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WANG CHONG[WANG TCH'ONG](27 env.-97)

Personnage d'un caractère abrupt, anticonformiste par vocation, pour ainsi dire, Wang Chong fut un esprit aussi original qu'intransigeant, et les difficultés auxquelles il se heurta toute sa vie furent le prix d'une liberté qu'il sut préserver jalousement : celle de penser pour lui et, souvent, contre les autres. Si l'homme eut une vie extérieurement terne, son œuvre (en particulier ce qu'il en reste, le Lunheng) eut une destinée singulière : d'abord ignorée ou méconnue, elle fut, vers le iiie siècle de l'ère chrétienne, largement pillée (on pouvait dans ce que de rares amateurs qualifiaient de « livre extraordinaire » puiser de quoi briller dans la conversation !), puis considérée pendant plus d'un millénaire comme un fatras hétérodoxe, en raison de ses attaques contre la pensée confucéenne. Elle n'a été vraiment mise à l'honneur qu'à l'époque contemporaine.

Une carrière intérieure

Wang Chong, né à Shangyu au Zhejiang, eut une existence matérielle précaire et une carrière exemplairement manquée. Orphelin de bonne heure et pauvre, il se montre d'abord enfant modèle, puis étudiant très brillant : doux prélude à de futures extravagances. Ban Biao, le père du fameux historien Ban Gu, est son maître à l'académie de la capitale de l'époque, Luoyang. Là, on le voit lire insatiablement à l'étal des libraires, retenant, dit-il dans un chapitre autobiographique, ce qu'il n'avait lu qu'une fois, mais plus soucieux, il est vrai, de l'esprit que de la lettre ; ces vastes connaissances seront le point de départ de ses travaux critiques. Revenu dans sa ville natale, il occupe un modeste poste officiel, qu'il abandonne bientôt à la suite d'une brouille avec ses supérieurs. Alors, rompant avec toute convention sociale, il « ferme sa porte pour s'abîmer dans la méditation ». Ayant (dit l'histoire des Han postérieurs) placé de quoi écrire près de sa porte, de ses fenêtres et à ses murs, il s'adonne à ses études, l'esprit serein et indifférent à la pauvreté. En 86, il accepte pendant deux ans un poste de sous-préfet avant de renoncer définitivement à la vie publique. Quand enfin un ami le recommande à l'empereur, il est malade et doit décliner l'honneur d'une entrevue ; il mourra peu d'années plus tard.

Toute cette vie sans événements, il la consacre à sa passion : réfléchir, analyser, critiquer, démystifier. Il le fait, dit-il, avec un esprit plus libre que celui d'un prince ou d'un duc, en dépit des difficultés matérielles ou de la solitude. Car ses rapports avec les gens sont, eux aussi, non conventionnels : il dit aimer par-dessus tout se lier avec les hommes hors du commun, mais pouvoir rester un jour entier sans proférer un mot si son interlocuteur ne lui paraît pas à sa mesure ; il déclare aussi, symptomatiquement, avoir été féru de dispute, mais ses arguments, paradoxaux et déconcertants de prime abord, finissent par convaincre par leur justesse et leur vérité.

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Pour citer cet article

Jacques DARS. WANG CHONG [WANG TCH'ONG] (27 env.-97) [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Autres références

  • CONFUCIUS & CONFUCIANISME

    • Écrit par ETIEMBLE
    • 14 434 mots
    • 2 médias
    ...courage d'exercer la périlleuse fonction de remontrance. Ajoutons que, sous couleur de penser selon le confucianisme, un esprit aussi libre et agile que Wang Chong, le Voltaire ou le Lucien de cette Chine, allait opposer aux dogmes un scepticisme sans illusion, cependant que, devançant de plus d'un millénaire...

Voir aussi