GOMUŁKA WŁADYSŁAW (1905-1982)
Né à Krosno (Galicie), Gomułka est élevé dans la tradition socialiste et adhère à seize ans à l'organisation de jeunesse du Parti socialiste polonais. En 1926, il entre au Parti communiste et se signale par ses qualités d'agitateur. Secrétaire du syndicat de la chimie, il organise une grève à Łódź en 1932 et est incarcéré. Libéré pour raison de santé, il reprend ses activités et est à nouveau arrêté. Il est en prison lorsque le Komintern dissout, en 1938, le Parti communiste polonais. La plupart des chefs du parti sont liquidés sur ordre de Staline.
Gomułka est à nouveau libéré lorsque la guerre éclate. Il entre alors dans la clandestinité et participe à la création du Parti ouvrier polonais qui prendra la suite du Parti communiste. En 1943, il est nommé secrétaire général de ce parti clandestin ; il rédige peu après le Manifeste du parti appelant à la formation d'un Conseil national de l'Intérieur. Déjà une tension est perceptible entre les communistes qui, restés au pays, militent dans la clandestinité et ceux qui ont cherché refuge à Moscou. En 1944 il devient vice-président du gouvernement provisoire formé à Lublin par les communistes. En 1945 il sera aussi ministre des territoires pris à l'Allemagne.
Gomułka est populaire dans son pays mais inquiète Moscou. Il se refuse à forcer le rythme de la collectivisation comme l'exige Staline et veut construire le socialisme en tenant compte des particularités de la Pologne. De plus, il entre en conflit à diverses reprises avec ses collègues qui ont été formés à Moscou. Il symbolise en quelque sorte le communisme national. Aussi, lorsque éclate l'affaire Tito, devient-il suspect. En septembre 1948, le comité central le destitue de son poste de secrétaire général et l'accuse d'être « déviationniste de droite et nationaliste ». En janvier 1949, il doit aussi renoncer à ses responsabilités gouvernementales. En novembre de la même année il est exclu du parti.
En juillet 1951, des généraux sont jugés pour titisme. Au cours du procès, ils mettent en cause Gomułka qui est arrêté en novembre. En dépit des pressions soviétiques, les dirigeants polonais hésitent à le traduire en justice, soit qu'ils n'osent pas s'attaquer à un homme encore très populaire, soit qu'ils cherchent à gagner du temps pour n'avoir pas à le liquider.
Gomułka est libéré à la fin de 1954, mais il n'est pas autorisé à reprendre une activité politique. Cependant, en août 1956, Edward Ochab, alors premier secrétaire du parti, déclare que Gomułka avait commis des erreurs politiques mais que les charges retenues contre lui étaient sans fondement.
À ce moment la Pologne connaît une grande agitation. Les révélations du XXe congrès du P.C.U.S. concernant les « crimes » de Staline ont mis le pays en effervescence. En juin, des émeutes éclatent à Poznań. Les dirigeants s'aperçoivent qu'ils ne contrôlent pas le mouvement. Seul Gomułka peut éviter le pire. Aussi est-il à nouveau admis dans le parti en août 1956. En octobre, dans un climat d'intense mobilisation de la population et en dépit de l'opposition des dirigeants soviétiques, il est coopté au bureau politique puis nommé premier secrétaire.
Il prend alors la stature du héros national qui ose résister aux Russes. Mieux que quiconque, il comprend les paysans (dès son élection, il permet aux agriculteurs de quitter les coopératives). Il conclut aussi un accord avec l'Église. Toutefois il est convaincu que la raison d'État oblige la Pologne à sceller une alliance étroite avec Moscou. Peu à peu sa popularité s'effrite. Il se brouille avec la plupart des intellectuels et avec les chefs de l'Église. En 1968, il réprime les manifestations étudiantes. L'économie est en crise ; il préconise des moyens simples pour redresser la situation, mais ses méthodes finissent par[...]
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Écrit par
- Bernard FÉRON
: chef adjoint du service étranger du journal
Le Monde
Classification
Média
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