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VILLE Les politiques de la ville

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En France, l'intervention publique en matière urbaine a une longue histoire et repose sur des dispositifs ou des mécanismes éprouvés remontant pour certains d'entre eux à la fin du XIXe siècle : normes d'urbanisme, législations régissant la circulation ou la salubrité, politiques de peuplement, de gestion foncière, aides au logement, etc. Mais c'est surtout au sortir de la Seconde Guerre mondiale que des politiques d'aménagement de l'espace et, bientôt, de planification urbaine et de construction vont être conçues pour faire face à la crise aiguë du logement que connaît le pays.

Crise du logement en France, 1947 - crédits : Pathé

Crise du logement en France, 1947

Dans la France de 1945, les sans-logis ou les mal-logés se comptent par millions. Si l'on ajoute les effets de l'exode rural et du baby-boom, on estime qu'en 1965, sur 45 millions d'habitants, 33 millions vivront dans des villes et dans des logements... qui n'existent pas tous encore. La France de l'après-guerre est pauvre en ce domaine, l'effort qu'il faut fournir est colossal d'autant que, dans les décennies passées, la question du logement n'a jamais été considérée comme une priorité : les destructions causées par la guerre s'ajoutent au défaut d'entretien des immeubles. Toutefois, il faudra attendre 1953 pour que la construction démarre réellement. Elle suivra alors une courbe ascendante qui ne fléchira plus avant le milieu des années 1970. Ironie de l'histoire : c'est durant l'hiver 1954 que l'abbé Pierre lancera son célèbre appel en faveur des mal-logés...

Les grands ensembles

Une opération d'envergure, planifiée et centralisée va voir le jour, à travers la multiplication de chantiers gigantesques reposant sur des principes de construction rapides et peu onéreux : 1 253 logements sont prévus à Saint-Étienne en 1953, 2 607 à Lyon en 1954, 10 000 dans une petite commune du nord de Paris, Sarcelles, en 1955. La « bétonnite » gagne le pays entier. Durant les premières années, les grands ensembles connaissent une réputation flatteuse et font la joie des premiers logés qui trouvent des appartements neufs, propres, clairs, spacieux et bénéficiant de tous les nouveaux standards de confort (toilettes, eau chaude, salle de bains...). S'y installent des ménages plutôt jeunes et aux revenus stables, ouvriers, employés, cadres, qui entrent de plain-pied dans la société de consommation – servie par une croissance économique inédite – et ses promesses d'un mieux-être collectif. Sous couvert de cette relative mixité sociale, on caresse l'espoir d'un vivre-ensemble harmonieux au sein de cette grande « classe moyenne » qui partage peu ou prou les mêmes valeurs et poursuit les mêmes ambitions.

Mais très vite, avant le tournant des années 1960, les premières critiques pleuvent. Car on a construit des « ensembles », mais pas des villes ; bâti des murs et des toits, mais omis les infrastructures et les équipements qui vont avec : écoles, centres de soins, commerces, transports. Et le manque est si criant que les politiques successives peineront à combler ce retard originel. On commence aussi à dénoncer les maux de ces cités, la monotonie, la solitude, l'ennui qu'elles sécrètent, alors que percent des notions comme la qualité ou le cadre de vie, ainsi que les prémices d'une sensibilité écologique. Le vocabulaire change : on parle de « cités-dortoirs », de « clapiers » ou de « boîtes à chaussures », tandis que la Cité bleue, à La Courneuve, devient « Cité des 4 000 » et que l'on fustige la « sarcellite ». Les habitants, de leur côté, se dégrisent et constatent, ici ou là, les finitions défaillantes, les problèmes de chauffage, l'humidité, l'absence de volets, d'espaces de rangement ou de caves et surtout, partout, la défaillance de l'isolation phonique qui transforme la proximité de voisinage en une cohabitation forcée. D'ailleurs, la [...]

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Écrit par

  • : docteur en sciences sociales, chercheuse associée au Cevipof (Science Po), directrice de l'Agence de sociologie pour l'action

Classification

Pour citer cet article

Véronique LE GOAZIOU. VILLE - Les politiques de la ville [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Article mis en ligne le et modifié le 20/03/2009

Média

Crise du logement en France, 1947 - crédits : Pathé

Crise du logement en France, 1947

Autres références

  • AGRICULTURE URBAINE

    • Écrit par et
    • 6 273 mots
    • 8 médias

    L’expression « agriculture urbaine », qui était devenue un oxymore dans les pays industrialisés avec la disparition progressive au cours du xxe siècle des ceintures maraîchères entourant les villes, a retrouvé du sens. En effet, dans un contexte d’étalement urbain (urbansprawl) et...

  • ALLEMAGNE (Géographie) - Aspects naturels et héritages

    • Écrit par
    • 8 281 mots
    • 6 médias
    ...Vingt-cinq seulement avaient plus de dix mille habitants. Mais le fait urbain était généralisé, et il allait se révéler fertile pour la suite. En effet, la ville, centre d'échanges, organise l'espace. À l'ère industrielle, ces petites villes (telles les villes de la Ruhr) allaient devenir les « centres d'accueil...
  • ALLEMAGNE (Géographie) - Géographie économique et régionale

    • Écrit par
    • 12 044 mots
    • 9 médias
    En 2015, 95 p. 100 des Allemands vivent dans des communes de plus de 5 000 habitants,un peu moins d’un tiers dans des villes petites et moyennes (5 000 à 100 000 habitants) et les deux tiers dans des grandes villes de plus de 100 000 habitants. Le taux d'urbanisation en Allemagne est comparable...
  • ALLEMAGNE (Histoire) - Allemagne moderne et contemporaine

    • Écrit par et
    • 26 883 mots
    • 39 médias
    Pas d'opposition tranchée entre villes et campagnes ; ou plutôt, celle-ci est de nature juridique, non humaine et économique. La densité dans la maison urbaine est la même que dans la maison rurale. Des citadins franchissent les remparts pour se rendre dans les faubourgs où ils cultivent champs, jardins...
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