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PARLEMENT EUROPÉEN

Itinéraire d’un parlement gâté

La montée en puissance progressive du Parlement européen frappe par son ampleur. Elle commence dans les années 1970 avec l’obtention de prérogatives en matière budgétaire (traité de Luxembourg de 1970 et traité de Bruxelles de 1975), puis avec la mise en place de l’élection des eurodéputés au suffrage universel direct en 1979 – disposition prévue par le traité de Rome de 1957, mais reportée jusqu’à cette date. L’introduction du suffrage universel contribue non seulement à légitimer les prétentions du Parlement à représenter les citoyens européens, mais elle le dote également de représentants à plein temps, soucieux de défendre ses prérogatives. Des années 1980 aux années 2000, les révisions successives des traités confirment le rôle législatif du Parlement européen. En 1986, l’Acte unique systématise sa consultation. En 1992, le traité de Maastricht (entré en vigueur en 1993) prévoit une procédure de colégislation plaçant quasiment sur un pied d’égalité le Conseil de l’UE et le Parlement. Le champ des décisions relevant de la codécision, rebaptisée « procédure législative ordinaire », est ensuite progressivement étendu. À partir du traité de Lisbonne de 2007 (entré en vigueur en 2009), environ 90 % de la législation relève de la codécision entre le Conseil de l’UE et le Parlement européen.

L’affirmation des pouvoirs législatifs du Parlement européen s’accompagne d’un exercice accru de ses prérogatives en matière de contrôle. Ainsi, à partir de 2004, il n’a pas hésité à refuser la nomination de certains commissaires. Enfin, le budget du Parlement – près de 2 milliards d’euros vers 2020, finançant quelque 7 500 fonctionnaires – est exceptionnellement élevé.

La remarquable montée en puissance du Parlement européen est le fruit d’une stratégie mise en place avec continuité par l’institution elle-même, dans le but d’obtenir l’ensemble des prérogatives d’un parlement. À cette fin, les différents groupes de l’assemblée n’ont pas hésité à s’unir et à conditionner collectivement leur accord sur tel ou tel projet à une révision des procédures dans un sens favorable à leur pouvoir. Le nom même de Parlement européen fut imposé en 1962 par cette institution, que le traité de Rome mentionnait comme simple « assemblée parlementaire européenne ». Cette volonté collective ne saurait cependant suffire à expliquer cette montée en puissance, dans la mesure où le Parlement européen n’est officiellement ni négociateur ni signataire des traités européens. D’autres éléments sont venus en soutien de ses revendications.

En premier lieu, cette assemblée constitue en elle-même un symbole de l’intégration de l’Europe, symbole fréquemment réactivé, notamment quand Simone Veil, survivante des camps d’extermination nazis, en devint la présidente en 1979 ou, depuis 1988, à chaque remise annuelle du prix Sakharov (distinction accordée par l’UE aux actions en faveur des droits de l’homme). Le renforcement du rôle du Parlement européen constitue ainsi une affirmation nette de l’engagement pro-européen des États membres de l’UE. En second lieu, le Parlement s’est affirmé, à partir de son élection au suffrage universel de 1979, comme la composante démocratique et représentative de la gouvernance européenne. Cette affirmation n’avait pourtant rien d’évident, compte tenu des forts taux d’abstentions aux élections européennes et de la légitimité électorale indirecte mais réelle de chaque gouvernement siégeant au Conseil de l’UE. Elle s’imposa cependant aux élites européennes, confrontées au sentiment diffus que l’UE souffrait d’un déficit démocratique préoccupant et grandissant. En élargissant les pouvoirs législatifs du Parlement européen à chaque révision des traités, les chefs d’État et de gouvernement entendaient[...]

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Écrit par

  • : professeur associé, Centre d’études européennes et de politique comparée de Sciences Po, Paris

Classification

Pour citer cet article

Olivier ROZENBERG. PARLEMENT EUROPÉEN [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Article mis en ligne le et modifié le 21/03/2024

Médias

Parlement européen, Strasbourg - crédits : Arterra/ Universal Images Group/ Getty Images

Parlement européen, Strasbourg

Institutions politiques de l’Union européenne - crédits : Encyclopædia Universalis France

Institutions politiques de l’Union européenne

Séance du Parlement de Strasbourg - crédits :  Parlement européen

Séance du Parlement de Strasbourg

Autres références

  • UNION EUROPÉENNE (HISTOIRE DE L')

    • Écrit par
    • 9 509 mots
    • 8 médias
    ...fédéralistes européens, il devint commissaire européen de 1970 à 1976, puis député européen (apparenté au groupe communiste). En 1984, il fit adopter par le Parlement européen un « projet de traité instituant l’Union européenne » assez fédéraliste, qui fut rejeté par les Parlements nationaux, mais qui inspira...
  • BANQUE EUROPÉENNE D'INVESTISSEMENT (BEI)

    • Écrit par
    • 2 348 mots
    ...européenne, qui accepte de se voir dépossédée de volumes croissants de fonds budgétaires jadis utilisés à des fins de subventions, se structure, et sesrelations avec le Parlement européen, chargé de superviser la mise en œuvre des mandats politiques donnés à la BEI et au FEI, s’améliorent.
  • CINQUIÈME RÉPUBLIQUE - La période post-gaullienne (1969-1981)

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    • 6 934 mots
    • 4 médias
    ...que fut décidée, dès décembre 1974, la création du Conseil européen des chefs d'État et de gouvernement, mais il fut dans le même temps prévu d'élire le Parlement européen au suffrage universel direct. La mise en œuvre de cette mesure fut longue et les premières élections n'eurent lieu qu'en juin 1979....
  • CINQUIÈME RÉPUBLIQUE - Les années Chirac (1995-2007)

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    La division de la droite modérée est une nouvelle fois mise en évidence à l'occasion des élections duParlement européen en 1999. Le R.P.R. n'arrive à faire liste commune qu'avec Démocratie libérale. Philippe Séguin, président du R.P.R., qui devait conduire la liste avec Alain Madelin, démissionne...
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