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MÉMOIRES, Philippe de Commynes Fiche de lecture

Dans le prologue des Mémoires, Philippe de Commynes (1447-1511) déclare qu'il s'est donné pour tâche de « mettre par mémoire » ce qu'il a connu des « faits » du roi Louis XI. Ce projet ne concerne en fait que les livres I à VI, composés entre 1489 et 1493, les livres VII et VIII (entre 1495 et 1498) relatant l'expédition de Charles VIII en Italie et s'achevant avec le couronnement de Louis XII. Conservée par neuf manuscrits et de nombreuses éditions anciennes (la version imprimée en 1552 par Denis Sauvage a fait autorité jusqu'à la fin du xixe), l'œuvre n'a jamais cessé d'être lue et appréciée. Elle constitue un témoignage essentiel sur l'histoire de la France et de l'Europe à l'extrême fin du Moyen Âge, et marque l'avènement d'un genre littéraire nouveau en langue vulgaire. La réflexion politique qui s'en dégage, fondée de manière novatrice sur l'expérience, sur la « pratique », en fait aussi, selon le vœu de Commynes, un livre destiné à ceux qui seront amenés comme lui-même, qui fut au service de trois rois, à guider les princes.

Une nouvelle écriture de l'histoire

D'abord conseiller et chambellan de Charles le Téméraire, Commynes passe en 1472 au service de Louis XI. Avoir servi jusqu'à la fin de sa vie ce prince « dygne de tres excellente memoire », suffit déjà à garantir la valeur et la vérité de l'œuvre de mémorialiste qu'entreprend Commynes et la force démonstrative de son témoignage. Il se plaît en effet à souligner qu'il a joué un rôle de premier plan dans la plupart des intrigues et des guerres menées par Louis XI. Sa vaste expérience diplomatique, acquise en France mais aussi dans les états de Bourgogne, en Angleterre, en Savoie, en Suisse et en Italie, a été véritablement « européenne ». Bien des pages des Mémoires sont chargées d'événements et de circonstances dont le lecteur moderne peine parfois à comprendre le détail. Le mémorialiste s'attache en effet à retracer dans leur complexité les faits, leurs motivations, souvent retorses, leurs conséquences, souvent imprévisibles. L'écriture discontinue, la pratique des retours en arrière et des digressions assumées, le ton de libre conversation qu'entretient Commynes avec le premier destinataire de l'œuvre, Angelo Cato, archevêque de Vienne et autre familier de Louis XI, et, par-delà, avec les lecteurs à venir, miment ce parcours restitué sur le vif, selon l'ordre du souvenir, rompant de manière sans doute consciente avec le style flamboyant d'un Froissart ou l'écriture empesée des historiographes bourguignons.

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Écrit par

  • : professeur de littérature française à l'université de Paris-III-Sorbonne nouvelle

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