Abonnez-vous à Universalis pour 1 euro

WEN ZHENGMING[WEN TCHENG-MING](1470-1559)

Deux styles de paysage

La majeure partie des œuvres de Wen Zhengming qui ont subsisté date de la période comprise entre 1528 et 1558. Deux tendances s'y décèlent qui illustrent les deux faces de la personnalité de l'artiste : la face claire et la face sombre. La première s'exprime dans des paysages harmonieux tracés à l'encre sèche ; le style est réservé et l'écriture très élaborée ; ces peintures sont souvent centrées autour d'un ou de plusieurs personnages : un poète méditant, un pêcheur accostant au rivage ou des lettrés en conversation. La face sombre, qui sera dominante à la fin de la vie du maître, se libère dans des œuvres qui sont en quelque sorte l'expression d'un génie intraitable : peintures libres, mouvementées, aux arbres et aux rochers tourmentés et baroques.

Dans un des plus beaux paysages du registre calme, Pins luxuriants et claires cascades, daté de 1542 (musée du Palais, Formose), se manifestent l'intérêt que Wen porte au traitement des arbres et son goût pour l'automne, pour ce moment où la nature se dépouille, se décante et où passe déjà un frisson froid dans l'air.

En revanche, le rouleau des Sept Genévriers daté de 1532 (Honolulu Academy of Arts) porte à un point culminant l'attrait du bizarre et du drame qui constitue l'autre face de la personnalité de Wen. Ce rouleau horizontal, travaillé au pinceau sec, est une véritable étude hors nature dont l'étrangeté frôle l'angoisse, un jeu décoratif aussi où l'arbre stylisé devient une sorte de thème abstrait. À côté des lignes calligraphiques, des points, très individualisés et articulés, sont jetés avec vigueur en groupes serrés.

Sur le rouleau vertical Pins et genévriers près d'une claire cascade, daté de 1549 (musée du Palais, Formose), les conifères, tordus, entrelacés, montent par saccades jusqu'en haut de la peinture, en un mouvement qu'accentuent les verticales de la falaise et de la cascade. L'espace ouvert est ici réduit à un angle au sommet de la composition.

Rameaux et branches sont rendus par des traits acérés dont la violence calligraphique ressort sur l'encrage assez mouillé des feuillages. Les points ronds, pleins, sont identiques à ceux du rouleau conservé à la Honolulu Academy of Arts. Ces points, secs ou mouillés, sorte de grains de poivre utilisés pour suggérer la végétation, sont une constante de la technique de Wen Zhengming.

Le format étroit, cher à Wen et aux peintres de son école, entraîne ici une élongation verticale. L'œuvre, très travaillée, aux textures riches et complexes, ignore espace et profondeur. Les arbres, enserrés dans une zone presque sans épaisseur, perdent leur relief et sont aplatis jusqu'à ne former qu'un thème graphique agité, mais à deux dimensions. Les couleurs sombres accentuent le caractère rauque, grinçant, douloureux que l'on retrouve dans plusieurs paysages des dernières années de la vie de l'artiste.

La renommée de Wen Zhengming comme calligraphe fut de son temps aussi grande que l'était celle du peintre. Là encore il continue l'éclectisme raffiné de Zhao Mengfu. Tous deux reprennent le style du grand maître Wang Xizhi [Wang Hi-tche] (306-361).

La suite de cet article est accessible aux abonnés

  • Des contenus variés, complets et fiables
  • Accessible sur tous les écrans
  • Pas de publicité

Découvrez nos offres

Déjà abonné ? Se connecter

Écrit par

Classification

Pour citer cet article

Michèle PIRAZZOLI-t'SERSTEVENS. WEN ZHENGMING [WEN TCHENG-MING] (1470-1559) [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Autres références

  • JARDIN DE LA "POLITIQUE DES SIMPLES", Suzhou (Chine)

    • Écrit par Alain THOTE
    • 222 mots

    L'idéal érémitique a conduit de nombreux lettrés chinois à se retirer sur leurs terres après avoir passé quelques années en poste comme fonctionnaire loin de leur région d'origine. Cette retraite fut souvent pour eux l'occasion de créer un jardin. Conçu pendant la première moitié du ...

  • PEINDRE HORS DU MONDE, MOINES ET LETTRÉS DES DYNASTIES MING ET QING (exposition)

    • Écrit par Christian HECK
    • 1 276 mots
    • 1 média
    La Chaumière au bord de la Yuan est peinte en 1551 par Wen Zhengming (1470-1559). Le propriétaire de ce bâtiment entouré de pins noueux présente à un visiteur assis à sa table des poèmes ou des peintures, on ne sait. Mais le sens de leur échange est donné par la double présence, sur l’autre rive, d’une...

Voir aussi