VILLE Les politiques de la ville
En France, l'intervention publique en matière urbaine a une longue histoire et repose sur des dispositifs ou des mécanismes éprouvés remontant pour certains d'entre eux à la fin du XIXe siècle : normes d'urbanisme, législations régissant la circulation ou la salubrité, politiques de peuplement, de gestion foncière, aides au logement, etc. Mais c'est surtout au sortir de la Seconde Guerre mondiale que des politiques d'aménagement de l'espace et, bientôt, de planification urbaine et de construction vont être conçues pour faire face à la crise aiguë du logement que connaît le pays.
Dans la France de 1945, les sans-logis ou les mal-logés se comptent par millions. Si l'on ajoute les effets de l'exode rural et du baby-boom, on estime qu'en 1965, sur 45 millions d'habitants, 33 millions vivront dans des villes et dans des logements... qui n'existent pas tous encore. La France de l'après-guerre est pauvre en ce domaine, l'effort qu'il faut fournir est colossal d'autant que, dans les décennies passées, la question du logement n'a jamais été considérée comme une priorité : les destructions causées par la guerre s'ajoutent au défaut d'entretien des immeubles. Toutefois, il faudra attendre 1953 pour que la construction démarre réellement. Elle suivra alors une courbe ascendante qui ne fléchira plus avant le milieu des années 1970. Ironie de l'histoire : c'est durant l'hiver 1954 que l'abbé Pierre lancera son célèbre appel en faveur des mal-logés...
Les grands ensembles
Une opération d'envergure, planifiée et centralisée va voir le jour, à travers la multiplication de chantiers gigantesques reposant sur des principes de construction rapides et peu onéreux : 1 253 logements sont prévus à Saint-Étienne en 1953, 2 607 à Lyon en 1954, 10 000 dans une petite commune du nord de Paris, Sarcelles, en 1955. La « bétonnite » gagne le pays entier. Durant les premières années, les grands ensembles connaissent une réputation flatteuse et font la joie des premiers logés qui trouvent des appartements neufs, propres, clairs, spacieux et bénéficiant de tous les nouveaux standards de confort (toilettes, eau chaude, salle de bains...). S'y installent des ménages plutôt jeunes et aux revenus stables, ouvriers, employés, cadres, qui entrent de plain-pied dans la société de consommation – servie par une croissance économique inédite – et ses promesses d'un mieux-être collectif. Sous couvert de cette relative mixité sociale, on caresse l'espoir d'un vivre-ensemble harmonieux au sein de cette grande « classe moyenne » qui partage peu ou prou les mêmes valeurs et poursuit les mêmes ambitions.
Mais très vite, avant le tournant des années 1960, les premières critiques pleuvent. Car on a construit des « ensembles », mais pas des villes ; bâti des murs et des toits, mais omis les infrastructures et les équipements qui vont avec : écoles, centres de soins, commerces, transports. Et le manque est si criant que les politiques successives peineront à combler ce retard originel. On commence aussi à dénoncer les maux de ces cités, la monotonie, la solitude, l'ennui qu'elles sécrètent, alors que percent des notions comme la qualité ou le cadre de vie, ainsi que les prémices d'une sensibilité écologique. Le vocabulaire change : on parle de « cités-dortoirs », de « clapiers » ou de « boîtes à chaussures », tandis que la Cité bleue, à La Courneuve, devient « Cité des 4 000 » et que l'on fustige la « sarcellite ». Les habitants, de leur côté, se dégrisent et constatent, ici ou là, les finitions défaillantes, les problèmes de chauffage, l'humidité, l'absence de volets, d'espaces de rangement ou de caves et surtout, partout, la défaillance de l'isolation phonique qui transforme la proximité de voisinage en une cohabitation forcée. D'ailleurs, la [...]
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Écrit par
- Véronique LE GOAZIOU : docteur en sciences sociales, chercheuse associée au Cevipof (Science Po), directrice de l'Agence de sociologie pour l'action
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