Abonnez-vous à Universalis pour 1 euro

ARTSCHWAGER RICHARD (1923-2013)

Lorsque certains courants de l'art américain intègrent l'objet, au cours des années 1960, celui-ci, même s'il n'est pas le seul élément pris en compte, devient le centre d'attention de nombreux artistes, puisqu'il concentre à la fois le problème plastique par son propre design, la question sociale en étant pris dans un réseau d'échanges symboliques, la question économique dans la mesure où il est un rouage du marché. L'objet trouvé ou créé satisfait ainsi plusieurs demandes extérieures à l'art tout en permettant des formes inédites. Par rapport à ces préoccupations esthétiques, l'œuvre de Richard Artschwager est un cas. L'artiste ne se sert pas en effet d'objets déjà existants, il les fabrique lui-même et ceux-ci tiennent à la fois du géométrique, du biomorphique, du pictural, du photographique, sans pouvoir être assimilés à aucune de ces formes plastiques. Il n'use pas du style « reproductiviste », puisque chaque œuvre est unique. Il est le seul à se servir de matériaux incongrus tels que le Formica et le Cellotex. Son projet est aussi immense qu'original : classer de l'intérieur le monde de l'art. Présent dans les grands musées et paradoxalement peu connu du grand public, Richard Artschwager a été « découvert » en Europe grâce à une importante exposition itinérante présentée d'abord à New York, au Whitney Museum, en 1988, puis à Madrid, au Palacio Velázquez, à Paris, au Musée national d'art moderne et, enfin, à la Kunsthalle de Düsseldorf, en Allemagne, en 1989. Le public parisien a pu le découvrir à nouveau en 1994, puisque l'exposition d'ouverture de la Fondation Cartier lui était consacrée. La Fondation lui avait d'ailleurs commandé plusieurs œuvres pour l'exposition, en particulier Pyramide II, immense construction en bois de 6,40 m de hauteur.

Entre artisanat et art

Richard Artschwager est né en 1923, à Washington, de parents immigrés (son père était né en Prusse, sa mère était juive ukrainienne) qui l'élèvent dans la familiarité de l'allemand, qu'ils parlent tous deux. Ayant d'abord choisi la voie scientifique, il s'inscrit en 1941 à l'université Cornell, où il étudie la chimie et les mathématiques. Mobilisé en 1942, il part d'abord pour l'Angleterre, puis pour la France. Légèrement blessé, il est chargé d'un travail administratif au quartier général du général Eisenhower, à Francfort, puis d'une mission de contre-espionnage à Vienne. Il revient en 1947 aux États-Unis, où il obtient un diplôme de sciences physiques en 1948. Mais, plus attiré par l'art que par les sciences, il s'inscrit l'année suivante dans l'atelier d'Amédée Ozenfant, qui, avec Le Corbusier, avait lancé le « purisme ». À cette époque, il occupe plusieurs petits emplois : photographe de bébés, tourneur et employé de banque. En 1953, il commence à dessiner, à fabriquer et à commercialiser quantité de meubles dont la qualité est reconnue ; quelques-unes de ses réalisations sont présentées à l'exposition Mobiliers d'artisans, organisée par le Museum of Contemporary Crafts de New York en 1957. À côté de ce travail artisanal, Artschwager poursuit des études artistiques de dessin et de peinture, et c'est en 1959 qu'eut lieu sa première exposition personnelle, à l'Art Directions Gallery de New York. En 1960, il a acquis une certaine renommée dans le milieu de 1'artisanat, et l'Église catholique lui commande des autels destinés à des navires de guerre.

Au cœur de l'esthétique de Richard Artschwager, quelques constantes apparaissent, notamment le jeu de la distinction et de l'ambiguïté entre le monde de l'art et celui de l'artisanat. S'il abandonne définitivement l'artisanat en 1962 avec [...]

La suite de cet article est accessible aux abonnés

  • Des contenus variés, complets et fiables
  • Accessible sur tous les écrans
  • Pas de publicité

Découvrez nos offres

Déjà abonné ? Se connecter

Écrit par

  • : professeur en esthétique à l'université de Paris-I-Panthéon-Sorbonne, critique d'art

Classification

Pour citer cet article

Jacinto LAGEIRA. ARTSCHWAGER RICHARD (1923-2013) [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Autres références

  • HYPERRÉALISME

    • Écrit par Élisabeth LEBOVICI
    • 3 196 mots
    ...reproduction, les « images d'images », tout en limitant leurs référents à la photographie, sans aller jusqu'aux comics ni jusqu'à la bande dessinée. Mais ce qui intéresse des artistes comme Artschwager, Close ou Morley, à la naissance de ce qu'on appelle alors Photo-Realism, c'est l'affirmation...

Voir aussi