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PSYCHOLOGIE DU MENSONGE

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L’analyse du discours dans la détection du mensonge

Si nous mentons fréquemment, nous sommes, hélas, de piètres détecteurs de mensonge. En effet, sans l’aide de technologies particulières, la justesse de détection du mensonge comme de la vérité ne dépasse pas 55 p. 100, soit à peine mieux que le hasard. Les professionnels confrontés dans leur pratique quotidienne à la nécessité de distinguer la vérité du mensonge ne sont pas plus performants que les étudiants qui se prêtent aux expérimentations des chercheurs. Toutefois, quelques catégories de personnes semblent plus efficientes que le citoyen ordinaire pour discriminer mensonge et vérité, il s’agit des espions, des prisonniers, des personnes repérées grâce à des questionnaires psychologiques comme particulièrement motivées à faire des efforts cognitifs et… des très bons menteurs.

Puisque la plupart des gens, y compris les professionnels de l’enquête, ont la plus grande difficulté à discerner la vérité du mensonge, compte tenu des enjeux en particulier dans le cadre judiciaire, la recherche d’outils pour optimiser la détection du mensonge reste un enjeu prioritaire. En effet, comme on l’a vu plus haut, le recours aux technologies sophistiquées connues ne paraît pas suffire : l’IRMf n’apporte pas aujourd’hui une aide réellement efficace ; le polygraphe, bien qu’utilisé par des services d’investigation criminelle dans plusieurs pays (Canada, États-Unis, Belgique et même la France), n’a jamais fait l’objet d’une validation scientifique convaincante ; les indicateurs non verbaux nécessitent une analyse très détaillée effectuée par des personnes formées avec soin, pour des résultats non consensuels. En revanche, la littérature scientifique internationale apparaît consensuelle pour considérer que les analyses du discours sont, à ce jour, les plus pertinentes pour distinguer mensonge et sincérité, ou plus précisément pour asseoir la conviction qu’une déclaration est sincère si quasiment tous les indicateurs langagiers utilisés convergent dans le sens de la vérité.

Les indicateurs les plus convaincants proviennent de deux champs de recherche : le premier concerne la crédibilité des témoignages d’enfants dont on soupçonne qu’ils ont été victimes d’abus sexuel. Il s’agit de la grille CBCA (Criteria-Based Content Analysis). Le second concerne la recherche d’informations en mémoire de manière à distinguer des souvenirs – qui reposent sur une perception – de faux souvenirs qui relèvent d’une confusion ou d’une pure production interne (un rêve, par exemple) de la personne : le « monitoring de la réalité » (reality monitoring). Ces deux champs, qui se recoupent en partie, permettent de dégager plusieurs indicateurs qu’on retrouve généralement dans une déclaration sincère : des informations contextuelles (sensorielles, spatiales, temporelles), des éléments de conversation, le fait d’admettre un manque de mémoire, le volume de détails (en particulier, lors d’un second récit). Il est alors possible de former des personnes au repérage de ces éléments. Plusieurs études indiquent qu’à l’aide d’une courte formation le taux de détection correct est d’environ 80 p. 100, soit significativement mieux que les 55 p. 100 observés habituellement en l’absence d’outil. La limite de ces indicateurs tient au caractère asymétrique du repérage des déclarations sincères et mensongères : les taux de détection sont meilleurs pour les premières que pour les secondes compte tenu de la nature des indicateurs utilisés.

L’aspect écologique du mensonge semble évident – nous mentons tous et tous les jours ou presque – et pourtant très peu d’études de terrain ont été réalisées, ce qui rend difficilement généralisables à une population « ordinaire » les résultats obtenus. La relative artificialité des expériences, le manque de représentativité[...]

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Claudine BILAND et Jacques PY. PSYCHOLOGIE DU MENSONGE [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Article mis en ligne le et modifié le 17/07/2017