Abonnez-vous à Universalis pour 1 euro

PRODUCTION, cinéma

Le producteur indépendant

Dans ce second mode de production, le producteur doit réunir lui-même les capitaux et les moyens matériels et humains nécessaires à la réalisation d'un film. Il sera donc tenté d'en diminuer les coûts. L'indépendance entraîne l'instabilité. Rares sont ceux qui, comme le Français Pierre Braunberger, ont poursuivi leur carrière de l'époque du muet à celle de la Nouvelle Vague, avec autant de prudence dans les investissements que d'heureuse hardiesse dans les choix artistiques. Le producteur, dans sa rigueur, apparaît alors souvent comme une sorte de censeur des ambitions artistiques. Une véritable légende s'est développée autour du combat entre l'homme au cigare, forcément grossier et inculte, et le metteur en scène, toujours inspiré et dévoué à son art : elle a beaucoup alimenté la presse, quelque peu aussi les scénarios.

Si la décision créatrice, et parfois l'initiative de faire le film, sont assurées au producteur indépendant, l'indépendance de la production s'arrête devant les pouvoirs financiers. Comme les coûts augmentent sans cesse, en dépit de tentatives périodiques de révisions à la baisse, les heurts ont fait place aux compromis. En Europe, soucieux d'éviter une trop grave précarité, le producteur saurait d'autant moins s'autofinancer qu'il ne lui revient guère que le cinquième des recettes ; inquiet du surcroît de charges qu'entraînent les emprunts à court terme, il recherche des soutiens publics et des associés ou des commanditaires : les chaînes de télévision, sans l'aval desquelles il est devenu impossible en Europe de rassembler les fonds, mais qui n'achètent les œuvres par avance que sous les conditions qui leur conviennent ; les organismes européens ou nationaux, qui avancent une partie des sommes nécessaires à la production ; ce viatique assuré, le financement devient plus facile. À Hollywood, son scénario en main, le producteur indépendant sollicite l'appui d'un studio ou d'une firme de distribution ; il leur présente un budget et un programme de réalisation exhaustifs ; parfois même, il se contentera d'exécuter le projet que lui confie une compagnie de distribution. Dans ces négociations, la possession des droits sur un livre ou un scénario et l'accord d'une vedette sont des arguments de poids. Les indépendants ne peuvent donc subsister qu'en s'associant entre eux et en obtenant la garantie d'institutions plus solides. Aux États-Unis, ils servent de laboratoires de recherche des idées et des talents aux grandes compagnies dont ils restreignent ainsi les risques financiers. En Europe, les producteurs conservent une plus grande indépendance, au prix d'une grande fragilité, et parfois à l'aide de procédés financiers éloignés de l'orthodoxie comptable. Les avantages de ce mode de production vont de soi : il exprime fidèlement l'esprit singulier d'une entreprise qui, pour commerciale qu'elle soit, n'en demeure pas moins artistique. Ses inconvénients ne sont pourtant pas négligeables : l'affrontement entre les puissances financières et les artisans ne tourne-t-il pas toujours à l'avantage des premières ? Et les cinéastes se plaignent de plus en plus du temps qu'ils perdent à tenter, souvent en vain, de monter leur projet, faute de pouvoir s'adresser à des instances de production à la fois stables et ouvertes aux idées neuves.

La suite de cet article est accessible aux abonnés

  • Des contenus variés, complets et fiables
  • Accessible sur tous les écrans
  • Pas de publicité

Découvrez nos offres

Déjà abonné ? Se connecter

Écrit par

  • : agrégé de l'Université, rédacteur à la revue Positif

Classification

Pour citer cet article

Alain MASSON. PRODUCTION, cinéma [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Autres références

  • AARDMAN STUDIO

    • Écrit par Bernard GÉNIN
    • 1 107 mots
    • 1 média

    Tout commence à Bristol, en 1966, avec les gribouillis de deux camarades d’école, David Sproxton et Peter Lord, passionnés par les séries animées qu’ils découvrent à la télévision. Ils admirent les créations des studios Disney, bien sûr, mais aussi celles du duo Hanna-Barbera (Tom...

  • AFRO-AMÉRICAIN CINÉMA

    • Écrit par Raphaël BASSAN
    • 6 876 mots
    • 3 médias
    À partir des années 1990, la production des cinéastes noirs se diversifie. Avec Un faux mouvement (One False Move, 1992), Carl Franklin réalise des polars sur le modèle de ceux de Martin Scorsese. La volonté de toucher un large public conduit les acteurs afro-américains à jouer dans des films où ils...
  • ALLEMAND CINÉMA

    • Écrit par Pierre GRAS, Daniel SAUVAGET
    • 10 274 mots
    • 7 médias
    ...les distributeurs avant de devenir un réel succès d'exportation (sauf en France). Le film impose l'actrice Franka Potente sur le marché international. Il marque aussi le début du succès pour la société de production X Filme, que Tykwer, Dani Levy et Wolfgang Becker ont créée en 1994 pour produire des...
  • ANGLAIS (ART ET CULTURE) - Cinéma

    • Écrit par N.T. BINH
    • 3 446 mots
    • 4 médias
    Toutes les tentatives qui ont eu lieu, depuis les débuts, pour tenter de fédérer ou de regrouper les producteurs ou les cinéastes britanniques se sont, jusqu'à présent, soldées par des échecs à plus ou moins court terme : l'une des plus célèbres avait été l'expérience de J. Arthur Rank, tentant de s'approprier,...
  • Afficher les 73 références

Voir aussi