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ÖZAL TURGUT (1927-1993)

Si Atatürk (Mustafa Kemal) est considéré comme le père de la Turquie moderne, Turgut Özal est plutôt le fondateur de la Turquie contemporaine et le fossoyeur de l'héritage kémaliste.

Né le 13 octobre 1927, à Malatya, d'une mère kurde, il obtient son diplôme d'ingénieur électricien à l'université technique d'Istanbul en 1950. De 1950 à 1952, il est employé à la Compagnie nationale d'électricité au service des études, puis il part se spécialiser aux États-Unis. Il en gardera un proaméricanisme viscéral, jusque dans sa manière d'être. À son retour en Turquie, il est conseiller technique du directeur général de la Compagnie d'électricité. En 1958, il dirige le secrétariat de la commission du Plan et, en 1960, il est aussi chargé de cours à l'université technique du Moyen-Orient à Ankara, une des plus prestigieuses universités turques. Il retourne ensuite à la Compagnie d'électricité en tant que directeur général adjoint. En 1966, il est nommé conseiller technique auprès du Premier ministre ; en 1967, il entre au sous-secrétariat de la présidence du Conseil comme directeur du Département des fonds et crédits, puis du Conseil de coordination économique ; il dirige enfin le Département des relations avec la C.E.E., où il se forge une solide idée procommunautaire. En 1971, il devient conseiller aux projets industriels et miniers au sein de la Banque mondiale. En 1973, de retour en Turquie, il entre dans le secteur privé, dont il sera plus tard un des fervents défenseurs contre le dirigisme des élites kémalistes. Il est administrateur de plusieurs sociétés privées dans la banque, la sidérurgie, l'automobile, le textile, l'agroalimentaire. À partir de 1977, il siège au conseil d'administration et à la présidence du syndicat patronal de la sidérurgie. Musulman pieux, proche de la confrérie des Nakchibendi, il se présente aux élections législatives de juin 1977 sous les couleurs du Parti du salut national (islamiste), mais il est battu.

En 1979, il devient sous-secrétaire d'État dans le gouvernement conservateur de Süleyman Demirel, puis sous-secrétaire adjoint au Plan : en réalité, il est le véritable patron de l'économie turque et il impose une réforme libérale dès janvier 1980. Malgré le coup d'État des généraux en septembre 1980, mettant à l'index les leaders politiques, Turgut Özal est maintenu dans ses fonctions en tant que vice-Premier ministre chargé des Affaires économiques. Sachant que l'ouverture économique est inévitable, les militaires pensent que ce spécialiste ne les gênera pas trop. À tort. En juillet 1982, il démissionne et s'éloigne des militaires, d'autant que sa réforme économique aboutit à un krach financier. Le 20 mai 1983, il fonde le Parti de la mère patrie (A.N.A.P.), profitant du fait que les partis existant avant septembre 1980 sont désormais exclus de la vie politique. En novembre suivant, son parti remporte les élections législatives avec 45 p. 100 des suffrages, si bien que, la mort dans l'âme, le général Evren l'appelle à la tête du gouvernement. Il remporte de nouveau les élections en novembre 1987, pose la candidature de son pays à l'adhésion à la C.E.E. et renvoie les militaires dans leurs casernes. Le 9 novembre 1989, il devient même président de la République en remplacement du général Evren. L'usure du pouvoir, la surchauffe de l'économie et certains scandales dans son entourage commencent à le discréditer. Son parti perd les législatives de novembre 1991, et Turgut Özal est obligé de cohabiter avec son ancien patron, le vieux conservateur Süleyman Demirel. Fort actif sur le plan diplomatique, il voyage beaucoup. En février 1993, il entreprend une tournée dans les Balkans, suivie, un mois plus tard, d'une autre en Asie centrale ex-soviétique. Ce gros mangeur, ayant subi un triple pontage coronarien en 1987 et l'ablation d'une tumeur cancéreuse en 1992, va y laisser[...]

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Écrit par

  • : docteur en histoire du xxe siècle de l'Institut d'études politiques, Paris, journaliste, membre du comité de rédaction de la revue Confluences Méditerranée

Classification

Pour citer cet article

Christophe CHICLET. ÖZAL TURGUT (1927-1993) [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Autres références

  • GRÈCE - De la Grèce byzantine à la Grèce contemporaine

    • Écrit par Jean CATSIAPIS, Universalis, Dimitri KITSIKIS, Nicolas SVORONOS
    • 21 411 mots
    • 12 médias
    Le rapprochement entre Grecs et Turcs avait déjà commencé en 1988, lorsque le Premier ministre turc, Turgut Özal, avait effectué une visite officielle à Athènes, à l'invitation de son homologue grec. Mais cette visite historique, la première d'un chef de gouvernement turc depuis 1952, n'avait débouché...
  • ISLAM (Histoire) - Le monde musulman contemporain

    • Écrit par Françoise AUBIN, Olivier CARRÉ, Nathalie CLAYER, Universalis, Andrée FEILLARD, Marc GABORIEAU, Altan GOKALP, Denys LOMBARD, Robert MANTRAN, Alexandre POPOVIC, Catherine POUJOL, Jean-Louis TRIAUD
    • 31 426 mots
    • 12 médias
    ...novembre 1982, renforce les pouvoirs de l'exécutif ; les élections de novembre 1983 voient le succès du Parti de la mère patrie ( ANAP, libéral, dirigé par Turgut Özal), tandis que le général Kenan Evren, initiateur du coup d'État de 1980, est élu président de la République. Face à l'attitude négative...
  • KURDES

    • Écrit par Thomas BOIS, Hamit BOZARSLAN, Christiane MORE, Éric ROULEAU
    • 16 450 mots
    • 6 médias
    ...trouver une solution politique à la question kurde qui permettrait de sortir du nationalisme officiel (« heureux celui qui se dit Turc ») se fit sentir. Désireux d'imposer la Turquie comme un acteur régional, le président turc Turgut Özal (1989-1993) formula le besoin de réformes internes. Tout en prônant...
  • TURQUIE

    • Écrit par Michel BOZDÉMIR, Universalis, Ali KAZANCIGIL, Robert MANTRAN, Élise MASSICARD, Jean-François PÉROUSE
    • 37 012 mots
    • 22 médias
    ...militaires, exprima, sans aucune équivoque possible, sa volonté de voir ces derniers se retirer de la scène politique. Le Parti de la mère patrie (ou ANAP) de Turgut Özal fut le grand vainqueur, avec 45 % des suffrages, et obtint la majorité absolue au Parlement (212 sièges sur 400), tandis que les deux autres...

Voir aussi