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CORNEILLE THOMAS (1625-1709)

À la fois bénéficiaire et victime de la gloire de son « grand » frère, Thomas Corneille s'applique, semble-t-il, à le suivre en tout point, de loin, avec vénération et, plus encore, avec une indéfectible et chaude affection, d'ailleurs réciproque. Né à Rouen, dix-neuf ans après lui, il étudie le droit comme lui, pour se tourner aussitôt vers le théâtre en commençant par composer des comédies imitées de l'espagnol comme le veut la mode. Décidé à se marier, il épouse la sœur de la femme de Pierre. Quand Pierre s'éloigne momentanément de la scène, après l'échec de Pertharite, Thomas ose écrire des tragédies et remporte le triomphe du siècle avec Timocrate (1656). Pierre quittant Rouen pour s'installer à Paris, Thomas y vient aussi, dans la même maison (1662). Le nom de Corneille de l'Isle, qu'il prend pour éviter les confusions, lui vaut une allusion railleuse de Molière. Auteur non moins fécond que son frère, également tenté par la nouveauté, il fait alterner tragédies, comédies, pièces à machines (Circé, 1675), livrets d'opéras, souvent avec grand succès (Ariane, 1672 ; Le Comte d'Essex, 1679). À défaut de génie, il a, outre un talent aisé, le sens de l'opportunité et beaucoup d'entregent. Il dirige le Mercure galant avec Donneau de Visé (1681). Il remplace son frère à l'Académie. Autour de lui se regroupe un « parti cornélien » qui gonfle les rangs des Modernes lors de la Querelle. Mais Thomas, bon cœur et esprit prudent, laisse son neveu Fontenelle se porter en avant. Peu fortuné malgré ses succès, il doit se livrer à des travaux de lexicographie et devient peu à peu aveugle. Il quitte Paris et meurt aux Andelys. Parmi ses comédies, ne manquent pas d'agrément Le Feint Astrologue, Don Bertrand de Cigarral, L'Amour à la mode, puis Les Dames vengées et, inspirée par la Voisin, La Devineresse. Notons sa refonte en vers du Dom Juan de Molière (1679) : là encore, il conciliait, édulcorait, suivait.

En 1793, lorsque Charlotte Corday, descendante directe de Pierre Corneille, sera condamnée à la guillotine pour avoir assassiné Marat, ce n'est pas un vers de Pierre, mais un vers de Thomas (et un vers non indigne de Pierre) qu'elle citera dans sa dernière lettre : « Le crime fait la honte, et non pas l'échafaud. »

— Jean MARMIER

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Écrit par

  • : docteur ès lettres, professeur à l'université de Rennes-II-Haute-Bretagne

Classification

Pour citer cet article

Jean MARMIER. CORNEILLE THOMAS (1625-1709) [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Autres références

  • COMÉDIE DE CAPE ET D'ÉPÉE

    • Écrit par Bernard CROQUETTE
    • 358 mots

    Genre dramatique fidèlement adapté de la comedia de capa y espada espagnole qui a connu, de 1640 environ à 1656, une grande vogue en France. Les auteurs français — d'Ouville, l'initiateur du genre (L'Esprit folet, La Dame suivante), Scarron (Jodelet ou le Valet maître...

  • DOM JUAN, Molière - Fiche de lecture

    • Écrit par Christian BIET
    • 1 130 mots
    • 1 média
    ...de la scène du pauvre), en 1819 qu'on retrouvera l'édition d'Amsterdam, et en 1841 qu'on jouera la pièce de 1682 avec les passages censurés, à l'Odéon. Entre-temps, la troupe de Molière, après la mort de son chef, avait demandé en 1677 à Thomas Corneille d'établir une version tronquée en alexandrins...
  • MERCURE GALANT LE

    • Écrit par Bernard CROQUETTE
    • 444 mots

    L'un des premiers périodiques français, fondé en 1672 par Donneau de Visé, afin de fournir au public parisien et provincial des nouvelles de la Cour et de la ville, et de rendre compte de tous les événements, mondains (naissances, mariages, décès, nominations, fêtes, concerts, cérémonies religieuses)...

Voir aussi