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COLERIDGE SAMUEL TAYLOR (1772-1834)

Poète, philosophe, dramaturge, traducteur, journaliste, prédicateur, critique, théoricien de la religion, de la culture et de l'État, Coleridge est l'une des plus riches figures du renouveau romantique anglais. Porte-parole du sursaut idéaliste contre le rationalisme héritier des Lumières, qu'il tente de libérer de l'associationnisme en réhabilitant la spiritualité créatrice, il opposa inlassablement aux progrès de l'utilitarisme et à la fragmentation individualiste des valeurs l'image d'une civilisation axée, non sur l'accumulation des richesses, mais sur la qualité et la solidarité des âmes. Son œuvre, tout entière placée sous le signe du désir d'unité, joua un rôle considérable dans la révolution du goût, la renaissance du sentiment religieux et l'élaboration de la notion de « culture ». Il fut l'inspirateur le plus marquant du transcendantalisme américain.

Malade, obsédé par ce qu'il appelait la corrosion de son courage, il mena, dans la hantise de la stérilité et de la faiblesse, une vie difficile qui fut une longue lutte contre le désir de mourir – « un rêve douloureux dans la somnolence fébrile de l'aube » –, obstinément axée à travers la quête de l'échec sur le refus d'un bonheur qui eût « efféminé sa pensée ».

De l'expérience du malheur au rêve utopique

Treizième et dernier enfant d'un pasteur du Devon, Coleridge est né à Ottery Saint Mary dans le Devonshire. À la mort de son père, en 1782, il est expédié à Londres et se réfugie dans la littérature d'évasion, la philosophie et la politique. D'abord tenté par le compromis unitarien entre anglicanisme et méthodisme, il se passionne pour le panthéisme (Bruno, Spinoza), le gnosticisme et l'illuminisme (Boehme), le matérialisme chrétien (Hartley) et le fidéisme (Kant, Schelling), suivant une démarche typiquement éclectique qu'il s'efforce d'ordonner à partir d'une réflexion sur la fonction et la nature du symbole partiellement empruntée aux néoplatoniciens. Durant une brève période, il adhère à l'intellectualisme associationniste, qui lui permet de compenser une propension au mysticisme fondée sur l'angoisse d'irréalité. Très vite néanmoins, l'évolution de la France l'incite à se démarquer du règne de la Raison pour transformer le concept même de « raison ».

À Cambridge (1791-1794), il élabore au sein d'une Université résolument conformiste et antirévolutionnaire un projet de société sans classes, la pantisocratie qu'il comptait établir dans l'Amérique de Tom Paine. Il comprend bientôt que, pour ses amis (dont le poète alors révolutionnaire Southey), la société juste dont il rêve n'est que prétexte à idylles, inconcevables pour eux en dehors des privilèges sociaux. Il s'écartera peu à peu de ses espoirs proprement politiques : l'État n'est que le reflet de la société qu'il prétend modeler, il ne changera qu'avec la civilisation dont il émane ; si donc Coleridge apporte son soutien aux législations sociales, il le refusera aux réformes de 1832. Sans achever ses études, il quitte l'Université où il s'est taillé une réputation de causeur inspiré, révolutionnaire et dissipé. Il tente de se racheter aux yeux de ses frères auprès de qui il s'est endetté en s'engageant dans les dragons (il sera libéré pour folie). Malgré son amour pour Mary Evans, il accepte d'épouser la belle-sœur de Southey, Sarah Fricker (1795). Deux échecs, l'un théâtral, The Fall of Robespierre (La Chute de Robespierre, 1794) et l'autre journalistique (il lance un journal engagé, The Watchman [Le Guetteur], 1796), le rejettent vers un panthéisme affectif qu'il croit proche de celui de son nouvel ami, Wordsworth, puis vers la poésie méditative[...]

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Pour citer cet article

Paul ROZENBERG. COLERIDGE SAMUEL TAYLOR (1772-1834) [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Média

Le Dit du vieux marin - crédits : Hulton Archive/ Getty Images

Le Dit du vieux marin

Autres références

  • BYRON GEORGE GORDON (1788-1824)

    • Écrit par François NATTER
    • 4 444 mots
    • 1 média
    ...Byron, a minor ». Violemment critiqué par l'Edimburgh Review en janvier 1808, il répondit en mars 1809 par une satire vengeresse et géniale, Bardes anglais et critiques écossais, où il attaquait, avec un jugement sûr, les poètes romantiques en vogue, notamment Southey,Coleridge et Wordsworth.
  • LE DIT DU VIEUX MARIN, Samuel Taylor Coleridge - Fiche de lecture

    • Écrit par Marc PORÉE
    • 873 mots
    • 1 média

    En tête du volume de la première édition des Lyrical Ballads (1798), venait le long poème de Samuel Taylor Coleridge (1772-1834), Le Dit du vieux marin. Selon William Wordsworth (1770-1850), le poème aurait « découragé les lecteurs d'aller plus avant, en raison de son étrangeté » et de ses « graves...

  • LAKISTES POÈTES

    • Écrit par Louis BONNEROT
    • 240 mots
    • 1 média

    The Lake Poets, The Lake School, le terme apparaît pour la première fois en août 1817, sous la plume du critique et fondateur de l'Edinburgh Review, Francis Jeffrey ; il s'applique à Southey, Coleridge et Wordsworth qui, tous trois, ont résidé dans la région des Lacs au nord-ouest de l'Angleterre...

  • SOUTHEY ROBERT (1774-1843)

    • Écrit par Universalis
    • 1 176 mots

    Poète anglais, auteur de nombreux textes en prose touchant à tous les genres, Robert Southey est resté surtout célèbre pour ses liens avec Samuel Taylor Coleridge et William Wordsworth, qui furent tous deux à la tête du romantisme anglais.

    Fils d'un marchand de linges, Robert Southey, né à Bristol...

Voir aussi