Abonnez-vous à Universalis pour 1 euro

WALSH RAOUL (1887-1980)

Rythme et authenticité

Walsh veut que les spectateurs croient aux histoires qu'il raconte. Cette éthique du cinéma implique un certain nombre de choix esthétiques : ainsi celui de décors naturels. À cet égard, The Big Trail est une performance technique : pour son premier film parlant, Walsh tourne en décors naturels, et fait hisser des chariots au sommet d'une montagne ! « Je préfère tourner en extérieurs, c'est plus authentique, la chose est vraie ; en studio, les éclairages sont trop bien réglés, tout est arrangé, et il n'y a pas de vent. C'est dans le désert qu'on parvient au maximum de réalisme », écrit-il.

À ce désir d'authenticité répondent des décors très travaillés : le cabaret où chante Ida Lupino (The Man I Love) ; la ferme de Judith Anderson, dans laquelle nombre d'objets quotidiens – lampes à pétrole, vases – sont mis au premier plan (Pursued). Ce sens du décor ira s'épanouissant dans les grands films en couleur des années cinquante, et Walsh, avec The World in His Arms (reconstitution du San Francisco de la fin du xixe siècle, avec ses tavernes et ses hôtels de luxe) ou Band of Angels (avec ses demeures somptueuses du vieux Sud), s'affirmera comme un des grands coloristes du cinéma américain. La bande-son est également d'une grande importance : bruits du désert dans Along the Great Divide, bruits de jungle inquiétants pour les soldats américains dans Objective Burma.

Les films de Walsh sont caractérisés par leur rythme très soutenu. Le cinéaste dit se refuser à montrer des gens ouvrir ou fermer des portes ; aucun temps mort ne doit s'installer : « J'avais le sens du temps. Je ne laissais pas de temps mort. J'avais toujours peur que le spectateur ne prît de l'avance. » Walsh sait varier aussi bien le rythme que le ton de ses films : « Ce qu'il faut essayer de faire au cinéma, c'est d'introduire dans un film une grande variété d'éléments différents, pour que le film soit construit un peu comme une pièce de musique, une symphonie. » The World in His Arms, par exemple, fait alterner les scènes d'action (courses de navires sur la mer), les scènes lyriques (Gregory Peck faisant contempler San Francisco endormi à sa fiancée, et la menant, la nuit toujours, sur son bateau désert), de suspens (comment les amis de G. Peck empêcheront-ils le mariage de la comtesse russe avec un vieux prince protégé par toute une armée ?) et quelques scènes franchement comiques (l'ami eskimo de Gregory Peck, partout suivi de son otarie apprivoisée). Walsh, comme Ford, introduit souvent des personnages secondaires – la vieille douairière ou l'eskimo de The World in His Arms – qui permettent des instants de détente et d'humour.

Le rythme des films naît aussi de leur montage très serré. Comme la plupart des metteurs en scène de l'époque, il n'avait pas droit au « final cut » ; il tournait cette difficulté en « faisant le montage dans la caméra », c'est-à-dire en filmant avec une seule caméra (sauf pour les scènes de combat, comme le match de boxe de Gentleman Jim, tourné avec deux caméras) des plans qu'il n'était possible de monter que d'une seule façon pour que le film fût cohérent : le monteur n'avait plus alors qu'à mettre en place les éléments du puzzle préparé par le metteur en scène, sans avoir la possibilité de rien couper.

Walsh filme ses personnages « au plus près », le plus simplement possible, sans effets inutiles : ses films comptent peu de gros plans (rappelons cependant celui – jubilatoire – du pirate agonisant, enterré jusqu'au cou, dans Blackbeard the Pirate) mais une grande abondance de « plans américains » : il essaie de rester attentif à ses acteurs, afin de saisir sur leurs visages les expressions les plus fugitives. L'amour qu'il[...]

La suite de cet article est accessible aux abonnés

  • Des contenus variés, complets et fiables
  • Accessible sur tous les écrans
  • Pas de publicité

Découvrez nos offres

Déjà abonné ? Se connecter

Écrit par

  • : ancien élève de l'École normale supérieure de la rue d'Ulm, agrégé de lettres modernes, éditeur

Classification

Pour citer cet article

Christophe MERCIER. WALSH RAOUL (1887-1980) [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Article mis en ligne le et modifié le 14/03/2009

Autres références

  • CINÉMA (Aspects généraux) - Histoire

    • Écrit par , et
    • 21 694 mots
    • 41 médias
    En 1941, précisément, Humphrey Bogart interprète un gangster qui sort de prison dans La Grande Évasion (High Sierra) de Raoul Walsh. Dès lors, il impose son personnage, puis son mythe. Avec la complicité de ses amis Huston, Hawks et Walsh, il va donner au film noir ses lettres de noblesse :...
  • FLYNN ERROL (1909-1959)

    • Écrit par
    • 941 mots

    « J'ai vécu, et bien vécu, comme un glouton qui mord dans la vie à pleines dents... J'ai connu l'aventure, le romanesque, le sport, et je me suis efforcé de leur donner un sens... » C'est ainsi que l'acteur hollywoodien Errol Flynn résume sa vie dans son autobiographie,...

  • GABLE CLARK (1901-1960)

    • Écrit par
    • 1 731 mots
    • 1 média
    Parmi de nombreux films d'action dont il est parfois le seul atout, Clark Gable, comme son rival bondissant de toujours, Errol Flynn, a trouvé en Raoul Walsh un réalisateur capable de cerner sa véritable personnalité. Dans The Tall Men (Les Implacables, 1955), il interprète le rôle de l'ancien combattant...