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GUÉRIN PIERRE NARCISSE baron (1774-1833)

Contemporain de la seconde génération des élèves de David, active à partir de l’extrême fin du xviiie siècle, Guérin, par ses peintures, est de ceux qui se sont le plus rapprochés de lui. Il n’étudia pourtant pas dans son atelier, mais dans ceux de ses rivaux Nicolas Guy Brenet et Jean-Baptiste Regnault. Grand Prix de peinture en 1797 avec La Mort de Caton (École nationale supérieure des beaux-arts, Paris), il dut rester à Paris, l’Académie de France à Rome ayant été fermée à la suite du conflit avec les États pontificaux (il put finalement se rendre en Italie entre 1803 et 1805). Il fit sensation au Salon deux ans plus tard avec le Retour de Marcus Sextus, Louvre, Paris), sujet supposé avoir été tiré de l’histoire romaine, mais inventé par lui tout en restant vraisemblable, et lointainement inspiré du Bélisaire (1767) de Marmontel. La composition et la facture devaient beaucoup aux modèles classiques de Poussin et, surtout, à l’Andromaque et au Brutus de David. Le succès était également dû aux résonances contemporaines que pouvait évoquer le tableau : dans les épreuves de Marcus Sextus, on vit celles des émigrés. « Qu’importent des noms romains et des costumes antiques ? Les malheurs ne rapprochent-ils pas les lieux et les distances ? » écrivit ainsi un critique. Le succès de Guérin ne se démentit pas avec les tableaux qu’il exécuta ensuite, sur des thèmes pour l’essentiel tirés de l’Antiquité classique mais se suffisant cette fois à eux-mêmes : Phèdre et Hippolyte (1802, Louvre), Andromaque et Pyrrhus (1817, ibid.), Énée raconte à Didon les malheurs de Troie (1816, ibid.), Clytemnestre (1817, ibid.).

L’esthétique de Guérin, typiquement néoclassique, mais aussi très marquée par le théâtre, notamment dans l’expression parfois presque outrée ou caricaturale des visages, y concentre l’action sur quelques personnages au sein de rigoureuses compositions. Il en va de même des quelques toiles, plus inventives, consacrées à des sujets contemporains, Bonaparte pardonnant aux révoltés du Caire (1808, Musée national du château de Versailles), Henri de La Rochejaquelein (1817, musée de Cholet). D’autres tableaux surprenant davantage chez un peintre trop facilement assimilé à la plus stricte orthodoxie classique : Aurore et Céphale (1810, Louvre) se rapproche ainsi de l’Endymion de Girodet, comme Iris et Morphée (1811, musée de l’Ermitage, Saint-Pétersbourg). Quant à sa dernière œuvre, commencée en 1822 et restée inachevée, La Mort de Priam, ou la Dernière Nuit de Troie (musée des Beaux-Arts, Angers ; esquisse, ibid.), son sujet dramatique que renforcent les effets de clair-obscur provoqués par l’incendie la rapproche des tableaux romantiques contemporains.

Guérin, couvert d’honneurs, eut une brillante carrière officielle, qui le mena jusqu’à la direction de l’Académie de France à Rome (1816-1822), mais son influence s’exerça surtout par son activité de professeur. Son atelier était réputé, et lui-même sut se montrer très libéral. Il forma ainsi beaucoup des grands artistes romantiques, à commencer par Géricault et Delacroix, mais bien d’autres figurent parmi ses élèves : Léon Cogniet, Xavier Sigalon, Victor Orsel, Ary Scheffer. S’il les critiqua parfois sévèrement, conseillant par exemple à Delacroix de ne pas montrer au Salon La Barque de Dante, qu’il jugeait indigne de l’exposition, il les laissa très libres de leurs choix esthétiques dans le respect des grands principes de la peinture d’histoire, se contentant de leur donner un métier solide, et se montrant, dans ce paradoxe même, l’héritier le plus direct et le plus exemplaire de David.

— Barthélémy JOBERT

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Écrit par

  • : ancien élève de l'École normale supérieure, professeur à l'université de Paris-IV-Sorbonne

Classification

Pour citer cet article

Barthélémy JOBERT. GUÉRIN PIERRE NARCISSE baron (1774-1833) [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Autres références

  • DELACROIX EUGÈNE (1798-1863)

    • Écrit par Barthélémy JOBERT
    • 3 463 mots
    • 6 médias
    ...dès ses années de collège, peut-être cristallisée par l'exceptionnel rassemblement d'œuvres d'art visibles alors au Louvre. Il entra dans l'atelier de Pierre-Narcisse Guérin en 1816, et les deux ou trois années de formation qui suivirent ont sans aucun doute été déterminantes. Son apprentissage a été...

Voir aussi