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RÉGY CLAUDE (1923-2019)

Claude Régy - crédits : Eric Feferberg/ AFP

Claude Régy

Claude Régy est né à Nîmes le 1er mai 1923. De son éducation dans une famille bourgeoise protestante des Cévennes, il dit avoir rejeté le puritanisme mais gardé un attachement au Texte, à la Bible, constamment citée. Ce spiritualisme sans dogme, ce mysticisme sans religion, annonce l'une des orientations de sa démarche théâtrale.

Interrompant Sciences-Po et ses études en droit, Claude Régy rejoint la capitale et fréquente les cours d'art dramatique de Charles Dullin, Tania Balachova et Michel Vitold. Il devient l'assistant de ce dernier, puis d'André Barsacq et de Michel Fagadau, avant d'entreprendre ses propres mises en scène. Assez vite, la création contemporaine l'accapare, et cette prédilection ne se démentira pas. Il porte à la scène les œuvres de Marguerite Duras (Les Viaducs de la Seine-et-Oise, 1960 ; Eden cinéma, 1977 ; Le Navire-night, 1978), de Nathalie Sarraute (Isma, 1972 ; C'est beau, 1975 ; Elle est là, 1979). Régy ne cesse de poursuivre un dialogue avec les auteurs vivants. L'Amante anglaise, de Duras, l'accompagne de loin en loin : la pièce, interprétée par Madeleine Renaud, est montée en 1968, 1982 et 1989.

L'intérêt que Claude Régy porte au renouveau de l'écriture théâtrale ne se limite pas, tant s'en faut, aux auteurs français. Au milieu des années 1960, il contribue à faire connaître une nouvelle génération d'auteurs anglo-saxons : Harold Pinter (L'Amant, La Collection, 1965 ; Le Retour, 1967), James Saunders (La prochaine fois je vous le chanterai, 1966), John Osborne (Témoignage irrecevable, 1966), ou encore Tom Stoppard, Arnold Wesker. À Paris, au Théâtre-Antoine, aux Mathurins, avec des comédiens (Delphine Seyrig, Jean Rochefort, Jean-Pierre Marielle, Pierre Brasseur, Emmanuelle Riva, Michel Bouquet) servant à merveille des dialogues souvent brillants, les spectacles rencontrent un succès certain. Directeur d'acteurs minutieux, mais se méfiant de l'efficacité, Régy ne persévérera pas dans cette voie.

<em>La Chevauchée sur le lac de Constance</em> de P. Handke, mise en scène de Claude Régy - crédits : Michel Ginfray/ Gamma-Rapho/ Getty Images

La Chevauchée sur le lac de Constance de P. Handke, mise en scène de Claude Régy

C'est davantage vers des auteurs allemands comme Peter Handke (La Chevauchée sur le lac de Constance, 1973 ; Les gens déraisonnables sont en voie de disparition, 1978 ; Par les villages, 1983) ou Botho Strauss (La Trilogie du revoir, 1980 ; Grand et petit, 1982) qu'il se tourne à partir des années 1970. Au contact de ces textes difficiles s'épure et s'affirme sa manière théâtrale, où ses nombreux détracteurs voient un maniérisme à l'envers, une lenteur, un étirement du temps (plus de trois heures sans entracte pour La Trilogie du revoir), un hiératisme rebutants.

C'est que les catégories du théâtre traditionnel sont ici sérieusement battues en brèche. L'intrigue dramatique n'intéresse pas Régy, et il s'acharne surtout à détourner ses comédiens du principe d'incarnation, reliquat selon lui d'un naturalisme, d'un psychologisme diffus polluant la pratique théâtrale. Ainsi les acteurs de La Chevauchée sur le lac de Constance, davantage voix que personnages, tentent-ils vainement de saisir, au prix d'une longue conversation, la réalité de leur être, ignorant qu'ils sont morts. Les ouvriers de Par les villages ne s'expriment pas à l'aide de quelque idiome de classe, mais sont dotés d'une parole poétique.

