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KRIPKE SAUL (1940-2022)

Logicien et philosophe américain, Saul Aaron Kripke est né le 13 novembre 1940 à Bay Shore, New York. On peut reconnaître dans son œuvre l’héritage de la philosophie analytique telle que l’ont formulée Gottlob Frege, Bertrand Russell, Rudolf Carnap et Willard Van Orman Quine.

Saul Kripke commence à travailler sur la sémantique de la logique modale dès le lycée (à Omaha, Nebraska). Il écrit à cette époque un article révolutionnaire, « A Completeness Theorem for Modal Logic », qui sera publié dans le Journal of Symbolic Logic en 1959, alors qu'il vient d’entrer à Harvard. Diplômé en mathématiques en 1962, Kripke enseigne à Harvard jusqu'en 1968. Il élargit alors ses recherches à la logique intuitionniste, la théorie des ensembles et la théorie de la récursion transfinie. Kripke enseigne la logique et la philosophie à l'université Rockefeller de 1968 à 1976 et à Princeton de 1976 à 1998, et donne des conférences à l'université d'Oxford en 1973. En 2001, il reçoit le prix Rolf Schock en logique et philosophie, décerné par l'Académie royale des sciences de Suède. En 2002, il est nommé à l'université de la ville de New York avant de devenir professeur émérite dans l’année qui suit.

Kripke va changer le cours de la philosophie analytique en publiant Naming and Necessity (1980, La Logique des noms propres), recueil de conférences faites à Princeton en 1970. Il fournit une étude novatrice des concepts métaphysiques de nécessité et de possibilité, et les distingue des notions épistémologiques de connaissance a posteriori (acquise par l'expérience) et de connaissance a priori (acquise en dehors de toute expérience), ainsi que des notions linguistiques de vérité analytique (ou de raison) et de vérité synthétique (ou de fait). Kripke fait ainsi renaître la doctrine de l'essentialisme, selon laquelle les objets possèdent certaines propriétés nécessairement. Partant de ce point et de ses idées révolutionnaires sur la signification et la référence des noms propres et des noms communs dénotant des genres naturels (la chaleur, l'eau, le tigre), il soutient que certaines propositions sont nécessairement vraies mais ne peuvent être connues qu'a posteriori (par exemple « l'eau est H2O » et « la chaleur est due à l'énergie cinétique moléculaire »), tandis que d’autres sont vraies par contingence (dans certaines circonstances seulement) mais connues a priori. Ces arguments renversent la pensée traditionnelle, héritée de Kant, qui identifie toutes les propositions a priori comme nécessaires et toutes les propositions a posteriori comme contingentes. La Logique des noms propres a aussi de profondes conséquences sur la question de la signification linguistique et sur celle des croyances et d’autres états mentaux qui seraient en partie dus à des faits sociaux et environnementaux extérieurs à l'individu. Selon la théorie causale de la référence de Kripke, le référent de l'usage donné d'un nom propre, tel Aristote, est transmis par une longue série d'usages antérieurs. Cette série constitue une chaîne historico-causale que l'on peut remonter, en principe, jusqu'à son application originale, ou « baptismale ». Kripke défie ainsi la théorie des descriptions, qui affirme que le référent d'un nom est l'individu qui correspond à une description définie associée, comme (dans le cas d'Aristote) « le précepteur d'Alexandre le Grand ». Enfin, La Logique des noms propres contribue fortement au déclin de la philosophie du langage ordinaire et des écoles qui lui sont associées, qui soutiennent que la philosophie se réduit à une analyse logique du langage.

En 1975-1976, Saul Kripke publie Outline of a Theory of Truth, un essai important sur la notion de vérité et le paradoxe du Menteur. Selon l'approche[...]

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Écrit par

  • : professeur de philosophie à l'université de la Californie du Sud, auteur
  • Universalis : services rédactionnels de l'Encyclopædia Universalis

Classification

Pour citer cet article

Universalis et Scott SOAMES. KRIPKE SAUL (1940-2022) [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Autres références

  • LANGAGE PHILOSOPHIES DU

    • Écrit par Jean-Pierre COMETTI, Paul RICŒUR
    • 23 538 mots
    • 9 médias
    Sur un autre plan, la question des noms propres, remise à l'ordre du jour par Kripke, a profondément entamé les schémas frégéens en détachant la notion de référence de celle de sens. Alors que les noms propres se voyaient attribuer jusque-là un sens – fondé sur les « descriptions définies » de Bertrand...
  • LOI, épistémologie

    • Écrit par Pierre JACOB
    • 6 820 mots
    • 1 média
    ...propositions purement mathématiques et qualifient les lois de vérités de fait, contingentes et connaissables a posteriori. L'essentialisme épousé par Kripke (1972) a renouvelé le dilemme traditionnel entre le rationalisme et l'empirisme en faisant valoir que les paires de prédicats a priori/a posteriori...
  • MODALITÉS, logique

    • Écrit par Pascal ENGEL
    • 7 573 mots
    • 1 média
    ...» des modalités, fondée sur la théorie logique des modèles, et dont les principaux initiateurs sont Carnap (1947), Kanger (1957), Hintikka (1963) et Kripke (1963). La vérité ou la fausseté des propositions modales est alors évaluée relativement à certains modèles, ou domaines d'objets, indexés à des...
  • NOM

    • Écrit par Françoise ARMENGAUD
    • 7 090 mots
    ...C'est justement à leur assimilation, attribuée globalement à Frege, à Russell et, avec quelques modifications, à Strawson et à Searle, que s'oppose Kripke. La théorie descriptiviste de la nomination, qu'il critique, se subdivise en une théorie du sens – selon laquelle le sens d'un nom est livré par...

Voir aussi