-1870), réformateur efficace des tares sociales, frère des humbles, crée par son imagination et son humour des personnages qui ont le relief d'un Falstaff ou d'un Hamlet : il est le génie le plus national que l'Angleterre ait produit avec Shakespeare. Autour de lui gravitent quantité de talents qui exploitent le « roman social » pour dénoncer l'industrialisme et le machinisme : Benjamin Disraeli (1804-1881), observateur des « deux nations », surtout de l'aristocratie en raison de ses fonctions de ministre ; Charles Kingsley (1819-1875), fondateur de la « Muscular Christianity », doctrine d'action issue de Carlyle ; Mrs. Gaskell (1810-1865), qui a pris avec la grande misère des villes un contact direct encore qu'insuffisant quant aux conditions économiques. Charlotte Brontë (1816-1855) a sa place ici par Shirley (1849), mais Jane Eyre(1847), autobiographie transposée, par sa passion maîtrisée transcende son époque. Sa sœur Emily (1818-1848) porte à son point d'incandescence les élans mystiques d'un amour dont la mort est l'assouvissement fatal ; Les Hauts de Hurlevent(Wuthering Heights, 1847), malgré ses attaches avec le romantisme, est une très grande œuvre intemporelle. Thackeray (1811-1863) met en pratique un réalisme rival de celui de Dickens, mais visant un autre objectif : la dissection swiftienne du snobisme dans une[...]

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Écrit par

  • : professeur honoraire à la Faculté des lettres et sciences humaines de Paris
  • : professeur à l'université de Paris-III-Sorbonne nouvelle

Classification

Pour citer cet article

Louis BONNEROT et Roland MARX. VICTORIENNE ÉPOQUE [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Médias

Victoria, reine du Royaume-Uni - crédits : Culture Club/ Getty Images

Victoria, reine du Royaume-Uni

Le terrain du choléra - crédits : Ann Ronan Pictures/ Print Collector/ Getty Images

Le terrain du choléra

Charles Darwin - crédits : Spencer Arnold/ Getty Images

Charles Darwin

Autres références

  • RÈGNE DE LA REINE VICTORIA, en bref

    • Écrit par Sylvain VENAYRE
    • 227 mots
    • 1 média

    Montée sur le trône en 1837, et disparue le 22 janvier 1901, la reine Victoria aura symbolisé le Royaume-Uni à l'apogée de sa puissance. L'« ère victorienne » résume ainsi le succès et les ambiguïtés de l'Angleterre de la seconde moitié du xixe siècle. Le pays...

  • VICTORIA (reine du Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d'Irlande)

    • Écrit par Philippe CHASSAIGNE
    • 3 293 mots
    • 4 médias

    La reine Victoria, née Alexandrina Victoria de Hanovre, devenue de Saxe-Cobourg - Gotha par son mariage avec le prince Albert en 1840, est née à Londres, le 24 mai 1819, au palais de Kensington, et décédée le 22 janvier 1901, à Osborne House, sur l’île de Wight. Son règne de soixante-trois...

  • BRIGHT JOHN (1811-1889)

    • Écrit par Roland MARX
    • 832 mots

    Homme politique britannique de premier plan et grande figure du libéralisme, John Bright est un industriel du Lancashire. Appartenant à une famille de quakers, il a reçu une bonne éducation, mais n'est pas passé par les universités ; autodidacte, il a marqué l'éloquence parlementaire par la qualité...

  • BURNS JOHN ELLIOT (1858-1943)

    • Écrit par Paul CLAUDEL
    • 532 mots
    • 1 média

    Alors qu'il n'est qu'un jeune ouvrier mécanicien, Burns adhère au socialisme. Il participe, avec Hyndmann notamment, à la fondation de la Democratic Federation, première organisation ouvrière anglaise se réclamant du marxisme. Dénonçant le « défensisme » des leaders syndicalistes, Burns et ses...

  • CAMERON JULIA MARGARET (1815-1879)

    • Écrit par Elvire PEREGO
    • 586 mots
    • 3 médias

    Une certaine tentation picturale, teintée d'esthétisme et d'artifice, caractérise l'œuvre photographique de Julia Margaret Cameron, exclusivement consacrée à la figure humaine.

    Personnalité excentrique, Julia Margaret, deuxième des sept sœurs Pattle, naquit le 11 juin 1815, à Calcutta...

  • CARLYLE THOMAS (1795-1881)

    • Écrit par Michel FUCHS
    • 1 713 mots

    Que Carlyle ait été tenu pour le prototype du « sage » à l'époque victorienne peut paraître paradoxal : nul n'a dénoncé avec plus de persévérance et de violence l'imposture universelle de son siècle. Pourtant, la vénération qui entoure, à la fin de sa vie, cet homme si peu conservateur qu'il rejette...

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Voir aussi