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BENE CARMELO (1937-2002)

Né à Campi Salentina, dans les Pouilles, en 1937, Carmelo Bene débute à Rome en 1959 dans une interprétation très remarquée de Caligula d'Albert Camus, tant l'acteur y semble excéder les limites propres au travail de la simple interprétation. Grand inventeur et opérateur, depuis le début des années 1960, de ce qu'on appellera les cantine (caves) de Rome – une forme de l'underground théâtral qui s'imposera ensuite dans les années 1970 –, il imagine un théâtre qui, à la suite d'Artaud, tend à détruire l'expression dramaturgique conventionnelle. Tour à tour « monstre sacré » et « enfant terrible » de la scène italienne, il crée dès ses débuts une figure nouvelle qui concentre l'expression des différentes fonctions théâtrales : non seulement celle, toute-puissante, de l'acteur, mais aussi celles du metteur en scène, de l'auteur-adaptateur, du décorateur.

Le théâtre déconstruit

Doté de possibilités physiques et vocales hors du commun, Bene s'attaque dès 1961 à de grands classiques de la scène ou de la littérature : ses « démons » préférés seront, d'une part, Pinocchio, de l'autre, Hamlet, deux moments emblématiques de sa redéfinition de l'acteur. Le premier permet de rejeter le projet humaniste du comédien et de confronter l'acteur à l'impossible mise en œuvre d'un « devenir-pantin ». Le second effectue la déconstruction humoristique d'une des pièces fondamentales du répertoire occidental. Au cours de cette première période, les recherches de Bene visent le fait spécifique du théâtre et de la théâtralité. C'est même par là que son travail est constamment engagé dans une opération critique fondamentale qui aboutit à une formule devenue célèbre : « ôter de scène », au lieu de mettre en scène. Hamlet va d'ailleurs servir de modèle pour l'ensemble de ses réélaborations shakespeariennes qui réduisent le texte à sa plus simple expression thématique, complétée par des références intertextuelles empruntées à quelques textes de Freud et surtout à Hamlet ou les suites de la piété filiale de Jules Laforgue.

À partir de 1967, Carmelo Bene s'investit dans le cinéma, en proposant d'abord Hermitage, et, en 1968, Notre-Dame des Turcs, qui lui assure un succès public international à Venise (prix spécial du jury). Cette œuvre constitue un moment clé de sa recherche. Elle aura d'abord été un roman, puis une mise en scène théâtrale, avant de devenir un film. Les autres films (Don Juan, 1970 ; Capricci, 1969 ; Salomè, 1972 ; Un Hamlet de moins, 1974) ont marqué à différents titres – surtout dans son travail sur le montage – l'expression cinématographique : détruisant l'aspect narratif, Bene privilégie les déconstructions baroques, les artifices de la couleur, et une expérimentation de la voix, désormais perçue comme « instrumentation vocale ».

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Écrit par

Classification

Pour citer cet article

Jean-Paul MANGANARO. BENE CARMELO (1937-2002) [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Autres références

  • MACBETH HORROR SUITE (C. Bene)

    • Écrit par Jean-Paul MANGANARO
    • 1 531 mots

    L'acteur et metteur en scène italien Carmelo Bene, invité par le Théâtre de l'Odéon, le Festival d'automne et le Centre international de dramaturgie, ouvrait la saison 1996 du Théâtre et celle du Festival avec une dramatisation humoristique dont le Macbeth de Shakespeare constituait...

  • ÉROTISME

    • Écrit par Frédérique DEVAUX, René MILHAU, Jean-Jacques PAUVERT, Mario PRAZ, Jean SÉMOLUÉ
    • 19 774 mots
    • 7 médias
    Les films baroques de l'Italien Carmelo Bene entrelacent kitch et érotisme, et revisitent les mythes (Don Giovanni, 1970 ; Salomé, 1972 ; Un Hamlet de moins, 1974). Ses recherches font écho à celles de Federico Fellini et de Marco Ferreri qui formulent tous deux, en 1976, les possibles limites de...
  • ITALIE - Langue et littérature

    • Écrit par Dominique FERNANDEZ, Angélique LEVI, Davide LUGLIO, Jean-Paul MANGANARO
    • 28 412 mots
    • 20 médias
    ...recherches sur le théâtre et à la manière même de « faire du théâtre ». Et c'est plutôt vers cette avant-garde et ses expériences – dont les représentants les plus marquants sont Carmelo Bene et Dario Fo – qu'il faudra regarder pour trouver les véritables événements marquants de la scène italienne.

Voir aussi