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RĀMAKRISHNA (1836-1886)

C'est au Vedānta shankarien, qui inspira la plupart des philosophes de l'Inde médiévale et des sages de l'Inde moderne, que l'on a tenté de rattacher l'enseignement donné par Rāmakrishna à ses disciples dans ses entretiens familiers, qui, illustrés de paraboles, furent recueillis à la manière des Évangiles. Il n'étudiait pas dans les livres, il n'écrivait pas, mais il interrogeait ceux qui venaient à lui et qui avaient atteint divers degrés de la connaissance ; il pouvait alors retransmettre celle-ci sous une forme simplifiée, adaptée à chacun de ses fidèles. Il se refusait à prêcher et à convertir, car il considérait les religions propres à chaque peuple comme des chemins qui, sur le plan mystique, étaient également sûrs pour conduire au but unique : Dieu.

À sa mort, son disciple le plus proche, Vivekānanda, qui avait reçu de lui « la charge de tous ses frères », s'employa à traduire en action le message du Maître ; il créa la « Mission Rāmakrishna », en 1897, qui se rattachait à son autre fondation, l'« Ordre de Rāmakrishna ». Du centre de Belūr, sur le Gange, non loin de Calcutta, rayonnent des swāmi ou « maîtres », versés dans l'enseignement du Vedānta shankarien adapté au temps, aux lieux, aux nécessités de la philosophie moderne et aux besoins des hommes. Ils assurent en Inde et hors de l'Inde l'existence d'écoles de spiritualité, collèges, monastères ou āśram dont certains, comme celui d'Almorá dans l'Himālaya, sont réservés à la contemplation, d'autres se consacrant à l'approfondissement des études religieuses et philosophiques, ainsi qu'à d'abondantes publications.

Le prêtre de la Mère divine

Rāmakrishna, né dans le village de Kamarpukur, au Bengale, à une centaine de kilomètres à l'ouest de Calcutta, est le fils d'un pauvre et pieux brāhmane, Khudiram. Au cours d'un pèlerinage au temple de Gaya où il était allé vénérer la trace du pied de Viṣṇu, Khudiram avait eu un rêve lui annonçant qu'il lui naîtrait un fils, incarnation du dieu. Dans le même moment, sa femme, Chandra Devī, restée au village, reçut dans un songe l'assurance d'une maternité divine. Aussi la tradition présente-t-elle Rāmakrishna comme un avatāra de Viṣṇu.

Tout enfant, sa prodigieuse mémoire lui permit d'assimiler les innombrables mythes de l'Inde, lui rendant familier l'irrationnel. Doué pour tous les arts, il s'identifiait avec les héros et les dieux, mimant et chantant avec passion leurs rôles, façonnant dans l'argile leur image. Il avait, dit Romain Rolland, une « magique plasticité », grâce à laquelle il se muait « instantanément en chacun des êtres qu'il voyait ou rêvait ». « Marque de l'art et de l'amour. En elle s'annonçait le merveilleux pouvoir dont allait être doté Rāmakrishna : le génie d'épouser toutes les âmes du monde. » À neuf ans, deux ans après la mort de son père, il reçut, lors de la cérémonie de l'upanayana(« initiation »), l'investiture du cordon sacré consacrant son entrée dans la caste brahmanique : il devenait ainsi un dvija, « deux fois né ». À dix-neuf ans, il accepta de devenir prêtre du temple de Dakshineswar, dédié à la déesse Kalī, que venait de fonder une femme très riche mais de caste inférieure, la rānī Rasmanī.

Dès lors, il adhéra au « mythe collectif » de la représentation de Kalī. Il se consacra au service de la déesse avec une ferveur ardente, non pas dans la douceur pleine de confiant amour avec laquelle l'Occident célèbre le culte de la Vierge, créature humaine, mais selon la tradition indienne de la śakti, « énergie cosmique », qui offre de Kalī l'image à la fois mythologique et symbolique de la Mère divine, aux multiples bras, portée par un lion,[...]

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Écrit par

  • : membre de l'École française d'Extrême-Orient, diplômée de l'École pratique des hautes études

Classification

Pour citer cet article

Marie-Simone RENOU. RĀMAKRISHNA (1836-1886) [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Autres références

  • HINDOUISME

    • Écrit par Anne-Marie ESNOUL
    • 9 148 mots
    • 4 médias
    .... Mais c'est seulement dans la seconde moitié du xixe siècle que l'esprit missionnaire, si éloigné de la pensée brahmanique, se manifesta. Rāmakrishna (1834-1886), brahmane de la région de Calcutta, d'abord dévot de Kālī, l'aspect terrible de la Déesse, parvint par le moyen de la ...
  • INDE (Arts et culture) - Les doctrines philosophiques et religieuses

    • Écrit par Jean FILLIOZAT
    • 16 660 mots
    • 3 médias
    ...philosophique plus profond né autour d'un ascète bengali, adorateur de la Mère (Kālī, qui est une forme de la Śakti de Śiva mais qui prédomine sur celui-ci) : Gadādhara Caṭṭopādhyāya, célèbre sous son nom religieux de Rāmakṛṣṇa (1834-1886), fut cet ascète, qualifié de Paramahaṃsa, ce qui le...
  • VIVEKĀNANDA NARENDRANĀTH DATTA dit (1863-1902)

    • Écrit par Jean VARENNE
    • 1 248 mots

    Maître spirituel hindou, Vivékânanda (Vivekānanda) se donna pour tâche de développer l'enseignement de son maître Râmakrishna (Rāmakṛṣṇa) et de le diffuser en Inde et à l'étranger. Sur son initiative, les disciples anciens et nouveaux se constituèrent en un ordre monastique ressemblant à ceux de l'Occident....

Voir aussi