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MOREAU DE TOURS JACQUES (1804-1884)

Psychiatre français. Moreau fit ses études de médecine à Tours puis à Paris, où il apprit la psychiatrie dans le service d'Esquirol dont il fut l'interne. Il soutient sa thèse en 1830 sur « L'Influence du physique relativement au désordre des facultés intellectuelles et en particulier dans cette variété de délire désignée par M. Esquirol sous le nom de monomanie ». Après un voyage de trois ans en Orient, où il accompagne un malade fortuné et étudie les effets de l'usage du hachisch, il rentre à Paris pour devenir médecin à l'hospice de Bicêtre, puis à la Salpêtrière, qu'il fréquente jusqu'à sa mort.

Sa thèse inaugurale indique déjà l'orientation de son œuvre psychiatrique, qui s'inscrira dans une perspective de plus en plus organogénétique. Dans son livre fameux Du hachisch et de l'aliénation mentale, paru en 1845, il compare les troubles psychiques secondaires de l'intoxication cannabique à ceux que produit l'aliénation mentale. De la comparaison il glisse à l'analogie puis à l'identité des deux états mentaux, et en vient ainsi à affirmer que toute psychose est d'origine organique. Le délire ne serait plus que le rêve de l'homme éveillé soumis à des influences toxiques, à des troubles cérébraux lésionnels. E. Lasègue s'inscrivit en faux contre cette simplification outrancière, dès 1846, dans une analyse de l'ouvrage, et surtout dans son fameux article sur « Le Délire alcoolique qui est un rêve, et non pas un délire ». Mais cette confusion entre le domaine spécifique de la folie (la psychiatrie) et celui des troubles psychiques procédant d'une atteinte organique cérébrale (la neuropsychiatrie) trouve de nombreux partisans. Elle permet à un certain pouvoir médical de s'imposer dans un domaine d'où l'on peut chasser les philosophes et les psychologues. La méthode anatomo-clinique, les modèles nosologiques de la médecine somatique sont imposés à la psychiatrie, ainsi conduite dans une impasse dont Freud ne la sortira que cinquante ans plus tard.

Moreau confirme cette orientation neuropsychiatrique dans deux mémoires parus en 1855 : De l'identité de l'état de rêve et de la folie, et surtout De la folie au point de vue pathologique et anatomo-pathologique. Ce dernier mémoire, disctuté à l'Académie de médecine, conduit à la victoire de la tendance organogénétique, et à la défaite des rares défenseurs d'une spécificité de la psychiatrie. Seul J. Baillarger apporte des arguments cliniques contre la thèse de Moreau. Il n'est pas écouté. Paradoxalement, c'est un vieux médecin, Bousquet, qui s'oppose avec le plus d'énergie à cette réduction neuropsychiatrique.

L'organogenèse n'a jamais mené très loin en psychiatrie. À défaut de découvertes anatomiques précises, on se rabat sur l'étiologie héréditaire. C'est ce que fait Moreau dans ses divers travaux cliniques et dans une importante compilation, La Psychologie morbide dans ses rapports avec la philosophie de l'histoire, ou De l'influence des névropathies sur le dynamisme intellectuel (1859). Tout est ramené à l'hérédité morbide qui se trouve ainsi responsable aussi bien des cas d'idiotie et d'imbécillité que du génie. L'éducation est incapable « d'ajouter ou de retrancher à l'énergie native de nos facultés », et l'influence héréditaire reste prépondérante : « À une foule d'égards, écrit-il, tracer l'histoire physiologique des idiots et des fous serait tracer celle de la plupart des hommes de génie, et vice versa. »

L'œuvre de Moreau, même si elle est peu lue (en dehors du Hachisch), inspire encore actuellement tout un courant de la psychiatrie française où l'on retrouve l'organodynamisme de H. Ey, et la Société Moreau de[...]

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Écrit par

  • : médecin-chef au centre hospitalier Sainte-Anne, Paris

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Pour citer cet article

Jacques POSTEL. MOREAU DE TOURS JACQUES (1804-1884) [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

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