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EAKINS THOMAS (1844-1916)

Thomas   Eakins passe pour être, de même que John Singer et Winslow Homer, l'un des trois grands peintres américains de la fin du xixe siècle. Bien que, au cours de sa longue existence, il n'ait vécu que trois ans à l'étranger, son œuvre constitue un lien particulièrement important entre les peintures américaine et européenne. Ces années, où il fut étudiant à Paris, sont non seulement celles qui virent la reconnaissance de Courbet, l'ascension de Manet et les premières lueurs de l'impressionnisme, mais aussi celles de la renaissance de l'académisme qu'entraîna la réforme de l'École des beaux-arts. Eakins, qui fréquenta celle-ci, en rapporta dans son pays les méthodes nouvelles aussi bien que les traditions. Puisque ses admirateurs ne veulent pas le considérer comme un peintre académique et qu'ils ne peuvent voir en lui un « impressionniste », il est difficile de mettre une étiquette sur son œuvre ; on la qualifie donc d'indépendante et d'américaine.

L'élève de Gérôme et de Bonnat

Eakins est né en 1844 à Philadelphie dans une famille de quakers ; il fréquenta les écoles locales où son père enseignait ; puis il fit quatre ans de dessin dans un collège secondaire. Dans une ville remplie d'immigrants, il apprit à parler les langues qu'il étudiait en classe : français, italien et espagnol. Il fut admis à la Pennsylvania Academy of Fine Arts en 1861 et y resta cinq ans. Puis, il se rendit à Paris en 1866 et entra dans l'atelier de Jean-Léon Gérôme, un professeur « réformiste » récemment nommé aux Beaux-Arts. Eakins avait vu plusieurs de ses œuvres aux États-Unis ; la sincérité du dessin et le réalisme des sujets devaient plaire à l'esprit positif du jeune quaker. Gérôme était aussi un excellent professeur. Sa maîtrise du dessin et de la peinture à l'huile sont à l'origine du style d'Eakins, résultat d'une observation précise alliée à une exécution rigoureuse. Eakins ne parvint jamais à réaliser des compositions aussi subtiles que celles de son maître, mais il s'efforça d'exprimer des sentiments plus complexes. Ni le maître ni l'élève ne s'embarrassèrent jamais d'abstractions esthétiques.

Après deux années et demie passées chez Gérôme, Eakins resta six mois dans l'atelier indépendant d'un ami de celui-ci, Bonnat. Formé à Madrid, Bonnat était un réaliste qui admirait et imitait Velázquez et Ribera. Au moment du séjour d'Eakins, il n'avait pas encore acquis sa renommée de portraitiste ; pourtant, ce doit être dans son atelier que le peintre américain étudia ce genre, car tous ses portraits suivent les formules de Bonnat. Celui-ci lui apprit à employer une touche plus large et, malheureusement, à préparer ses toiles avec un fond sombre : presque toutes ses huiles ont foncé.

Malgré la notoriété dont jouissaient Manet et Courbet vers 1865-1870, Eakins ne subit jamais leur influence. Il admirait Meissonier, Bonnat, Regnault, Fortuny, Degas et surtout Gérôme : peintres que l'on peut qualifier, comme lui, de « réalistes académiques ». Bien que plusieurs d'entre eux fissent partie du groupe où figurait aussi Manet, Eakins n'adopta jamais leur méthode de peindre du premier jet, ni leur style impressionniste subjectif. Peintres de figures, il fit peu de paysages et aucune nature morte.

Revenu en Amérique en 1869, il vit et représenta son pays dans la tradition réaliste de ses maîtres, imitant la facture de Bonnat et les sujets de Gérôme. Au lieu d'almées, il peint des enfants noirs en train de danser, au lieu de bédouins dans le désert, des cow-boys chevauchant dans les plaines du Dakota.

<em>La Course des frères Biglin</em>, T. Eakins - crédits : courtesy National Galery of Art, Washington

La Course des frères Biglin, T. Eakins

Ses premiers tableaux de genre, amateurs de sports et musiciens, nous donnent une image singulièrement américaine, toujours saisissante de vérité, des loisirs[...]

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Pour citer cet article

Gerald M. ACKERMAN. EAKINS THOMAS (1844-1916) [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Média

<em>La Course des frères Biglin</em>, T. Eakins - crédits : courtesy National Galery of Art, Washington

La Course des frères Biglin, T. Eakins

Autres références

  • ÉTATS-UNIS D'AMÉRIQUE (Arts et culture) - Les arts plastiques

    • Écrit par François BRUNET, Éric de CHASSEY, Universalis, Erik VERHAGEN
    • 13 464 mots
    • 22 médias
    ...l'art américain après 1830 s'affranchit peu à peu de la « corvée du portrait », ce genre ne cessa pas d'occuper les plus grands artistes. En peinture, Thomas Eakins, aujourd'hui considéré comme l'un des artistes majeurs du siècle, fut surtout un portraitiste et un peintre du corps ; il en va de même...
  • PHOTOGRAPHIE (art) - L'académisme

    • Écrit par Marc-Emmanuel MÉLON
    • 2 217 mots
    • 3 médias
    La photographie de Rejlander et de Robinson, ou encore celle du peintre américain Thomas Eakins, fut la première expression de la Pictorial Photography. Cette appellation, traduite de façon erronée en français par « photographie picturale », fut employée durant l'ère victorienne et même encore au début...
  • POMPIER, art

    • Écrit par Jacques THUILLIER
    • 4 020 mots
    • 7 médias
    ...l'Institut, dont les immenses machines historiques étaient régulièrement présentées aux Salons parisiens, la Hongrie pour Munkácsy (1844-1900), l'Amérique pour Thomas Eakins (1844-1916), l'Allemagne pour Anselm Feuerbach (1829-1880)... Or il est impossible de louer le Banquet de Platon de Feuerbach comme...

Voir aussi