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TRIADE, société secrète

Société secrète de la Chine moderne (Sanhehui) dont le nom chinois le plus usité est Tiandihui (Société du Ciel et de la Terre), alias Hongmen (Porte de Hong). Antidynastique, ou plutôt antimandchoue, la Triade fut très répandue en Chine, surtout au cours du xixe siècle. Il s'agit d'une véritable société secrète que l'on a souvent rapprochée de la franc-maçonnerie.

L'origine historique de la société est mal connue. D'après sa propre tradition, la Triade aurait été fondée par des moines bouddhistes du célèbre monastère de Shaolin, dans la province du Fujian, sous le règne de l'empereur Kangxi (1662-1722). Les religieux du Shaolin étaient réputés pour leur pratique du gongfu — c'est-à-dire des arts martiaux —, grâce à laquelle ils avaient matériellement contribué à la victoire des Mandchous (dont Kangxi fut le premier empereur). Mais, à la suite d'intrigues de cour, au lieu d'être récompensés de leur aide militaire, ils furent persécutés, massacrés et leur monastère incendié. Quelques survivants commencent alors une vie errante, pleine d'aventures, jusqu'au jour où, par une révélation, ils recevront du Ciel l'ordre « de renverser les Qing et de rétablir les Ming », c'est-à-dire de renverser les Mandchous afin de restaurer la dynastie chinoise qui les précédait.

Le rituel d'initiation, imposé à tous les adhérents de la Triade, faisait revivre cette légende. En effet, la Société ne fut pas seulement très active en Chine, où elle provoqua de grands soulèvements au Zhejiang (1708), à Taiwan (1787), au Guangdong, au Jiangxi, au Hunan (1832), etc., mais encore elle se développa dans les colonies des Chinois émigrés en Asie du Sud-Est, où pendant longtemps elle fournissait à ces derniers le soutien organisé par excellence. Les autorités coloniales en Indonésie et en Malaisie, obligées de compter avec la Triade, firent établir de nombreux rapports la concernant. D'ailleurs, son rôle d'organisation protectrice des Chinois en terre étrangère modifia le caractère de la Triade, qui finit par devenir une organisation de protection à tendance criminelle, du même type que la Mafia.

La Triade survit sous cette forme à Hong Kong et dans les colonies chinoises aux États-Unis ; sa présence n'a plus aucun rapport ni avec son but ni avec son importance passés. Cependant, son rôle dans l'histoire de la Chine moderne n'est pas non plus négligeable. Outre les nombreuses révoltes qu'elle provoqua tout au long du xviiie siècle dans la Chine du Sud, elle fut étroitement mêlée aux grands soulèvements des Taiping et des Boxeurs. Elle a préparé ainsi le chemin de l'avènement de la république en Chine, et il est certain que nombre de leaders nationalistes, y compris le « Père de la patrie », Sun Yat-sen, furent membres de cette association. Cependant, il ne s'agit ni d'une association politique à proprement parler, ni d'un mouvement religieux, tel que le Bailian (Lotus blanc) ou les Taiping, ni d'un mouvement vraiment révolutionnaire et local comme celui des Boxeurs.

— Kristofer SCHIPPER

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Écrit par

  • : directeur d'études à l'École pratique des hautes études (Ve section, sciences religieuses)

Classification

Pour citer cet article

Kristofer SCHIPPER. TRIADE, société secrète [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Autres références

  • CHINE - Histoire jusqu'en 1949

    • Écrit par Jean CHESNEAUX, Jacques GERNET
    • 44 594 mots
    • 50 médias
    ...d'établir à Dali un sultanat dissident, tandis que la minorité Miao se révoltait au Guizhou. Dans les villes de la côte, à Shanghai, Amoy, Canton, les adhérents de la Triade, une des principales sociétés secrètes anti-mandchoues, organisèrent une série de soulèvements et restaurèrent même à Shanghai la...
  • SOCIÉTÉS SECRÈTES EN CHINE

    • Écrit par Daniel HÉMERY
    • 1 567 mots
    • 1 média

    Associations ou fraternités clandestines, connues dans l'Empire chinois dès les premiers siècles de notre ère et qui se sont perpétuées jusqu'au milieu du xxe siècle. À la fois groupes d'insoumission collective, centres de lutte politique contre le pouvoir impérial et foyers...

  • TAÏWAN [T'AI-WAN]

    • Écrit par Philippe CHEVALÉRIAS, Évelyne COHEN, Jean DELVERT, Universalis, François GODEMENT, Adrien GOMBEAUD, Frank MUYARD, Angel PINO, Isabelle RABUT, Pierre SIGWALT, Charles TESSON
    • 23 403 mots
    • 11 médias
    ...aspects – lutte contre la dynastie étrangère et lutte contre les monopoles économiques par la piraterie – se trouvaient confondus dans son appartenance à la Triade, la grande organisation antimandchoue de Chine du Sud ; Taïwan, de par sa situation insulaire, fournissait un cadre géopolitique très adapté...

Voir aussi