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IQBĀL MOHAMMAD (1873-1938)

Philosophe et poète qui contribua à la fondation du Pakistan, Iqbāl (Ikbāl) est né au Pandjāb, dans une famille de brahmanes du Cachemire convertis à l'islam depuis trois siècles. Il se rend en Europe en 1905, où il rencontre notamment Mac Taggart et Bergson ; il étudie à Cambridge, soutient en Allemagne un doctorat de philosophie sur la métaphysique en Perse et professe quelque temps l'arabe à l'université de Londres. Son premier grand ouvrage, Asrār-i khūdī, fut traduit en anglais sous le titre Secrets of the Self par le professeur Nicholson, qui déclara que son message n'était pas destiné aux seuls musulmans de l'Inde, mais à ceux du monde entier. Puis vinrent Rumūz-i Bēkhudi, Zabur-i Ajam, Musafir, Payām-i Mashriḳ (traduit sous le titre Message de l'Orient par E. de Vitray-Meyerovitch, Paris, 1956) et Jāvid-Nāma (Le Livre de l'éternité trad. E. de Vitray-Meyerovitch, Paris, 1962). Ces œuvres sont écrites en persan, alors que Bāng-i Dara, Pas che bāyed kerd, Bāl-i Jibrail, Zarb-i Kalim, sont en ourdou ; une anthologie posthume, Armughān-i Hdjāz contient des poèmes dans les deux langues.

Iqbāl ne croit pas à l'art pour l'art ; il considère que l'écrivain a pour mission de réveiller les esprits et les peuples endormis. Son ouvrage principal est une œuvre en prose comprenant de célèbres conférences, faites en anglais et réunies sous le titre The Reconstruction of Religious Thought in Islam (Reconstruire la pensée religieuse de l'islam, trad. E. de Vitray-Meyerovitch, 1955). Étudiant avec une grande profondeur de pensée et beaucoup de largeur de vues l'esprit de la culture musulmane, il rappelle que le but principal du Coran est d'« éveiller dans l'homme une conscience plus haute de ses multiples relations avec Dieu et l'univers » ; et il note le caractère concret et dynamique de cette culture qui a posé les fondements mêmes des méthodes expérimentales. La recherche de bases rationnelles, commencée avec le Prophète, est essentielle dans l'islam : Iqbāl déclare qu'il est naturel que l'homme de notre temps exige « une forme scientifique de connaissance religieuse » et qu'il s'est lui-même efforcé, pour cette raison, « de reconstruire la philosophie religieuse musulmane, en tenant dûment compte des traditions philosophiques de l'islam et des progrès les plus récents dans les divers domaines de la connaissance humaine ». Il percevait avec acuité le désarroi de l'homme du xxe siècle, qui « n'a pas su courber l'intellect sous le prestige de la vision. L'homme qui explore le cours des astres n'a pas su trouver sa route dans le monde de ses propres pensées. Lui qui a capturé les rayons du soleil n'a pas su illuminer la sombre nuit de sa vie ». Cependant, Iqbāl croyait à la nécessité et à la possibilité de concilier les valeurs diverses de la culture orientale et de la culture occidentale : « Le jour n'est pas éloigné, dit-il, où la religion et la science pourront découvrir des affinités mutuelles jusqu'alors insoupçonnées. » Son œuvre exerça d'emblée une profonde influence sur les jeunes musulmans ; l'un d'eux écrivait : « Iqbāl est venu parmi nous comme un Messie ressuscitant les morts. »

L'humanisme d'Iqbāl fondé sur l'observation de la nature et de ses signes, est aussi une méditation sur l'histoire, le temps, la psychologie, conformément à l'enseignement coranique, qui appelle constamment à réfléchir sur le donné universel « à l'intérieur comme à l'extérieur ». Pour Iqbāl, l'homme pleinement conscient du rôle qu'il doit jouer (celui de coopérer avec Dieu afin d'aider l'humanité en marche) est le but de la création : « Sa position est plus haute que celle des cieux. » Le poète salue en ces termes la naissance d'Adam : « La nouvelle s'en répandit, de l'univers[...]

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Pour citer cet article

Eva de VITRAY-MEYEROVITCH. IQBĀL MOHAMMAD (1873-1938) [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Autres références

  • ISLAM (Histoire) - Le monde musulman contemporain

    • Écrit par Françoise AUBIN, Olivier CARRÉ, Nathalie CLAYER, Universalis, Andrée FEILLARD, Marc GABORIEAU, Altan GOKALP, Denys LOMBARD, Robert MANTRAN, Alexandre POPOVIC, Catherine POUJOL, Jean-Louis TRIAUD
    • 31 426 mots
    • 12 médias
    Le sous-continent a continué de produire des modernistes hardis. Ainsi, le poète philosophe Muḥammad Iqbāl (1876-1938), qui reconstruisit la pensée islamique et fut le père spirituel du Pakistan. Ce dernier pays a donné des penseurs audacieux, comme l'exégète Ghulām ‘Alī Parwez (1903-1986) ou l'islamologue...
  • LYRISME

    • Écrit par Jamel Eddine BENCHEIKH, Jean-Pierre DIÉNY, Jean-Michel MAULPOIX, Vincent MONTEIL, René SIEFFERT
    • 10 725 mots
    • 2 médias
    ...merveilleuse, le persan, au confluent de l'Europe, du monde arabe et de l'Inde, c'était aussi, avec l'urdu et l'anglais, l'une de celles que le grand Mohammad Iqbâl (1873-1938), le poète national du Pakistan, choisit d'écrire, pour plusieurs de ses livres. On a pu comparer son Livre de l'éternité...
  • MU‘TAZILISME

    • Écrit par Roger ARNALDEZ
    • 5 840 mots
    En Inde, Muḥammad Iqbāl, dans son livre Reconstruire la pensée religieuse de l'Islam (trad. E. Meyerovitch, Paris, 1955), critique sévèrement le mu‘tazilisme : « Les mu‘tazila, ne concevant la religion que comme un corps doctrinal et l'ignorant en tant que fait vital [...], réduisirent la religion...
  • URDŪ ou OURDOU LANGUE & LITTÉRATURE

    • Écrit par Denis MATRINGE
    • 2 713 mots
    ...affrontements politico-religieux entre hindous et musulmans. Parmi ces derniers, l'écrivain dont l'influence fut la plus considérable est indéniablement Muḥammad Iqbāl. Avocat de profession, il produisit, en persan, en anglais et en urdū, une œuvre variée, tendue vers l'action, l'originalité, la dynamique. L'élan...

Voir aussi