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MANDELA NELSON (1918-2013)

Le 11 février 1990, le plus ancien prisonnier politique du monde recouvre la liberté. Au bras de sa femme et le poing levé, Nelson Mandela, l'icône de la lutte anti-apartheid, quitte libre la prison Victor Verster, à Paarl, près du Cap, en Afrique du Sud. Des millions de téléspectateurs découvrent alors le visage de Nelson Mandela, dont on n'avait plus d'images depuis 1965. Celui qui avait été le commandant en chef d'une armée secrète de libération puis le leader mythique du peuple noir emprisonné dans les townships, comme lui dans son pénitencier, devient alors le principal négociateur de la transition vers la fin de la domination blanche en Afrique du Sud. Avec Frederik De Klerk, dernier chef d'État du régime d'apartheid, Mandela reçoit le prix Nobel de la paix en 1993, avant de devenir le premier président noir du pays, élu en 1994. Il est resté, après son mandat de cinq ans, un père de la nation très attentif au sort de son peuple.

Le jeune chef : du Transkei à l'A.N.C.

L'enfance de Mandela, né le 18 juillet 1918, est avant tout celle d'un fils de chef de tribu, membre de la famille royale des Thembus, appartenant au peuple Xhosa.

Mandela restera toujours marqué par l'éducation traditionnelle qu'il a reçue : le goût de la liberté et du défi forgé entre camarades de jeu durant ses jeunes années à Qunu (près de Mvezo) ; mais également sa formation de chef à Mqekezweni, la cour du régent des Thembus, lequel a adopté le jeune garçon à la mort de son père, en 1927. C'est de là que le futur président sud-africain tient sa conception d'un pouvoir politique légitimé par la capacité de son détenteur à énoncer le consensus général.

À la mission méthodiste de Qunu, puis au collège de Clarkebury, au lycée de Healdtown et à l'université pour Noirs de Fort Hare, Mandela est formé pour faire partie de l'élite indigène utile à son peuple comme à l'administration blanche. Si son souhait est alors de devenir un « Anglais noir », il comprend petit à petit qu'au-delà de son identité thembu, il est surtout un Africain.

Ce chemin de l'acculturation, Mandela le suit en ne reniant rien et en intégrant tout ; il apprend à aimer la culture anglaise mais reste fidèle à ses origines. La rupture n'intervient qu'en 1941, lorsque, en désaccord avec l'autorité de son tuteur, il gagne Johannesburg comme des milliers de jeunes gens de son âge attirés par les lumières de la grande métropole. Dans les townships de la cité de l'or, parmi les déracinés de toutes ethnies, s'invente le rêve d'une Afrique du Sud moderne où les Noirs auraient leur place. Mandela et ses amis de l'époque sont non seulement ceux qui inventent la nouvelle Afrique du Sud ? notamment dans le projet politique que représente la Charte de la liberté ? mais ils sont aussi parmi les premiers à montrer la voie d'une nouvelle sud-africanité : urbaine, libre, active, intellectuelle, militante. C'est chez Walter Sisulu que Nelson Mandela commence à participer à des réunions qui marquent le début de son activisme politique. Le groupe qui se forme alors (W. Sisulu, Oliver Tambo, Anton Lembede, Ashby Mda...) est à l'origine de la création, en 1944, d'une Ligue des jeunes au sein du vieux parti politique de l'African National Congress (A.N.C.), fondé en 1912 sous le nom de South African Natives National Congress.

Mandela est déjà aspiré par une nouvelle vie, celle de la ville, du militantisme politique. Désormais, il ne reviendra que rarement au Transkei. Mais s'il rompt avec le conservatisme de sa chefferie, c'est pour mieux rester fidèle, dans un contexte moderne, aux luttes de ses ancêtres contre la domination blanche. Sa prestance physique, un mélange d'autorité naturelle et de modernité révolutionnaire feront de lui le leader incontesté de la[...]

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Écrit par

  • : professeur agrégé, enseignant à Sciences Po Bordeaux, spécialiste de l'Afrique du sud, rattaché au laboratoire Les Afriques dans le monde (LAM)

Classification

Pour citer cet article

Benoît DUPIN. MANDELA NELSON (1918-2013) [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Médias

Frederik De Klerk et Nelson Mandela, 1990 - crédits : Sunday Times/ Gallo Images/ Getty Images

Frederik De Klerk et Nelson Mandela, 1990

Nelson Mandela après sa libération en 1990 - crédits : Peter Turnley/ Corbis/ VCG/ Getty Images

Nelson Mandela après sa libération en 1990

Nelson Mandela élu président de la République - crédits : Louise Gubb/ Corbis Historical/ Getty Images

Nelson Mandela élu président de la République

Autres références

  • AFRIQUE DU SUD RÉPUBLIQUE D' ou AFRIQUE DU SUD

    • Écrit par Ivan CROUZEL, Dominique DARBON, Benoît DUPIN, Universalis, Philippe GERVAIS-LAMBONY, Philippe-Joseph SALAZAR, Jean SÉVRY, Ernst VAN HEERDEN
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    Frederik Willem De Klerk est né...

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Voir aussi