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SHELLEY PERCY BYSSHE (1792-1822)

Les grandes œuvres de l'exil

Percy Shelley - crédits : Gustavo Tomsich/ Corbis/ Getty Images

Percy Shelley

Le décès de son grand-père, en 1815, avait mis le poète rebelle en possession d'une certaine fortune qui lui permettait de voyager et de secourir ses nombreux amis en détresse. Mais ses souffrances morales étaient grandes. La garde des enfants nés de sa première femme lui fut enlevée par la justice. L'Angleterre le traitait en hors-la-loi, comme elle avait fait pour Byron, avec lequel Shelley s'était lié d'amitié à Genève en 1816. En mars de cette même année, il quitta l'Angleterre pour n'y plus revenir et se fixa en diverses villes d'Italie, le plus durablement à Pise. Cette vie errante, la mort du second bébé de Mary creusèrent un fossé entre celle-ci (également écrivain de talent, auteur du fameux roman de terreur Frankenstein) et son mari. Julian and Maddalo, poème-conversation entre Shelley et Byron sur le thème de la folie causée par un chagrin d'amour, traduit, dans un cadre vénitien, le désespoir du poète qui fut peut-être alors proche de la folie. Sentiment qui se manifeste pareillement dans les célèbres « Strophes écrites dans le désespoir près de Naples en 1818 ». À Rome cependant, en 1819, Shelley est consolé par la splendeur des ruines antiques ; il aimait surtout les vestiges des bains de Caracalla, où il passa de longues heures à écrire son grand drame lyrique, Prométhée déchaîné (Prometheus Unbound). Son pessimisme personnel, dû à la difficulté d'être et à l'impatience du présent, ne l'amena presque jamais à désespérer de l'avenir. Les courts poèmes – surtout lorsque cet idéaliste platonicien se sentait captif de complications sentimentales – crient le mal dans l'homme, dans le monde et surtout dans la société. Mais tous les longs poèmes expriment l'espoir d'une régénération future. Une fois les tyrannies vaincues et le triomphe de la liberté assuré, l'homme pourrait s'éprouver enfin libre sur un sol libre, débarrassé des superstitions religieuses, prendre en main son destin comme le rêvait le Faust goethéen.

Parmi ces œuvres de plus longue haleine, on trouve une tragédie, The Cenci (1819), un drame lyrique injouable, Hellas (1821), sauvé par la fougue de ses chœurs, et quatre poèmes d'environ six cents vers chacun. La Magicienne de l'Atlas (The Witch of Atlas, 1820) est une fantaisie délicate, parfois dépourvue d'intérêt humain, comme Mary Shelley lui en fit le reproche, mais non exempte d'ironie. Dans Epipsychidion (1821), hymne d'adoration platonique dédié à une Italienne aperçue à Pise et que Shelley croyait retenue contre son gré dans un couvent, l'amour idéal, celui d'un Dante pour sa Béatrice, est traduit en symboles obscurs. La fin reprend le rêve arcadien des poètes romantiques, celui du voyage avec l'amante idéale vers une île méditerranéenne où la civilisation et le mal n'ont jamais pénétré. Adonais, sublime élégie en l'honneur de Keats qui venait de mourir à Rome (1821), est aussi un portrait de Shelley lui-même et un chant de triomphe – celui de la poésie contre la mort. Le credo poétique de Shelley, au même moment, imprégnait de ferveur son petit livre en prose Défense de la poésie (Defense of Poetry). Enfin, sous l'inspiration de Rousseau, qu'il avait pris pour guide comme Dante avait choisi Virgile, Shelley écrivait le poème (en « terza rima ») Le Triomphe de la vie, qui de toutes ses œuvres est la plus proche et la plus digne de Dante. Ce poème aurait peut-être été son chef-d'œuvre si la mort ne l'avait interrompu au vers 544 sur cet appel angoissé : « Mais alors, qu'est-ce que la vie ? »

Dans les pièces brèves des années 1819-1822 sont contenus les poèmes de Shelley que les anthologies ont rendus populaires : « L'Ode au vent d'ouest », « Le Nuage », « À une alouette »,[...]

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Écrit par

  • : ancien élève de l'École normale supérieure, professeur honoraire à l'université Yale, Connecticut, États-Unis

Classification

Pour citer cet article

Henri PEYRE. SHELLEY PERCY BYSSHE (1792-1822) [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Média

Percy Shelley - crédits : Gustavo Tomsich/ Corbis/ Getty Images

Percy Shelley

Autres références

  • BYRON GEORGE GORDON (1788-1824)

    • Écrit par François NATTER
    • 4 444 mots
    • 1 média
    ...ne devait plus y revenir. Il traversa la Belgique, remonta la vallée du Rhin et gagna le lac de Genève où l'avait précédé un autre poète exilé, P. B.  Shelley, avec qui il se lia d'amitié. Celui-ci était accompagné de sa maîtresse, Mary Godwin (fille de Godwin et Mary Wolstoncraft) et de Jane (Clare)...
  • KEATS JOHN (1795-1821)

    • Écrit par Henri PEYRE
    • 3 575 mots
    • 1 média
    ...sur l'eau. » Son modeste logis était à Rome, près des escaliers de Trinità dei Monti, sur la place d'Espagne ; la maison est aujourd'hui le musée Keats- Shelley. Shelley en effet, dès l'été de 1820, avait écrit à Keats pour l'inviter à le rejoindre en Italie, à Pise. Keats avait refusé, par une lettre un...
  • ORIENTALISME, art et littérature

    • Écrit par Daniel-Henri PAGEAUX, Christine PELTRE
    • 10 996 mots
    • 8 médias
    ...l'évocation du harem du sultan, Byron sait aussi, dans Le Corsaire (1814) par exemple, faire entendre le chant de la liberté. Il en va de même pour P. B. Shelley (1792-1822), qui célèbre l'indépendance de la Grèce dans Hellas en opposant le camp de la liberté à celui du despotisme oriental....
  • PEACOCK THOMAS LOVE (1785-1866)

    • Écrit par Roger MEUNIER
    • 263 mots

    En 1812, Peacock rencontra Shelley ; puis, en 1817, il passa quelques mois à Great Marlow en sa compagnie. Cette période joua un rôle décisif dans le développement de sa carrière d'écrivain. Les idées qui constituent la base des dialogues étincelants de ses livres tirent probablement leur origine des...

Voir aussi