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ASSURANCE Économie de l'assurance

Antisélection

Information cachée sur les risques

L'expression antisélection désigne les dysfonctionnements des marchés d'assurance qui résultent de l'information cachée dont les assurés peuvent disposer sur leurs propres risques et qui n'est pas accessible aux assureurs. Pour un barème d'indemnisation donné, l'assureur n'est alors plus en mesure de différencier les primes en fonction des risques : les primes demandées refléteront donc le coût moyen des sinistres des individus ayant souscrit le contrat en question. Pour des individus « à bas risque », c'est-à-dire dont le coût moyen des sinistres est faible, la prime demandée apparaîtra particulièrement élevée par rapport à la prime actuarielle, tandis qu'elle sera considérée comme relativement faible par les « hauts risques ». En présence d'information cachée sur les risques, les hauts risques seront donc particulièrement demandeurs d'assurance (d'où l'expression antisélection), car ils bénéficient de « subventions croisées » avec les bas risques ayant souscrit le même contrat. Ces derniers peuvent être conduits à demander moins d'assurance, voire même à annuler totalement leur demande d'assurance. Cette situation correspond à un mécanisme général (qui dépasse le domaine de l'assurance) mis en évidence par George Akerlof et selon lequel la présence d'une information cachée détenue par certains acteurs sur le marché (ici les assurés) peut conduire à une réduction des échanges, des transactions mutuellement avantageuses n'ayant pas lieu. Dans le cas de l'assurance, c'est l'impossibilité de se faire reconnaître comme bas risque qui conduit les individus en question à demander moins d'assurance que si une tarification actuarielle, reflétant leur vrai risque, leur était appliquée.

Conséquences de l'asymétrie d'information

Les conséquences défavorables de cette asymétrie d'information sont particulièrement aiguës lorsque les assurés peuvent acquérir autant d'assurance qu'ils le souhaitent, par exemple en assurance-vie ou assurance-invalidité. Dans ces cas, ce sont surtout les individus à haut risque qui seront tentés par la souscription d'une ou plusieurs polices d'assurance pour un montant élevé. En conséquence, les polices vendues se révéleront particulièrement coûteuses pour les assureurs et ceux-ci répercuteront le coût élevé des indemnités en accroissant les primes. Celles-ci pourront apparaître prohibitives aux individus à bas risque qui, dès lors, s'abstiendront de souscrire de telles polices.

Pour les risques qui ne peuvent être couverts que par un seul contrat d'assurance – en assurance automobile par exemple –, les assureurs peuvent accommoder leur information imparfaite sur les risques en proposant plusieurs types de contrats simultanément et en laissant les individus choisir. Ce mécanisme a été étudié d'un point de vue théorique par Michael Rothschild et Joseph Stiglitz. Ils ont envisagé le cas d'un marché d'assurance où coexistent des individus à bas risque et à haut risque que les assureurs ne peuvent distinguer. Ils montrent que, à l'équilibre du marché, les hauts risques choisiront une couverture complète, tandis que les bas risques préféreront une couverture partielle. Dans le modèle de Rothschild et Stiglitz, les individus à bas risque choisissent la couverture partielle qui est peu coûteuse, car son prix correspond à la prime actuarielle des individus qui la choisissent (les bas risques), alors que la couverture totale leur apparaît d'un prix prohibitif, car sa prime est calculée pour les hauts risques : ils acceptent donc une sous-assurance pour ne pas être sur-tarifés. Les hauts risques, quant à eux, font le choix inverse : ils choisissent la couverture totale car la réduction de prime ne suffit[...]

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Écrit par

  • : professeur à l'université de Paris X-Nanterre et à l'École polytechnique

Classification

Pour citer cet article

Pierre PICARD. ASSURANCE - Économie de l'assurance [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Autres références

  • ACTUARIAT & ACTUAIRES

    • Écrit par Georges BLUMBERG
    • 157 mots

    L'activité appelée actuariat, accomplie par des actuaires, consiste à faire des calculs de probabilités à partir de renseignements statistiques. Ces calculs sont le plus souvent destinés à établir des taux de primes d'assurance en tenant compte de la fréquence des risques courus : mortalité, maladie,...

  • BANQUE - Économie de la banque

    • Écrit par Emmanuelle GABILLON, Jean-Charles ROCHET
    • 7 908 mots
    • 3 médias
    ...banque dans la faillite. Ce scénario, qui correspondait assez bien aux crises bancaires jusqu'aux années 1950, est devenu complètement obsolète depuis l'instauration de systèmes d'assurance des dépôts dans la plupart des pays développés. Ainsi, en cas de faillite bancaire, les déposants sont remboursés...
  • BANQUE - Supervision prudentielle

    • Écrit par Jézabel COUPPEY, Dominique PLIHON
    • 6 062 mots
    La lenteur des évolutions en la matière peut s'expliquer par les réticences des praticiens, en particulier celles des assureurs. Ces derniers font régulièrement valoir la spécificité de leur activité par rapport à celle des banques et, à cet égard, ne souhaitent pas une homogénéisation des exigences en...
  • COFACE (Compagnie française d'assurance pour le commerce extérieur)

    • Écrit par Marie-France BAUD-BABIC, Olivier MARTY
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    Créée en 1946, le groupe Coface est un des principaux acteurs mondiaux de l'assurance-crédit, en France et à l'international. Il a pour homologues et concurrents Euler-Hermes, en France et en Allemagne, et Eximbank, aux États-Unis. Son rôle est de sécuriser les échanges commerciaux de ses clients...

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