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PSYCHOPATHIA SEXUALIS, Richard von Krafft-Ebing Fiche de lecture

Publié au cours de l'année 1886, Psychopathia Sexualis est devenu immédiatement un best-seller de la littérature psychiatrique, traduit très vite en plusieurs langues. Avec cette étude médico-légale d'une sélection de cas exemplaires, Richard Freiherr von Krafft-Ebing (1840-1902) étendait au domaine de la sexualité son travail de classification des maladies mentales basé sur la description des symptômes, déjà entamé dans son manuel de psychiatrie (Lehrbuch der Psychiatrie, 1879). L'ouvrage est caractéristique de cette période de la psychiatrie où se multiplient les essais de nosographie – le Traité de psychiatrie d'Emil Kraepelin est paru trois ans plus tôt –, où entre en scène aussi la notion de perversion, dans un contexte de rivalité entre spécialistes et de répression pénale. Krafft-Ebing a surtout assuré sa postérité en introduisant pour la première fois dans la classification des perversions les notions de sadisme, de masochisme et de fétichisme, utilisées encore aujourd'hui.

Entre catalogue et classification

Rassemblant quarante-cinq cas en 110 pages dans sa première édition, le livre a augmenté considérablement de volume au fil des éditions. La septième édition en 1892 recensait 192 cas et la douzième, en 1903, 237. Les récits autobiographiques transmis à Krafft-Ebing par les délinquants soumis à son expertise y occupent une place prépondérante. Mais celui-ci a aussi inclus des cas rapporté par des confrères ou pris dans d'autres ouvrages scientifiques. Parmi les auteurs qu'il cite, on trouve les Français Ambroise Tardieu, Jacques Moreau de Tours, Alexandre Brierre de Boismont, Jean Martin Charcot et Valentin Magnan, les Allemands Ivan Bloch, Albert Moll, Hans Kurella, Alois Alzheimer, Albert Eulenburg, Benjamin Tarnowsky, enfin l'Italien Cesare Lombroso.

Pour expliquer les maladies mentales, Krafft-Ebing recourt à plusieurs théories, notamment à l'idée très en vogue à son époque qui faisait de la « neurasthénie » ou du « nervosisme » causé par les progrès de la civilisation moderne le véritable mal du siècle. Fidèle au principe qui voulait que les symptômes psychopathologiques fussent attribués à des lésions du cerveau (organogenèse), il reprit la théorie de la dégénérescence de Benedict Augustin Morel (1809-1873) pour expliquer les déviations de l'instinct sexuel par une « constitution névropathique » due principalement à l'hérédité. Mais « ces manifestations qui offensent nos principes éthiques ou esthétiques » pouvaient aussi avoir pour cause une vie de débauche ou bien encore la masturbation (préjugé remontant à l'essai sur l'onanisme du médecin suisse Samuel Tissot, paru en 1758).

Particulièrement intéressé par ce que Karl Otto Westphall avait désigné en 1869 sous le terme de conträre Sexualempfindungen (inversion du sens génital, selon la traduction de Charcot et Magnan en 1883), Krafft-Ebing devait accorder de plus en plus de place dans son ouvrage aux cas d'homosexualité. Médecin légiste auprès des tribunaux, il consacre un chapitre entier sur la problématique de la condamnation pénale de la délinquance sexuelle. Le paragraphe 175 du Code pénal impérial réprimant la « débauche contre nature » donnait lieu à de nombreux procès à scandale, et rendait indispensables les médecins légistes pour l'appréciation de la structure psychique des délinquants et de leur degré de responsabilité dans ce « crime ». Krafft-Ebing était persuadé de la mission morale du médecin, seul à pouvoir, comme il l'écrit dans sa Préface de la première édition, « sauvegarder l'honneur de l'humanité dans le forum de la morale et celui de l'individu face aux juges et à ses concitoyens ».

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Écrit par

  • : professeur des Universités, docteur en médecine, directeur du Ludwig Boltzmann-Institut für Suchtforschung

Classification

Pour citer cet article

Alfred SPRINGER. PSYCHOPATHIA SEXUALIS, Richard von Krafft-Ebing - Fiche de lecture [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Autres références

  • KRAFFT-EBING RICHARD VON (1840-1902)

    • Écrit par Jacques POSTEL
    • 293 mots

    Psychiatre allemand. Après des études de psychologie et de médecine en Suisse, puis en Allemagne où il est l'élève de Griensinger, Krafft-Ebing est nommé professeur de psychiatrie, successivement à Strasbourg, à Graz et enfin à Vienne, où il remplace Meynert en 1889. Quoique peu favorable...

Voir aussi