PIE X saint, GIUSEPPE SARTO (1835-1914) pape (1903-1914)
Le pontificat de Pie X n'a duré que onze ans (1903-1914) ; c'est peu, comparé à celui de ses prédécesseurs immédiats : Léon XIII (25 ans), Pie IX (31 ans), Grégoire XVI (15 ans), mais ce fut tout de même un pontificat marquant, dont l'influence a été profonde, voire décisive et, en certains domaines, durable. Quelque jugement, historique ou idéologique, que l'on puisse porter sur l'orientation donnée à l'Église catholique par ses chefs depuis un siècle et demi, il est incontestable qu'elle a bénéficié d'une série d'hommes de haute valeur et de haute conscience et que, parmi eux, Pie X ne déchoit pas.
Cependant, s'il a été un grand pape, on ne peut guère nier qu'il ait aussi été un des plus discutés. Paradoxe d'autant plus sensible qu'en 1954, solennellement canonisé par son troisième successeur Pie XII, il était le premier pape à monter sur les autels depuis le xvie siècle, depuis Pie V, le pape de la croisade contre les Turcs et de la victoire de Lépante. Devenu saint Pie X, il n'en a pas pour autant désarmé les controverses, que l'évolution actuelle du catholicisme semble au contraire avoir avivées. Pape de la condamnation du modernisme, il apparaît aux uns comme le champion de la tradition et de l'orthodoxie, aux autres comme l'adversaire du renouveau, de l'ouverture et du progrès dont Léon XIII avait si bien montré la voie.
Dès lors, on ne peut s'étonner que son rôle historique soit apprécié en fonction de la valeur symbolique qu'on lui reconnaît : mainteneur d'une forme de catholicisme que l'on estime, selon les cas, ou seule conforme aux exigences d'une foi authentique, ou définitivement dépassée par la culture contemporaine. Cette constatation rend d'autant plus regrettable l'absence de toute véritable biographie critique. L'ouverture des archives vaticanes jusqu'à l'année 1922 la rend enfin envisageable. Il serait utile en effet que les nombreuses recherches consacrées à la décennie de ce pontificat soient couronnées par une étude générale de fond.
Né à Riese, petit bourg de Vénétie – bastion du catholicisme italien –, et fils d'un agent communal, Giuseppe Sarto devait avoir une carrière ecclésiastique exceptionnellement heureuse : parti d'une origine très humble, qui demeura une de ses caractéristiques, il gravit tous les échelons de la hiérarchie. On doit ajouter que cette carrière fut très classique, tout entière consacrée au ministère pastoral. Entré au séminaire à l'âge de 15 ans, il en sortit prêtre à 23 ans et fut successivement vicaire, curé, directeur spirituel du séminaire et chancelier du diocèse de Trévise, évêque de Mantoue en 1884, patriarche de Venise en 1893. Partout, on avait remarqué son train de vie modeste, son zèle pastoral et son souci du clergé, son goût pour la musique sacrée et le culte, mais de plus son habileté dans les affaires aussi bien financières que politiques.
Quand Léon XIII mourut, en 1903, on lui donnait volontiers pour successeur le cardinal Rampolla, son secrétaire d'État. Les Français désiraient ce dernier, mais les Italiens ne l'aimaient pas. Très vite, ses chances apparurent négligeables, et l'empereur d'Autriche se donna le luxe de lui opposer son veto à la demande des évêques polonais. Sarto fut élu : il avait 68 ans.
Le nouveau pape déploya une très grande activité ; son pontificat compte 3 322 documents officiels, 1 167 nominations et transferts d'évêques et archevêques, 175 territoires pourvus de juridiction. C'est ainsi que, sur le plan administratif, il entreprit, par exemple, la codification du droit canonique (le nouveau Code, promulgué en 1917 par son successeur Benoît XV, a été en vigueur jusqu'à la révision de 1983), la réforme de la Curie[...]
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Écrit par
- Émile POULAT : directeur d'études à l'École des hautes études en sciences sociales
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