Abonnez-vous à Universalis pour 1 euro

URBANISME Urbanisme et société

  • Article mis en ligne le
  • Modifié le
  • Écrit par

Villes sans urbanisme ou urbanisme sans villes

On ne peut pas ne pas évoquer le cas des villes des pays non industriels, s'accroissant aujourd'hui à un rythme qui dépasse non seulement celui de l'urbanisation des pays industriels, mais, dans beaucoup de cas, la cadence de croissance la plus forte des villes des pays industriels au moment de la révolution industrielle. Le facteur décisif est la pression démographique. La question posée est de savoir s'il se constitue une nouvelle société urbaine, et si cette société appelle un urbanisme adéquat ou est canalisée par un urbanisme préalable. La ville des pays non industriels est le lieu d'affrontement de deux sociétés, ou plus exactement d'une société cohérente, organisée, face au transfert d'agrégats sociaux d'origine rurale en voie de désorganisation. L'urbanisme traditionnel, qui est généralement un urbanisme d'importation, qu'il s'agisse de la ville coloniale des xixe et xxe siècles, ou de la ville paracoloniale, c'est-à-dire de la ville économiquement dominée, de pays politiquement indépendants (Amérique latine), a été conçu pour une classe dirigeante, quelle que soit sa nationalité. Les opérations d'urbanisme ont bénéficié d'une exceptionnelle concentration des ressources du pays dans les capitales politiques, administratives et essentiellement économiques. Certaines des villes coloniales ou paracoloniales ont réalisé des aménagements urbanistiques bien mieux ordonnés et plus cohérents que ceux des villes de la vieille Europe ou de l'Amérique du Nord. Ces aménagements correspondent aux aspirations d'une minorité sociale monopolisant l'essentiel du revenu national. Ils attirent souvent l'admiration, mais en aucun cas ils n'expriment la réalité d'une société globale. Car la société globale demeure rurale et ses apports au groupement de fait de la ville sont des contingents de paysans apportant avec eux ce qui est transportable de la société rurale : sociétés des habitats non intégrés, qui posent des problèmes économiques insolubles. Un urbanisme d'improvisation s'efforce de répondre aux urgences : un urbanisme sans architecture et sans construction se borne à établir des infrastructures minimales pour préparer, dans un avenir indéterminé, l'intégration d'une société de transition à une société urbaine qui ne sera pas l'actuelle société urbaine de privilégiés. Tout cela est un des aspects parmi d'autres des improvisations et des recherches de développement de l'urbanisme.

Suivant la rapidité des rythmes d'évolution, l'urbanisme apparaît comme le produit, l'image d'une société, ou comme le cadre offert à la maturation de celle-ci. Sans doute n'y a-t-il pas différence d'essence, mais seulement différence de vitesse de l'évolution historique. Car, finalement, tout revient à l'histoire, celle qui nous apporte l'image de combinaisons plus ou moins harmonieuses, élaborées à la longueur des siècles, ou celle qui se fait aujourd'hui, à un rythme en apparence effréné, mais qui, à l'échelle des millénaires, n'est autre chose que le rythme des périodes de crise.

— Pierre GEORGE

La suite de cet article est accessible aux abonnés

  • Des contenus variés, complets et fiables
  • Accessible sur tous les écrans
  • Pas de publicité

Découvrez nos offres

Déjà abonné ? Se connecter

Écrit par

Classification

Pour citer cet article

Pierre GEORGE. URBANISME - Urbanisme et société [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Article mis en ligne le et modifié le 14/03/2009

Média

Bâtiments de l’Exposition universelle de 1900 - crédits : London Stereoscopic Company/ Getty Images

Bâtiments de l’Exposition universelle de 1900

Autres références

  • ALBERTI LEON BATTISTA (1404-1472)

    • Écrit par
    • 3 110 mots
    • 8 médias
    ...cité idéale a un plan rationnel, avec des édifices régulièrement disposés de part et d'autre de rues larges et rectilignes. Cette nouvelle conception de l'urbanisme, en rupture avec les pratiques médiévales, est liée sans doute à l'essor sans précédent de la cité-république. Alberti reprend la plupart des...
  • ALPHAND ADOLPHE (1817-1891)

    • Écrit par et
    • 1 674 mots

    Ouvrir de nouveaux espaces, assainir les anciens, créer des jardins, embellir l'ensemble, tels sont les différents gestes d'une même démarche qui ont conduit à faire de Paris une capitale moderne au xixe siècle. Jean-Charles Adolphe Alphand, paysagiste et administrateur français de...

  • ANGIVILLER CHARLES CLAUDE DE LA BILLARDERIE comte d' (1730-1809)

    • Écrit par
    • 607 mots
    • 1 média

    La faveur de Louis XVI vaut à d'Angiviller de remplacer, en 1774, le marquis de Marigny comme surintendant des bâtiments du roi. Ses idées sont plus personnelles que celles de son prédécesseur, mais il reconnaît la valeur de l'œuvre accomplie par lui grâce aux sages conseils dont il a su s'entourer...

  • ANTHROPOLOGIE URBAINE

    • Écrit par
    • 4 898 mots
    • 2 médias
    L’autre grande école d’anthropologie urbaine est britannique et voit le jour à la fin des années 1930 en Rhodésie du Nord (auj. Zambie), alors dominée par la Grande-Bretagne. Le Rhodes-Livingstone Institute y est fondé en 1937, avec pour mission d’étudier les changements affectant les sociétés d’Afrique...
  • Afficher les 144 références