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PENTHÉSILÉE, Heinrich von Kleist Fiche de lecture

Tragédie de Heinrich von Kleist, commencée en 1806, terminée à la fin de 1807, Penthésilée fut publiée l'année suivante. Elle se compose de vingt-quatre scènes, écrites en pentamètres ïambiques, sans division en actes. L'action se déroule sur « un champ de bataille dans les environs de Troie ». Les faits exposés dans la pièce, bien qu'éloignés des récits d'Homère, n'ont pas été inventés par Kleist. Il les a trouvés dans le Gründliches mythologisches Wörterbuch (Dictionnaire fondamental de mythologie) de Benjamin Hederich, un ouvrage de référence à l'époque, dans lequel sont relatées les mœurs des Amazones et la passion de Penthésilée pour Achille.

Une passion tragique

Conduites par leur reine Penthésilée, les Amazones sont intervenues dans la guerre qui oppose Grecs et Troyens. Les Grecs redoutent qu'elles apportent du renfort à leur adversaire, mais elles s'attaquent indifféremment aux deux camps : la loi de ce peuple de femmes veut que les guerrières vainquent au combat de jeunes hommes, les ramènent captifs dans leur capitale Thémiscyre et s'unissent avec eux lors de la « Fête des Roses ». Puis les hommes sont chassés et les enfants mâles tués, car seules les filles ont le droit de survivre. Bravant la loi de son peuple qui lui interdit de choisir son adversaire, Penthésilée se sent irrésistiblement attirée par Achille. Celui-ci, pour sa part, déclare à Ulysse qu'il ne rentrera pas en Grèce tant qu'il n'aura pas fait de Penthésilée sa fiancée.

Les premiers assauts des Amazones sont victorieux et elles pourraient rentrer à Thémiscyre. Mais Penthésilée, qui a cherché Achille sans le trouver, veut poursuivre le combat. C'est en vain que son amie Prothoé tente de lui faire entendre raison. Achille sort vainqueur d'un premier affrontement, à l'issue duquel la reine tombe évanouie. Prothoé persuade Achille de lui faire croire qu'elle est victorieuse. À son réveil, Penthésilée exulte : « Ô sèves de ma jeunesse, messagères ailées du Bonheur, mettez-vous en mouvement, coulez avec ivresse dans mes veines, et, sur ces joues qui sont tout un empire, déployez comme une rouge oriflamme : le jeune fils de la Néréide est à moi ! » Dans une scène d'une grande intensité, Achille et elle s'avouent l'amour qui les attire l'un vers l'autre « comme si deux astres se fracassaient ». Mais les efforts des Amazones pour libérer leur reine lui font comprendre que c'est elle la prisonnière. En vain, Achille essaie de la convaincre de le suivre en Grèce. Elle ne peut accepter l'humiliation et est finalement enlevée par ses compagnes.

Malgré le conseil des chefs d'armée, Achille décide d'affronter Penthésilée dans un nouveau combat. En réalité, il est résolu à se laisser vaincre et conduire comme captif au pays de celle qu'il aime. Mais, dans sa rage et son aveuglement, Penthésilée a perdu le contrôle d'elle-même. Elle appelle ses chiens et ses éléphants, et se rue sur Achille, telle une démente. Elle lui transperce la gorge d'une flèche et, dans un état second, lui arrache son armure, plante ses dents dans sa poitrine et le dévore avec ses chiens. Revenant peu à peu à elle, elle demande d'abord qui a commis ce crime, puis se souvenant, elle saisit l'horreur de son acte : « Désirer... déchirer... cela rime. Qui aime d'amour songe à l'un – et fait l'autre. » Puis elle appelle la mort et tombe brutalement, retirant de son cœur « comme dans le fond d'une mine » le sentiment qui l'anéantit.

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Écrit par

  • : professeur au département des arts du spectacle à l'université de Paris-Ouest-Nanterre-la Défense, traducteur, dramaturge

Classification

Pour citer cet article

Jean-Louis BESSON. PENTHÉSILÉE, Heinrich von Kleist - Fiche de lecture [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Autres références

  • PENTHÉSILÉE (mise en scène J. Brochen)

    • Écrit par David LESCOT
    • 1 301 mots

    C'est avec La Cagnotte, de Labiche, en 1994, que la troupe des Compagnons de jeu, fondée par Julie Brochen, avait signé son acte de naissance théâtral. Après J. P. Vincent et J. Jourdheuil, après Klaus Michael Grüber, on trouvait là ravivées les vertus subversives, antibourgeoises et...

  • KLEIST HEINRICH VON (1777-1811)

    • Écrit par Claude DAVID
    • 3 183 mots
    La paix de Tilsit, cependant, rend Kleist à la liberté en juillet 1807. Il s'installe à Dresde et se remet à écrire. C'est le temps de Penthésilée et des premiers récits en prose. Le peuple des Amazones est marqué par un traumatisme héréditaire : ravagé jadis par des hordes d'Éthiopiens,...

Voir aussi