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PÉONAGE

À l'origine, le péon est le travailleur agricole, non propriétaire, qui n'a que la force de ses bras pour vivre. Au xixe siècle, quand s'est posé en Amérique latine le problème de la main-d'œuvre agricole, une pratique nouvelle est apparue et a modifié le sens du mot. Par « péonage » on entend alors le système qui relève du seul droit non écrit et qui consiste à attacher l'ouvrier agricole à la propriété sur laquelle il travaille, en l'obligeant à s'endetter.

Le village est généralement trop loin pour qu'on puisse aller y faire les achats indispensables et, dans la plupart des cas, les travailleurs sont payés sous forme de crédit ouvert dans le magasin du domaine (la tienda de roya) qui appartient au maître. Cette pratique vise d'ailleurs autant, sinon plus, à contraindre le péon au travail qu'à l'immobiliser.

La modernisation économique, en cours au xixe siècle (le continent devient grand exportateur de produits agricoles et de matières premières), impose en effet au travailleur rural une charge qu'il n'accepterait pas spontanément. La productivité doit augmenter, sans révolution technique. Le rythme du travail change, ce qui explique l'apparition d'un thème sociologique et littéraire : celui de la paresse du paysan ibéro-américain. On exige de lui à la fois les avantages du prolétariat moderne (rapidité, efficacité) et ceux du travailleur traditionnel (bas salaire et docilité).

Un péon salarié coûterait trop cher et s'en irait rapidement, on a donc recours au travail forcé (le péonage n'est rien d'autre) de la plèbe rurale qui est la grande vaincue du xixe siècle.

Au moment où, en Europe, l'usine fabrique le prolétaire, en Amérique, le grand domaine fabrique le péon. L'accaparement de la terre par le latifundio n'est pas une fin en soi ; il vise à obliger le paysan à se louer. Si les communautés paysannes résistent trop ou bien si c'est le désert démographique, on importe des coolies chinois (Pérou) que l'on fait travailler dans les mêmes conditions serviles.

— Jean MEYER

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Écrit par

  • : professeur à la faculté des lettres et sciences humaines de Rennes

Classification

Pour citer cet article

Jean MEYER. PÉONAGE [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Autres références

  • LOYAUTÉ

    • Écrit par François BOURRICAUD
    • 3 728 mots
    ...paysannes (en Italie du Sud, au Mexique, au Pérou, en Grèce), l'essentiel des transactions politiques locales se déroulent entre patrons et clients. La relation se caractérise d'abord par son asymétrie. Le patron est propriétaire, il exerce vis-à-vis des peones sans terre un monopole de l'embauche....

Voir aussi