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MUSICALES (TRADITIONS) Musiques de l'Asie du Sud-Est

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Particularités du langage musical

La conception du « mode »

Selon Morton pour la Thaïlande et Jacques Brunet pour le Cambodge, il n'existe pas de notion de « mode » comparable à celle du rāga de l'Inde ou du maqām des pays arabes. L'ethos n'est pas pris en considération. Au Cambodge, les chants alternés gais et alertes peuvent utiliser la même échelle que la musique triste.

En revanche, le concept du patet à Java présente selon M. Hood les caractères fondamentaux d'un « mode » : l'existence d'une échelle caractéristique (l'une des six échelles de base : trois échelles slendro et trois échelles pelog) ; la hiérarchie des degrés (pour chaque patet, le degré le plus important est le dasar, puis viennent dans l'ordre le premier gong et le second gong) ; l'existence d'une formule mélodique (à part la mélodie fixe de chaque patet, il y a des formules de cadences) ; le sentiment modal (chacun des trois patet de chaque type d'échelle est associé avec l'une des trois périodes des représentations de théâtre d'ombres, qui correspondent à certaines heures du jour et de la nuit).

La polyphonie

Dans la musique orchestrale des pays de l'Asie du Sud-Est, on entend souvent simultanément des sons de hauteur différente. Peut-on parler de « polyphonie » ? Non, si l'on comprend ce mot dans le sens occidental. Mantle Hood et Morton ont utilisé l'expression « stratification polyphonique ». D'autres musicologues ont préféré les termes « polymélodie » ou « hétérophonie ». Le souci de faire entendre deux sons de hauteurs différentes est certain. Dans l'ancienne tradition khmer, les joueurs de xylophone faisaient entendre deux sons distants d'une octave l'un de l'autre. Les joueurs thaïlandais font entendre la quinte ou la quarte. Selon Brunet, lorsque les musiciens cambodgiens jouent dans un ensemble, chacun cherche à trouver la formule qui lui plaît, à partir d'une mélodie connue de tout le monde : « Chacun va ainsi son propre chemin pour se retrouver avec les autres de temps en temps. »

En Indonésie, les règles sont un peu plus strictes, surtout dans la musique de Bali. Par la facture des instruments et la composition des ensembles, plusieurs lignes mélodiques à partir d'une cellule mélodique se déroulent simultanément. Il n'existe pas de structures harmoniques comme en Occident, mais un certain type de contrepoint n'est pas exclu.

Le rythme

Le rythme ternaire est presque inexistant dans la musique savante. Les mesures à deux ou à quatre temps sont les plus courantes. Il existe trois tempi : lent, modéré et rapide. Sauf dans la musique de Bali, caractérisée par le contraste soudain dans le tempo et dans la dynamique, le rythme en général paraît uniforme ; il est ponctué par plusieurs instruments à percussion qui divisent le discours en plusieurs périodes ; chaque phrase musicale est très carrée et la fin en est indiquée par une percussion. Les joueurs de tambours horizontaux à deux peaux frappés à main nue (sampho au Cambodge, kendang en Indonésie) doivent connaître plusieurs formules rythmiques élaborées qu'ils mémorisent par des onomatopées représentant les timbres des frappes, comme cela se fait en Inde.

La forme des pièces

Dans le groupe thai-khmer, aucune forme fixe n'a été signalée. Selon Morton, dans la musique instrumentale de Thaïlande, les phrases musicales comportent deux ou quatre « mesures » qu'il appelle phrase-units. Quatre de ces phrase-units forment une unité appelée phrase-block (phrase musicale). Chaque pièce comporte un certain nombre de phrase-blocks. Une mélodie donnée a toujours trois versions : originale, longue et courte. Elle est exécutée dans l'ordre suivant : version longue, version originale et version courte.

Dans la musique de Java, une pièce orchestrale,[...]

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Écrit par

  • : directeur de recherche au C.N.R.S., président et directeur des études du Centre des études de musique orientale

Classification

Pour citer cet article

TRAN VAN KHÊ. MUSICALES (TRADITIONS) - Musiques de l'Asie du Sud-Est [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Article mis en ligne le et modifié le 14/03/2009

Médias

Jeu de gongs - crédits : Pattarasiri Virayasi/ Fotolia

Jeu de gongs

Échelle de base thai-khmer - crédits : Encyclopædia Universalis France

Échelle de base thai-khmer

Échelle slendro - crédits : Encyclopædia Universalis France

Échelle slendro

Autres références

  • ALCHIMIE

    • Écrit par et
    • 13 642 mots
    • 2 médias
    Les rapports entre la métallurgie et la musique sont mentionnés déjà par Strabon, par Solin et par Plutarque. Selon Aristide Quintilien, la musique désigne, en général, « ce qui régit et coordonne tout ce que la nature enferme dans son sein ». Ptolémée, dans ses Harmoniques, assimile les...
  • BACHIR MOUNIR (1930-1997)

    • Écrit par
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    Irakien né à Mossoul d'une mère kurde et d'un père syriaque orthodoxe, Mounir (ou Munir) Bachir a été surnommé l'« émir du oud ». Au côté de son père, Abdel-Aziz Bachir, luthiste et chanteur réputé, il se familiarise avec les diverses facettes de la tradition irakienne, où se mêlent influences syriaques,...

  • BEBEY FRANCIS (1929-2001)

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    Auteur-compositeur, écrivain, poète, chanteur et guitariste camerounais. En 1950, il vient étudier à Paris et joue avec son compatriote Manu Dibango. Il étudie ensuite le journalisme aux États-Unis puis regagne la France, où il entre comme reporter à la Sorafom (Société de radiodiffusion de la France...

  • BERIO LUCIANO (1925-2003)

    • Écrit par
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    ...extra-européennes. Il s'est en fait intéressé aux expressions et aux techniques populaires qui lui ont permis d'embrasser des mondes apparemment hétérogènes : les folklores sicilien et serbo-croate, les chants arméniens, les polyphonies pygmées... À l'instar de Bartók ou de Stravinski, Berio a réussi à intégrer...
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