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POLITIQUE La sociologie politique

Un domaine d'investigation clivé

Ainsi, tandis que certains défendent le principe de neutralité axiologique attribué à la sociologie wébérienne, d'autres le dénoncent comme une vaine illusion – voire comme une hypocrisie de jeunesse dont la sociologie politique pourrait désormais se passer – et appellent en conséquence à suivre la voie de Bourdieu. Entre les partisans de ce dernier et ceux qui se réclament d'une sociologie pragmatique, le débat épistémologique autour du rapport entre la science et le sens commun est par ailleurs tout aussi virulent. Enfin, et surtout, loin de faire l'objet d'une définition unanime, la notion de politique divise profondément la communauté sur la définition des objets légitimes. En effet, pour ceux qui la considèrent à l'instar de Maurice Duverger comme « la science du pouvoir », la sociologie politique doit circonscrire ses objets d'études aux formes les plus instituées de l'activité politique : l'État, les partis politiques, la compétition électorale, la participation conventionnelle – le vote, le militantisme – et non conventionnelle – les manifestations, les émeutes – de ceux qui n'en font pas une profession, etc. Cependant, pour ceux qui considèrent que rien n'est en soi politique mais que tout peut le devenir, une telle conception de l'objet pèche par essentialisme et conduit à négliger les effets politiques de faits sociaux non identifiés comme politiques. Ainsi, si on admet avec Jacques Lagroye que la politique « est à la fois un ensemble d'activités spécialisées et une dimension pas toujours explicite des rapports sociaux », alors le champ d'investigation de la sociologie politique s'étend à l'infini jusque et y compris à l'étude d'activités sociales en apparence très éloignées de la vie politique : la lecture de romans, le sport ou encore, mais depuis peu, les rapports sociaux de sexe dont la dimension politique a été clairement affirmée par les études anglo-saxonnes sur le genre. Dans cette dernière perspective, la sociologie politique consiste alors à réintroduire tout ce qu'il y a de social dans le politique et vice versa, et peut se comprendre comme une objectivation scientifique des multiples formes de la domination. Ainsi poussée jusqu'au bout, la logique intellectuelle qui a donné naissance à la sociologie politique pourrait bien alors – suivant l'adage « qui trop embrasse, mal étreint » – signer paradoxalement sa mort en tant que sous-discipline constituée.

— Delphine DULONG

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Écrit par

  • : docteur en science politique, maître de conférences en science politique à l'université de Paris-I-Panthéon-Sorbonne

Classification

Pour citer cet article

Delphine DULONG. POLITIQUE - La sociologie politique [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Autres références

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  • ABRABANEL (1437-1509)

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