RUDOLPH PAUL (1918-1997)
L'architecte américain Paul Rudolph a été l'architecte américain le plus célèbre de l'après-guerre, avant de connaître dans les années 1970 un discrédit qui le blessa profondément. Il fut en effet emporté par la vague critique de ce qui allait devenir le postmodernisme, où s'illustrèrent d'ailleurs plusieurs de ses anciens étudiants (Charles Gwathmey, Robert Stern, Stanley Tigerman) tandis que d'autres architectes (comme Norman Foster ou Richard Rogers) allaient devenir les protagonistes du mouvement high-tech britannique.
Rudolph est né, en 1918, à Elkton (Ky.) ; il était le fils d'un prêtre méthodiste. Jusqu'en 1940 il est étudiant à l'Institut polytechnique d'Alabama puis à l'université Harvard avec Walter Gropius. Il est diplômé en 1947, après avoir passé les années de guerre dans la marine. Associé avec Ralph Twitchell à Sarasota (Calif.), il s'installe à New Haven, Connecticut, en 1957 puis à New York en 1965.
Il s'illustre d'abord comme architecte de maisons individuelles (notamment à Siesta Key, Sarasota ou Palm Beach), constructions basses conçues sous l'influence de Ludwig Mies van der Rohe et du style international. Légères et raffinées, riches d'invention technique, elles se caractérisent par leur transparence, la netteté de leur parti horizontal, la finesse de leurs ossatures puis elles sont progressivement marquées par des volumes plus emphatiques (Milan House à Jacksonville, 1960-1962).
C'est dans ses projets de logement collectif que cette volonté d'imbrication des éléments va prendre une dimension plus futuriste : cristallisation de cellules serrées les unes contre les autres ou bien accrochées à des structures porteuses géantes (projets pour Stafford Harbour, Va., 1966, Lower Manhattan à New York, 1967). Supposant que le mobil-home pouvait devenir la « brique » du futur, c'est-à-dire le module d'une architecture industrialisée, Rudolph proposa un urbanisme à base de conteneurs assemblés. De son propre aveu, Oriental Masonic Gardens, expérience menée dans cet esprit à New Haven (1968-1971), fut mal reçue par les habitants, hostiles à l'idée d'habiter une sorte de caravane.
D'une production très abondante, diffusée dans les revues du monde entier, soutenue par ses rigoureux dessins à l'encre, il faut retenir le monumental parking à étages en béton armé de Temple Street à New Haven (1959-1963) et, dans la même ville, le complexe de logements pour personnes âgées de Crawford Manor (1962-1966), une tour très articulée, aux petits balcons ronds en saillie, aux textures de béton cannelé. Et surtout l'école d'art et d'architecture de Yale, que Rudolph dirigea de 1957 à 1965 (Charles Moore lui succède alors). Le parti de cet édifice, que le critique Vincent Scully trouve « furieusement ambitieux », est inspiré du couvent de Le Corbusier à la Tourette. Chef-d'œuvre du brutalisme américain (1958-1963), il est organisé autour d'un vaste atrium lumineux, très dessiné en termes de volumes et de relations spatiales. Son béton, brut de décoffrage ou strié de raies verticales, son abstraction vigoureuse, dense et sculpturale, le dialogue tumultueux des espaces en font le symbole d'un modernisme pleinement assuré, qui peut sembler autoritaire. En 1969, un groupe d'étudiants tente de l'incendier ; longtemps abandonné, il a été ensuite transformé en un centre administratif et d'archivage.
Cet événement brutal sonne le glas de la notoriété d'un concepteur qui avait souhaité dépasser le modernisme européen pour porter l'architecture américaine à un niveau expressif et lyrique. Rudolph est chargé néanmoins jusqu'à sa mort, à New York, d'importantes opérations, essentiellement en Asie du Sud-Est : gratte-ciel du Bond Center à Hong Kong, immeubles à Djakarta, Singapour,[...]
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Écrit par
- François CHASLIN : critique d'architecture
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