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DEBRÉ ROBERT (1882-1978)

Le médecin, père de la pédiatrie française, Robert Debré est né le 7 décembre 1882 à Sedan (Ardennes) et mort le 29 avril 1978 au Kremlin-Bicêtre (Val-de-Marne), à l'âge de quatre-vingt-quinze ans. Cette vie de près d'un siècle, marquée par la réflexion, l'action et la lucidité, fut d'une richesse exceptionnelle.

Après des études classiques au lycée Janson-de-Sailly, Robert Debré s'intéressa à la philosophie, puis s'orienta vers la médecine, et très tôt vers celle des enfants.

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La qualité de l'œuvre de son œuvre est issue d'une formation exigeante : auprès d'Arnold Netter en médecine, et à l'Institut Pasteur auprès d'Émile Roux et de Gaston Ramon en bactériologie et en immunologie. Il compléta son apprentissage en Autriche chez Clemens von Pirquet et en Grande-Bretagne chez Wright. Il fut successivement professeur de bactériologie et professeur de pédiatrie à la faculté de médecine de Paris. Les travaux de Robert Debré ont surtout porté sur les maladies infectieuses, qui à cette époque constituaient le principal danger menaçant la vie des enfants. Quelques-unes de ses recherches sont restées célèbres.

Dès 1908, il précisa avec Arnold Netter la pratique du traitement de la méningite cérébro-spinale par le sérum de Flexner. Après la Première Guerre mondiale, il étudia avec Gaston Ramon l'efficacité vaccinante de l'anatoxine diphtérique, efficacité qu'il démontra, et qui conduisit plus tard à la disparition de cette maladie dans notre pays. À partir de 1928, il soutint avec d'autres la théorie de l'origine streptococcique de la scarlatine, puis du rhumatisme articulaire aigu ; il étudiera et codifiera au cours des années l'usage raisonné de la pénicilline et des corticoïdes dans le traitement de cette dernière maladie, alors si meurtrière. C'est peut-être son combat contre la tuberculose de l'enfant qui fut le plus long : il le commença en 1910 et le poursuivit sa vie durant, l'abordant sous divers angles (hérédité, contagion, aspects cliniques, allergie et immunité, développement de la maladie chez l'enfant, traitement antibiotique et chimiothérapie, chimioprophylaxie, vaccination par le BCG, protection sociale), sans oublier le travail qu'il mena sur la thérapeutique d'une maladie jusque-là toujours mortelle, la méningite tuberculeuse. L'esprit analytique et critique, la minutie parfois obsessionnelle de la mise au point de ces thérapeutiques, on les retrouve lorsqu'il isole et décrit, après de longues années de prudente réserve et de méditation, la « maladie des griffes de chat ».

Cette prédilection pour la recherche dans le cadre des maladies infectieuses n'empêcha pas Robert Debré d'être un précurseur lucide dans la compréhension des troubles métaboliques, nutritionnels et endocriniens. Son nom est lié à la description de l'insuffisance tubulaire globale ou syndrome de De Toni-Debré-Fanconi, à l'isolement de l'hyperplasie virilisante des surrénales ou syndrome de Debré-Fibiger, à l'observation de l'hypertrophie musculaire diffuse de certains enfants hypothyroïdiens ou syndrome de Debré-Semelaigne. Ses travaux sur les glycogénoses, sur l'hypervitaminose D et sur l'intoxication par l'eau dans l'insuffisance hypophysaire furent aussi en leur temps des modèles.

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Ce bactériologiste comprit très tôt que les progrès de la prévention et du traitement des maladies infectieuses et nutritionnelles allaient ouvrir de nouvelles voies de réflexion au médecin d'enfants. Le premier en France, avec son ami Touraine, il saisit l'importance des découvertes de la génétique fondamentale et fit créer, à Paris, la chaire de génétique médicale, qui fut la première en Europe. Très tôt également, il perçut que la biochimie devenait une discipline de base pour toutes les spécialités médicales, en particulier la pédiatrie, et il organisa l'un des plus vastes laboratoires de recherche d'Europe sur ce qui allait devenir la pathologie moléculaire.

Grand médecin, grand scientifique, Robert Debré fut également un grand chef d'école. Il eut le don d'attirer les jeunes médecins de tous les pays. Il eut le talent de les former, de les orienter, de les révéler à eux-mêmes et aux autres. Il avait le goût de la discipline et une pratique naturelle de l'autorité. Il forma beaucoup d'élèves qui devinrent eux-mêmes des chefs d'école en France et dans de nombreux pays.

Enfin, surtout à la fin de la Seconde Guerre mondiale, Robert Debré sut faire preuve de grandes qualités d'organisateur et de novateur. Le rayonnement de sa pensée est grand en France et à l'étranger. La réforme hospitalo-universitaire de 1958, qu'il médita, codifia, réalisa et adapta en tant que président du premier comité interministériel, changea, non sans rencontrer de vigoureuses résistances, l'aspect traditionnel de la médecine hospitalière française et rendit possibles les pratiques modernes de soins, une certaine amélioration de la pédagogie médicale, la renaissance encore timide de l'investigation clinique en France. Il créa en 1945, avec Maurice Pate et Ludwig Rajchman, le Fonds de secours d'urgence à l'enfance, qui devint ensuite l'Unicef : on connaît les bienfaits de cette institution pour les enfants du monde entier. En 1950, après de longs combats et des attaques souvent injustes, il inaugura à Paris le Centre international de l'enfance (CIE), où l'on enseigne pour tous les pays du monde la pédiatrie sociale et préventive, presque ignorée de nos vieilles universités et adoptée très vite par les pays en voie de développement.

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Robert Debré fut comblé d'honneurs et de joies. Les joies : son fils aîné, Michel Debré, Premier ministre du général de Gaulle, son second fils, Olivier Debré, peintre de grande réputation, sa fille, Claude Debré, médecin, et plusieurs de ses petits-fils médecins comme lui-même. Les honneurs : membre de l'Institut et de l'Académie nationale de médecine, président du conseil d'administration du CIE, titulaire d'innombrables diplômes et décorations. Il considéra comme une grande récompense d'être invité par Henri Labouisse à recevoir avec lui à Stockholm le prix Nobel de la paix, attribué à l'Unicef.

Ainsi, par sa formation universitaire, par ses amitiés, par ses voyages et ses lectures se dessina cette personnalité de pédiatre philosophe et humaniste qu'il révéla au grand public tard dans sa vie, en dépit de son extrême pudeur, dans deux livres : L'Honneur de vivre et Ce que je crois, dont le succès fut très grand. Pour qui mesure l'œuvre de cet homme, médecin, chercheur, chef d'école et organisateur, il est clair que l'optimisme raisonné avec lequel il jugeait l'aventure humaine a joué un rôle fondamental dans l'aide universelle à l'enfance qu'il apporta à travers les mots, les actes et les pierres.

— Pierre ROYER

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Écrit par

  • : professeur à l'université René-Descartes, Paris

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