Abonnez-vous à Universalis pour 1 euro

PURUṢA

Parmi les présupposés qui règlent le cours de la réflexion philosophique indienne se trouve l'affirmation qu'à l'existence phénoménale, seule accessible à nos sens, s'oppose une essence à la fois transcendante et immanente. Ainsi dans les upaniṣad et chez les philosophes du Vedānta lit-on que le brahman (l'« absolu »), unique, immuable, transcende la māyā (« déploiement prestigieux de la réalité »), en laquelle pourtant il est partout présent (et, par exemple, chez l'homme en tant qu'ātman, « âme »).

D'autres upaniṣad, la Bhagavad-Gītā et les tenants du Sāṁkhya (autre darśana orthodoxe) préfèrent utiliser le terme védique de puruṣa (« mâle », « homme ») pour désigner le Principe. Cela leur permet de souligner que la manifestation de la māyā n'est « illusoire » que dans la mesure où elle est phénoménale. Les vivants, les choses, l'univers « existent » effectivement en tant que modalités d'une substance éternelle, que la tradition brahmanique nomme prakṛti : (« nature »). Dans la mesure même où elle est éternelle, la Nature fait couple avec le Principe comme l'épouse avec l'époux ; ainsi la Prakṛti apparaît-elle comme la parèdre du Puruṣa, sa « puissance » ou śakti. En ce mythe prennent racine des conceptions propres au tantrisme, qui voit dans la Déesse (Devī) l'« incarnation » de la Prakṛti : Śiva, impassible, médite sur le Kailāsa (montagne mythique où le dieu séjourne), cependant que Pārvatī, son épouse, organise la magnificience existentielle, la māyā. Le mâle (puruṣa) est le Principe de toutes choses, mais la responsabilité du déploiement de l'univers incombe à la puissance-femme (śakti), qui est, en quelque sorte, la première hypostase de l'Absolu.

— Jean VARENNE

La suite de cet article est accessible aux abonnés

  • Des contenus variés, complets et fiables
  • Accessible sur tous les écrans
  • Pas de publicité

Découvrez nos offres

Déjà abonné ? Se connecter

Écrit par

  • : docteur ès lettres, professeur à l'université de Lyon-III

Classification

Pour citer cet article

Jean VARENNE. PURUṢA [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Autres références

  • DETTE, anthropologie

    • Écrit par Charles MALAMOUD
    • 10 460 mots
    • 1 média
    Si le créancier est Yama, le débiteur est l'homme, puruṣa. Pour se libérer de la dette envers la mort, il n'y a que deux moyens : satisfaire le créancier, donc, en l'occurrence, s'abolir soi-même ; ou bien se mettre hors de son atteinte, ce qui revient à nier la dette, non à s'en acquitter ; la première...
  • GRAMMAIRES (HISTOIRE DES) - Grammaire et langage dans l'Inde ancienne

    • Écrit par Pierre-Sylvain FILLIOZAT
    • 3 019 mots
    ...structure des mots est l'étymologie, dont on trouve des échantillons dans les textes les plus anciens : l'être cosmique originel est appelé puruṣa parce qu'« il existait avant [toute chose] (purā āsīt) », ce qui reflète une analyse du motpuruṣa en l'adverbe purā (« avant...
  • MĀYĀ

    • Écrit par Jean VARENNE
    • 724 mots

    Notion particulière et difficile à cerner avec précision, dont fait grand usage la littérature philosophique de l'Inde traditionnelle et notamment celle qui relève du Vedānta. Le mot māyā est ancien puisqu'il apparaît déjà dans les hymnes du Rig-Veda, partie la plus archaïque...

  • SĀṂKHYA

    • Écrit par Jean VARENNE
    • 688 mots

    La tradition philosophique hindoue se présente sous la forme de « systèmes » achevés, chacun se suffisant à lui-même, au moins en théorie. Ce sont autant de « points de vue » (darśanas) sur la doctrine de base qui se veut immuable : foi en la révélation védique, affirmation de la toute-puissance...

Voir aussi