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CHORÉGRAPHIE L'art de créer les gestes

Vers une chorégraphie « autonome »

En effet, le ballet romantique développe dans ses créations une sorte de « feuilletage » composé en deux ou plusieurs actes (Giselle applique ce modèle en deux actes ; Le Lac des cygnes, en quatre actes) qui se succèdent selon le modèle suivant : l'acte I, réaliste ou prosaïque, développe la pantomime pour situer et faire avancer la narration ; l'acte II, acte dit « blanc », est situé dans un univers fantastique, peuplé d'êtres imaginaires féminins (sylphides, wilis, ondines...), où seules les figures d'une danse abstraite qui déploie toutes ses nouvelles subtilités techniques (notamment l'équilibre et les pointes) dominent la chorégraphie. À partir de cette période, les chorégraphes, dont l'histoire se souvient, tels Philipe Taglioni (1777-1871), August Bournonville (1805-1879), Jules Perrot (1820-1892), ont un « style » qui tient tout autant aux pas employés (le « vocabulaire » chorégraphique) qu'à la façon de les arranger entre eux (la « phrase » chorégraphique). Cette façon de concevoir la chorégraphie en tant que telle va développer de nombreuses innovations techniques dans la danse, et favoriser une virtuosité nouvelle pour les danseurs, chaque chorégraphe ayant des pas de prédilection et une manière de les incorporer dans l'ensemble de l'action qui n'appartient qu'à lui.

Cette nouvelle conception de la chorégraphie va se perfectionner tout au long du xixe siècle, pour atteindre son apogée avec Marius Petipa, que l'on peut considérer comme le père de la danse académique et de la chorégraphie classique. Prolongeant les acquis du romantisme, il fixe la structure chorégraphique qui sert encore aujourd'hui à tout ballet classique. Avec lui, le chorégraphe devient le maître absolu du ballet. Il se soucie d'ailleurs moins d'un « sens » global du ballet, qu'il considère comme un prétexte, que de l'innovation technique, de la virtuosité du mouvement ou des qualités physiques des danseurs qu'il peut développer à travers lui. Il crée des œuvres originales dont la structure et la forme chorégraphique sont les éléments principaux. Les procédés qu'il emploie, et qui varieront peu au cours des siècles suivants en matière de chorégraphie classique, visent à élaborer un synopsis bien découpé de l'action en trois ou quatre actes, à commander au compositeur associé une partition qui corresponde à ses besoins précis en matière de chorégraphie (caractère de la scène, nombre de mesures, tempo...), et à puiser les figures dans le vocabulaire classique devenu extrêmement riche, tout en incluant dans certaines scènes des danses de caractère (danse russe, polonaise, espagnole, czardas...). Il alterne ensuite les scènes de pantomimes et les séquences dansées, en faisant se succéder les évolutions du corps de ballet et celles des solistes suivant un rythme subtil d'entrées et de sorties parfaitement réglées, soit en cortège, soit par petits groupes qui mettent en valeur les meilleurs artistes. Les enchaînements de pas les plus virtuoses contribuent au déroulement de l'action au même titre que la pantomime. Il fonde la structure obligée et définitive du « pas de deux » (adage à deux, variation du garçon, variation de la fille, coda à deux), réservé aux étoiles, et qui constituent les temps forts, les morceaux de bravoure attendus par le public de tout ballet classique qui se respecte.

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Écrit par

  • : écrivaine, journaliste dans le domaine de la danse

Classification

Pour citer cet article

Agnès IZRINE. CHORÉGRAPHIE - L'art de créer les gestes [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Médias

Isadora Duncan - crédits : Eadweard Muybridge/ Hulton Archive/ Getty Images

Isadora Duncan

Loïe Fuller - crédits : Henri Manuel/ Getty Images

Loïe Fuller

Martha Graham - crédits : Soichi Sunami/ Hulton Archive/ Getty Images

Martha Graham

Autres références

  • DANSER SA VIE (exposition)

    • Écrit par Agnès IZRINE
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    Présentée du 23 novembre 2011 au 2 avril 2012 au Centre Georges-Pompidou, Danser sa vie (sous-titrée Art et danse de 1900 à nos jours) fut une exposition sans précédent. Pour la première fois une institution muséale nationale consacrait une exposition entière à la danse, ou, plus précisément, aux...

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    La danseuse et chorégraphe cubaine Alicia Alonso a marqué l’histoire du ballet classique du xxe siècle. Légende de son vivant, interprète hors du commun et à forte personnalité, elle a su faire du Ballet national de Cuba l’une des meilleures compagnies du monde et fonder « l’école cubaine...

  • ANGIOLINI GASPARO (1731-1803)

    • Écrit par Universalis
    • 357 mots

    Chorégraphe, librettiste, compositeur et théoricien italien, Gasparo Angiolini fut l'un des premiers à mêler danse, musique et intrigue dans des ballets dramatiques.

    Né le 9 février 1731, à Florence, Gasparo Angiolini (de son vrai nom Domenico Maria Angelo Gasparini) devient en 1757 maître...

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Voir aussi