Abonnez-vous à Universalis pour 1 euro

DIEU L'affirmation de Dieu

Le Dieu-objet de la théologie ontologique

Celui qui est

Les deux grands noms de la théologie latine du mystère de Dieu sont Augustin et Thomas d'Aquin. Alors que la théologie grecque partait directement de la considération des personnes divines, Augustin commencera par étudier la nature divine commune aux trois personnes. Cela aura une importance considérable pour la théologie ultérieure, en particulier celle de Thomas d'Aquin. Ce dernier étudie théologiquement les qualités de la nature divine commune aux trois personnes. Et comme la nature de Dieu dans son unité est déjà accessible à la raison naturelle, il ne craint pas de mettre au service d'une meilleure intelligence du mystère de Dieu toutes les ressources de la tradition philosophique de son temps (cf. par exemple l'introduction de la pensée d'Aristote en Occident). Cherchant l'intelligibilité du mystère de Dieu en lui-même, il interprétera la parole de Dieu à Moïse : « Je suis celui qui suis » dans un sens ontologique et verra dans l'identification de Dieu avec l'Être absolu le principe intelligible qui permet de rendre compte de tous les attributs et de toutes les œuvres de Dieu.

Cette interprétation de Dieu en termes d'être aura l'immense avantage de montrer que le Dieu des philosophes et le Dieu vivant révélé en Jésus-Christ sont un seul et même Dieu. Et à cet égard, Thomas d'Aquin demeure un témoin privilégié de l'harmonie entre la foi et la raison. Il reste que son projet théologique constituait une option lourde de conséquences pour tout l'avenir de la pensée chrétienne. On peut se demander en effet si cette théologie ontologique respecte assez l'irréductibilité du Dieu de la révélation et ne porte pas en germe le risque d'une fausse objectivation de Dieu, triomphe de la raison naturelle. En réalité, l'équilibre délicat que Thomas d'Aquin maintenait, concernant la connaissance de Dieu, par sa doctrine de l'analogie, n'a pas toujours été respecté, et le thomisme a été l'occasion de bien des rationalismes théologiques.

La théologie des noms divins

On peut dire que, dans l'histoire de la théologie, la question des Noms divins (Somme théologique, Ia, q. 13) de Thomas d'Aquin représente le premier exposé systématique sur les conditions de possibilité d'un discours sur Dieu. Elle est le complément nécessaire de la question que pose d'emblée la Somme théologique sur l'objet et sur la méthode de la théologie comme science. Elle témoigne d'un équilibre extrêmement délicat entre théologie négative et théologie affirmative au point de vue de notre connaissance de Dieu. Thomas d'Aquin est fidèle à la tradition représentée par Denys dans la mesure où il affirme que l'expression de notre plus haut savoir sur Dieu réside dans l'aveu de notre ignorance de ce qu'il est en lui-même. Mais, en même temps, il corrige profondément l'Aréopagite en transformant l'inconvenance des affirmations sur Dieu en inadéquation selon le mode de signifier (cf. q. 13, a. 12, ad 1um).

L'apport le plus positif de cette théologie des noms divins est de fournir un critère rigoureux de discernement des noms qui s'attribuent proprement à Dieu parmi tous les noms que les Pères et les théologiens lui prêtent en s'inspirant de l'Écriture (cf. q. 13, a. 3, ad 1um : la différence des noms propres et des métaphores). En outre Thomas d'Aquin a eu le mérite de montrer la continuité analogique entre le langage simplement humain et la Parole de Dieu. Grâce à l'analogia entis, il met en relief les aptitudes sémantiques du langage humain ordinaire à nommer ce qui le dépasse, à désigner ce qui échappe à la conceptualité. Toute la théologie des noms divins tend à montrer la possibilité et la légitimité d'un discours[...]

La suite de cet article est accessible aux abonnés

  • Des contenus variés, complets et fiables
  • Accessible sur tous les écrans
  • Pas de publicité

Découvrez nos offres

Déjà abonné ? Se connecter

Écrit par

Classification

Pour citer cet article

Claude GEFFRÉ. DIEU - L'affirmation de Dieu [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Autres références

  • ABSOLU

    • Écrit par Claude BRUAIRE
    • 4 222 mots
    2. Puisque l'athéisme ne fait que prendre acte, résolument, de la proposition conclusive de la théologie négative : « Dieu est rien », il présuppose la même conception négative de l'absolu. Mais il en est de même si l'on considère l'athéisme indifférent d'un scientisme qui complète la « mort...
  • ACTE, philosophie

    • Écrit par Paul GILBERT
    • 1 282 mots
    ...l'ouverture de l'action qu'anime une attente correspond un acte qui comble le manque ; l'espoir de l'acte anime l'attente et dessine la fin de l'action. La tradition aristotélicienne parle cependant d'un acte pur, qui serait Dieu. Or on ne peut pas penser que, par exemple pour Thomas d'Aquin...
  • AGAPÈ

    • Écrit par Henry DUMÉRY
    • 1 102 mots

    Le mot grec agapè signifie affection, amour, tendresse, dévouement. Son équivalent latin est caritas, que nous traduisons par « charité » (dans les textes stoïciens comme dans les textes chrétiens). Généralement, la langue profane emploie agapè pour désigner un amour de parenté ou d'amitié,...

  • ÂGE DE LA TERRE

    • Écrit par Pascal RICHET
    • 5 143 mots
    • 5 médias
    Ce fut au milieu du iie siècle que la question du type de création prit une grande importance dans le cadre de polémiques avec les sectes gnostiques. Celles-ci avaient en effet soulevé un sérieux problème théologique : si toute chose avait une origine divine, comment le Dieu bon des Écritures...
  • Afficher les 129 références

Voir aussi