Abonnez-vous à Universalis pour 1 euro

BEWICK THOMAS (1753-1828)

Graveur à Newcastle, Bewick est l'un des « pères » du livre illustré romantique. Il a mis en valeur et fait reconnaître la validité de la technique du bois de bout : la plaque faite d'aubier de buis est coupée perpendiculairement au sens des fibres, et non parallèlement, comme dans le bois de fil. L'utilisation d'un bois dur et la coupe de la plaque autorisent l'emploi de l'outil de la gravure noble, le burin, jusque-là réservé à la gravure sur métal. La technique xylographique, pour le livre illustré, a l'avantage de pouvoir être tirée dans le texte, à partir d'une plaque de l'épaisseur d'un caractère typographique, et de permettre des tirages bien plus importants que la gravure sur cuivre. Bewick est en outre l'inventeur d'une manière, qui eut plus de répercussions en Angleterre qu'en France, celle de la « taille-blanche » (white-line engraving), où le motif se détache en blanc sur le fond sombre.

Enfin, il a développé une nouvelle conception de l'illustration, celle de la vignette qui devait s'imposer en Occident au cours de la première moitié du xixe siècle : jusque-là, une hiérarchie d'espaces figurés distinguait dans le livre la planche hors-texte, narrative ou descriptive, réservée à la gravure sur métal, et de petits espaces dans le texte, tels ceux du bandeau et du cul-de-lampe, considérés comme des ornements et gravés sur bois. Bewick a bouleversé cette convention, en particulier dans le traitement de ses culs-de-lampe (tail-pieces, littéralement, « éléments de queue ») qu'il se plaisait à appeler par jeu de mots tale-pieces, c'est-à-dire « éléments de conte » : dans l'espace minuscule offert par l'aubier de buis, guère plus grand qu'une empreinte digitale, Bewick parvenait à créer une petite scène animée de personnages minuscules, et nullement appelés par le contexte imprimé. Ces sujets étaient disposés sur un espace ovale aux contours irréguliers, traité comme un petit nuage, à la différence d'autres illustrations de fabliers ou d'abécédaires, qu'il encadrait d'un filet noir. Bewick est ainsi l'inventeur de cette « vignette » romantique, que les illustrateurs français comme Grandville et Tony Johannot devaient par la suite assimiler à une image de l'imaginaire, évocatrice de l'œil du dedans.

Dès 1775, un prix de gravure sur bois fut décerné à Bewick par la Société des arts de Londres (pour The Bull), et son atelier devint très célèbre. Ce graveur, qui a laissé une autobiographie (Memoir by Himself, Newcastle, 1862), n'en travaillait pas moins dans une ville de province, pour un public composite, qui allait des lecteurs de la littérature de colportage (chapbooks) aux lettrés des sociétés savantes de sa ville natale (A General History of Quadrupeds, 1790). Les vignettes de Bewick s'adressaient non seulement à des milieux socio-culturels différents au gré des commandes et des projets, mais aussi à diverses classes d'âge, à l'enfant comme à l'adulte. Et cette prise en considération de la lecture enfantine (The Fables of Aesop, 1823), dans laquelle l'Angleterre avait précédé la France, est une autre composante de l'édition romantique.

Le meilleur témoignage de la nouveauté de la vignette de Bewick, dans sa conception comme dans sa réception, reste un extrait du début de Jane Eyre où Charlotte Brontë parle de l'enfance de son héroïne : « L'Histoire des oiseaux des îles Britanniques (The History of British Birds, 1797 et 1804) ne m'intéressait guère, mais j'étais sensible aux images montrant les repaires des oiseaux de mer. [...] Chaque gravure racontait une histoire. C'était aussi intéressant que les contes féeriques de Bessie pendant les soirs d'hiver. »

— Ségolène LE MEN

La suite de cet article est accessible aux abonnés

  • Des contenus variés, complets et fiables
  • Accessible sur tous les écrans
  • Pas de publicité

Découvrez nos offres

Déjà abonné ? Se connecter

Écrit par

  • : professeur des universités, membre de l'I.U.F., professeur d'histoire de l'art contemporain à l'université de Paris-ouest Nanterre-La Défense

Classification

Pour citer cet article

Ségolène LE MEN. BEWICK THOMAS (1753-1828) [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Autres références

  • BOIS DE BOUT, gravure

    • Écrit par Ségolène LE MEN
    • 879 mots

    Après avoir connu de grandes heures dans les débuts du livre illustré, la gravure sur bois n'a survécu aux xviie et xviiie siècles qu'à titre ornemental dans le texte. Elle était réservée aux fleurons, bandeaux et culs-de-lampe, tandis que la gravure sur métal, plus noble, dominait...

  • ROMANTISME

    • Écrit par Henri PEYRE, Henri ZERNER
    • 22 170 mots
    • 24 médias
    ...un aspect tout à fait neuf ; la vignette romantique eut une vogue immense et indissociable de la gravure sur bois, ou bois debout. L'innovateur fut Thomas Bewick (1753-1828), un artiste provincial de Newcastle. On a longtemps dit qu'il était l'inventeur du procédé qui consiste à graver à l'aide d'un...
  • GRAVURE

    • Écrit par Barthélémy JOBERT, Michel MELOT
    • 8 567 mots
    • 3 médias
    ...taille-douce. Le bois de bout résulte davantage d'une lente innovation, poursuivie tout au long du xviiie siècle, que d'une invention précisément datée. On l'associe pourtant au graveur britannique Thomas Bewick (1753-1828), le premier à en avoir exploité les possibilités dans sa General History...

Voir aussi