Selon Claude Régy, le comédien doit être comme traversé par le texte, et laisser celui-ci irradier. Son passage au Conservatoire national d'art dramatique, au début des années 1980, ainsi que les fréquents stages pour lesquels on le sollicite, s'inscrivent dans la logique de cette exigence. Quant au metteur en scène, il doit savoir disparaître afin de ne pas figer le sens : « J'essaie de laisser des trous, des failles ; d'approfondir les choses à l'infini, ce qui est la seule façon de ne pas les finir, de les laisser ouvertes. » Le rythme ralenti des séquences,[...]

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Écrit par

  • : écrivain, metteur en scène, maître de conférences à l'université de Paris-X-Nanterre

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Pour citer cet article

David LESCOT. RÉGY CLAUDE (1923-2019) [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Médias

Claude Régy - crédits : Eric Feferberg/ AFP

Claude Régy

<em>La Chevauchée sur le lac de Constance</em> de P. Handke, mise en scène de Claude Régy - crédits : Michel Ginfray/ Gamma-Rapho/ Getty Images

La Chevauchée sur le lac de Constance de P. Handke, mise en scène de Claude Régy

<em>Intérieur</em>, de Maurice Maeterlinck. - crédits : K. Miura/ Festival d'Automne à Paris, 2014

Intérieur, de Maurice Maeterlinck.

Autres références

  • INTÉRIEUR (M. Maeterlinck)

    • Écrit par Jean CHOLLET
    • 974 mots
    • 1 média

    Après avoir fait connaître de nombreux auteurs contemporains, de Marguerite Duras à Edward Bond, Harold Pinter ou Peter Handke, Claude Régy trouve en 1985, à travers sa rencontre avec Maurice Maeterlinck (1862-1949), matière à nourrir et développer sa recherche théâtrale. Elle se nourrit surtout...

  • QUELQU'UN VA VENIR (J. Fosse)

    • Écrit par David LESCOT
    • 969 mots

    La compagnie de Claude Régy, Les Ateliers contemporains, a pour vocation de créer en France les œuvres de jeunes auteurs dramatiques. On sait que Régy a toujours privilégié une telle recherche, lui qui aida à découvrir en France Harold Pinter, John Osborne, Peter Handke, Botho Strauss ou, plus...

  • BOND EDWARD (1934-2024)

    • Écrit par Universalis, David LESCOT
    • 1 390 mots
    • 1 média
    ...antivictorienne baignée d'une atmosphère cauchemardesque, pièce qui connut également la censure (la dernière de l’histoire de la monarchie britannique). Saved(Sauvés, 1972), montée par Claude Régy, va contribuer à faire découvrir Bond en France, avant que Luc Bondy ne mette en scène La Mer en 1973...
  • FOSSE JON (1959- )

    • Écrit par Monique LE ROUX
    • 1 032 mots
    • 1 média
    Ce poète de l'indicible ne pouvait qu'inspirer Claude Régy (1923-2019), premier en France à le faire entendre sur un plateau, dans une mise en scène d'« une beauté implacable, impressionnante » selon les termes de l’auteur, avec la création en 1999 de Quelqu'un va venir, pièce déjà...
  • LONSDALE MICHAEL (1931-2020)

    • Écrit par René PRÉDAL
    • 918 mots
    • 1 média

    Doté d’une présence singulière (une voix et une diction décalées, un physique raide et emprunté), le comédien Michael (ou Michel) Lonsdale, a été, à partir du mitan des années 1950, une figure majeure d’un ambitieux théâtre d’avant-garde. En parallèle, il a construit une filmographie de...

  • SCÉNOGRAPHIE

    • Écrit par Jean CHOLLET
    • 6 524 mots
    • 3 médias
    ...Parmi ceux-ci, Daniel Jeanneteau et Emmanuel Clolus témoignent, malgré leurs différences, d'une même réflexion tendant à redéfinir une poétique scénique. Le premier, lié aux créations de Claude Régy depuis 1989, refuse le spectaculaire au profit d'un univers sensoriel en partie fondé sur l'exploitation...

Voir aussi