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DIOPHANTE D'ALEXANDRIE

Les « Arithmétiques »

Telles qu'elles se présentent maintenant, les Arithmétiques comprennent au moins dix livres, dans l'ordre suivant : les trois premiers livres grecs, immédiatement suivis, et dans l'ordre, par les quatre livres retrouvés de la version arabe. Viennent ensuite les livres IV et V du texte grec, dont l'organisation appelle un examen approfondi, en cours, et enfin, le livre VI du texte grec, sur les triangles rectangles numériques.

Ainsi, des treize livres qu'aux dires de Diophante comportaient les Arithmétiques, nous en possédons actuellement au moins dix, et non plus seulement six. Et les livres retrouvés dans leur version arabe ne modifient pas seulement l'organisation des Arithmétiques, mais aussi leur extension ainsi que leur compréhension.

L'objet des « Arithmétiques »

Quel est, au juste, l'objet de Diophante dans les Arithmétiques ? Les réponses à cette question se présentent comme un conflit d'interprétations, dont les origines remontent déjà aux mathématiciens arabes du xe siècle ; de la logistique théorique à la géométrie algébrique, le spectre de l'interprétation de l'œuvre du mathématicien alexandrin est singulièrement étendu. Alors que Tannery hier, Kurt Vogel aujourd'hui voient dans les Arithmétiques une logistique théorique, Nesselmann, Hankel, Heath, naguère, et bien d'autres encore aujourd'hui soutiennent que l'on y trouve bien de l'algèbre. Des mathématiciens contemporains, tels André Weil, Jean Dieudonné, Isabelle G. Bašmakova, croient pouvoir, quant à eux, lire dans les Arithmétiques, sinon en toutes lettres, du moins en filigrane, les concepts et les instruments de la géométrie algébrique ; dans ce cas Diophante ne serait pas seulement le prédécesseur de Fermat, mais de Hilbert, de Hurwitz et de Poincaré, et serait alors l'ancêtre de tous ces chapitres qui portent aujourd'hui son nom – analyse diophantienne, géométrie diophantienne, approximations diophantiennes, équations diophantiennes.

Organisation et nature des « Arithmétiques »

Mais, avant de confronter ces interprétations, décrivons les Arithmétiques. Le but de Diophante y est clair : édifier une théorie mathématique dont les éléments constitutifs seraient les nombres, considérés comme pluralités d'unités, et les parties fractionnaires comme fractions de grandeurs. Ces éléments de la théorie ne sont pas seulement présents « en personne », mais aussi comme espèces des nombres. On peut montrer que cette expression, « espèce » de nombre, recouvre également et indifféremment la puissance d'une pluralité déterminée, et la puissance d'une pluralité quelconque, c'est-à-dire provisoirement indéterminée, mais qui sera, à la fin de la solution du problème, toujours déterminée : il s'agit du nombre « non dit », ἄλογος ἀριθμός. Dans le préambule du premier livre, Diophante définit ces termes, ces puissances, jusqu'à la sixième, et en donne certaines abréviations (et non pas, comme on l'a toujours affirmé, une représentation symbolique). Au quatrième livre – selon le nouvel ordre – il définit la huitième et la neuvième puissance. Notons que la septième puissance n'est jamais mentionnée par Diophante, et que la cinquième n'apparaît jamais dans les énoncés des problèmes des Arithmétiques. Cela nous ramène à cette notion, déjà évoquée, d'« espèce » de nombre. Il faut en effet rappeler que Diophante parle de trois espèces : celle du nombre linéaire, celle du nombre plan, et enfin celle du nombre solide. C'est seulement à propos de ces trois espèces qu'il parle de la nature (ϕύσις) des nombres. Ces espèces engendrent toutes les autres, lesquelles doivent, à la limite, prendre leurs noms. Ainsi, le carré-carré, δυναμοδύναμις, noté[...]

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Pour citer cet article

Roshdi RASHED. DIOPHANTE D'ALEXANDRIE [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Autres références

  • ARITHMÉTIQUES (Diophante)

    • Écrit par Bernard PIRE
    • 188 mots

    Diophante d'Alexandrie, parfois appelé le « père de l'algèbre », est connu par son ouvrage les Arithmétiques, qui traite des solutions des équations algébriques. On ne sait pratiquement rien de sa vie et ses dates de naissance et de mort sont très controversées. Les Arithmétiques...

  • PRIX ABEL 2016

    • Écrit par Yves GAUTIER
    • 1 168 mots
    • 2 médias
    ...démonstration devient des plus ardues. Tous les cubes ne sont pas la somme d’un cube… Certes, Fermat avait écrit en latin en marge d’un exemplaire des Arithmétiques de Diophante, qui donne la description de tous les cas possibles, sa célèbre citation : « J’ai une démonstration extraordinaire de cette...
  • ALEXANDRIE ÉCOLE MATHÉMATIQUE D'

    • Écrit par Jean ITARD
    • 1 754 mots
    • 1 média
    Mais c'est encore à cette école que l'on doit un autre aspect de l'analyse représenté par les Arithmétiques de Diophante d'Alexandrie. Il s'agit de l'analyse indéterminée, dite de nos jours encore « analyse diophantienne ». Ses procédés sont identiques à ceux de notre algèbre...
  • ÉQUATIONS ALGÉBRIQUES

    • Écrit par Jean ITARD
    • 5 672 mots
    Indiquons enfin que les systèmes d'équations affines se rencontrent dans la littérature grecque, principalement chez Diophante d'Alexandrie (iiie siècle env.). Ce n'est d'ailleurs qu'un aspect mineur de l'œuvre du grand algébriste. Diophante ne procède pas par fausses positions. Il utilise une...
  • FERMAT PIERRE DE (1601-1665)

    • Écrit par Universalis, Catherine GOLDSTEIN, Jean ITARD
    • 4 103 mots
    Mais le domaine où il triomphe est celui de l'analyse indéterminée. Les mathématiciens du xvie siècle avaient retrouvé les livres arithmétiques de Diophante. Xylander les avait traduits en latin et S. Stevin en français. R. Bombelli, Gosselin, Viète s'en étaient inspirés dans leurs travaux. Le mathématicien...
  • Afficher les 7 références

Voir aussi